LA PHILOSOPHIE DE THOREAU (DAVID-HENRY) DANS « INTO THE WILD » (HLP - HGSP)
LA PHILOSOPHIE DE THOREAU (David-Henry) DANS « Into the wild » (HLP - HGSP)
Extrait du cours sur L’Etat et la Société : https://databac.fr/letat-et-la-societe/ (lien permanent)
L’œuvre de David-Henry (puis Henry-David !) Thoreau (1817 - 1862) est essentiellement connue voire réduite à deux concepts essentiels : La « désobéissance civile » (1) et la « non-violence » (2).
Il est à noter que, influencé par le romantisme anglais et la philosophie européenne (Kant, Rousseau), Thoreau est aussi considéré comme l’un des pères de l’écologie. De 1845 à 1847 (2ans, 2 mois et 2 jours !), il vit en autarcie (ermite !) dans une cabane dans les bois près de Concord (Massachusetts - Boston) pour vivre en harmonie avec la nature et en végétarien (nourriture sacralisée, symbolique) ! Il racontera son expérience rude et authentique dans « Walden ou la vie dans les bois » avec des accents rousseauistes : recherche d’une existence plus authentique, art de vivre fondé sur l’écoute de soi et le respect de la nature. Amour mystique de la nature. Vivre dans la Nature, c’est vivre la nature en soi et en Dieu. Toute philosophie est pour lui une mise en œuvre existentielle. Il y a ici une valorisation des grands espaces où l'on s'installe à la force des bras pour mener une vie simple, proche de la Nature vécue et expérimentée comme poète et scientifique. Le « poète-naturaliste ». Contemplation/Respect (Rousseau/écophilie) et observation (Darwin/écologie).
Dans le film « Into the wild », on voit le héros apprend la botanique et sa mort par empoisonnement sera due à une ignorance de la Nature. Ironie de l’histoire ?!
Pour le transcendantalisme, l'homme est naturellement bon et divin mais ne doit pas s'éloigner des enseignements de la Nature qui « est le symbole de la moralité ». L'individualisme (*) est également une autre valeur essentielle. En effet, aussi bien Thoreau qu'Emerson considèrent que la contemplation de la Nature et sa compréhension nécessite d'être seul. Mais la solitude n’est pas une fin en soi, elle permet de se retrouver soi-même. L'homme de l'Ouest courageux, solitaire, individualiste, faisant sa justice personnelle n'est-il pas l'archétype de l'homme transcendantaliste ?! => Figure mythique du Cowboy aux USA.
(*) Gardons-nous de confondre l’individualisme et l’égoïsme. Si l'altruiste met son idéal dans le dévouement à autrui ; l'égoïste ne tient compte que de soi, il est fermé aux autres. A la différence de l’égoïsme, l’individualisme place la valeur suprême dans l’individu.
Dans le film « Into the wild », le héros Christopher Mcandless, rejetant les principes de la société moderne, décide de partir sur les routes des Etats-Unis. Il se réfugie dans un autobus abandonné. L'accès à la Vérité demande une ascèse into the wild, en pleine nature. Il y passera 5 mois de solitude, de compréhension de la nature et de paix intérieure. Il s’agit de se guérir de la culture en retournant à la nature (// Diogène). « Devenir liberté » disait Nietzsche. Idéaliste et panthéiste, Chris., le héros, veut rompre le contrat social pour retourner au monde sauvage qui toutefois aura raison de lui.
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sob%C3%A9issance_civile => « La désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. Le terme fut créé par l'américain Henry David Thoreau dans son essai La Désobéissance Civile, publié en 1849, à la suite de son refus de payer une taxe destinée à financer la guerre contre le Mexique. Si la désobéissance civile est une forme de révolte ou de résistance, elle se distingue pourtant de la révolte au sens classique. La révolte classique oppose la violence à la violence. La désobéissance civile est plus subtile : elle refuse d'être complice d'un pouvoir illégitime et de nourrir ce pouvoir par sa propre coopération. Le principe même du pouvoir politique pourrait rendre possible l'efficacité de cette action. » (Wikipédia)
Thoreau = associé à la notion de « désobéissance civile », suite à la parution en 1849 de : « Résistance au gouvernement civil ». En effet, afin de protester contre l’esclavage, Thoreau met en place une forme pratique de « désobéissance civile » en refusant de s’acquitter de ses impôts ! Pas une protestation ou une indignation ponctuelle face à une loi jugée injuste, mais une résistance ferme et farouche face à l’Etat. Pour lui, le gouvernement US porte atteinte à la liberté individuelle contre les abus de l’Etat.
Pour ce fait d’armes, Thoreau sera d’ailleurs emprisonné une nuit, mais relâché le lendemain parce que quelqu’un a payé pour lui sa caution de libération ! Cet épisode met en place/scène un personnage solitaire et farouche pourchassé par les institutions politiques et sociales qui ne veulent pas que l’on vive à part et différemment. Thoreau nous rappelle l’exigence de la conscience morale et des vertus de l’individualisme radical. Pour lui, il importe de rester en accord avec « les lois plus élevées », de faire triompher le Bien contre le Mal. D’inspiration transcendantaliste, Thoreau croit en la toute-puissance de l’individualité, sanctifie l’autonomie (morale) de l’individu (perfectionnisme moral). Comme Emerson et son concept de « Self-Reliance », Thoreau méprise « ceux dont l’esprit est macadamisé » et marchandisé. A la « vie mesquine et sans rêve », il oppose à la « vie sublime », au plus près de la nature. Anticonformisme et refus du matérialisme marchand qui deviendra notre société de consommation. Refuser que le capitalisme passe par soi. Thoreau est également un anti-moderne, qui lutte contre l’engouement suscité par le progrès technologique (critique de la mécanisation). Thème de la décroissance (critique de la surconsommation, du gaspillage, limitation des besoins (// Epicure), frugalité, éloge de la vie indienne). Une sorte de dandy sauvage, de mystique sauvage (// Rimbaud). Refus du consumérisme. Il voit derrière la prospérité économique, une faillite morale, une déshumanisation capitaliste de l’homme.
Thoreau indexe la liberté sur l’être plutôt que sur l’avoir. Cette forte liberté devant éviter toutes formes d’engagements aliénants de la société bourgeoise : pas de mariage, pas d’enfants, pas d’emploi stable, etc…). Anarchiste de droite 😉
Dans « Into the wild »: Chris, après avoir brulé tout son argent, cite Thoreau pour justifier son geste : « Rather than love, than money, than faith, than fame, than fairness... give me truth » - « Plutôt que l'amour, que l'argent, que la foi, que la célébrité, que la justice... donnez-moi la vérité ». Nietzsche dira : « Ce qui s’achète est de peu de valeur » .
Résistant perpétuel, Thoreau n’en finit pas d’être notre contemporain : la résistance est un mode d’expression et d’action contre des décisions politiques qui vont à l’encontre des principes moraux: délation des chômeurs, fichage des enfants, expulsions d’enfants et des jeunes majeurs sans papier scolarisés, OGM, nucléaire.
Mais Thoreau est un curieux résistant, un révolutionnaire apolitique, plus soucieux de la perfection de sa conscience individuelle que de la manipulation des masses et des actions collectives.
Le nom de Thoreau est rapproché de ceux de Gandhi (a) et de Martin-Luther King (b). L’essai de Thoreau leur a donné une caution intellectuelle et morale pour refuser d’obéir à une loi contraire à la conscience personnelle. Une objection de conscience, bien plus, un « droit à la révolte ». Pour Thoreau, aucune vie ne vaut qu’on y sacrifie une autre vie (non-violence) et seule la conscience individuelle est un guide valable (droit à la résistance).
LA NON-VIOLENCE CHEZ THOREAU : La loi n’est pas un absolu. Elle n’est qu’un pis-aller, une expression voire une oppression de la majorité sur les minorités. Anarchisme ? Oui, mais conçu comme stade supérieur de la responsabilité individuelle et invention permanente d’une solidarité authentique (Tolstoï s’en souviendra à Poliana, communautés transcendantalistes).
Thoreau mène une critique du principe de démocratie, vache sacrée de notre civilisation occidentale. De même, il distingue légalité et légitimité, montrant par là comme l’antique « Antigone » de Sophocle, que l’obéissance aux lois ne constitue pas tout le civisme. La résistance à l’oppression est un devoir envers soi-même mais aussi un devoir civique. Le message de Thoreau est un appel à la révolte personnelle.
Pacifiste convaincu, Thoreau a ouvert la voie à une mise en pratique de ce que Gandhi appelait les principes non-violents. Pour lui, le libertaire, « le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins », plus loin « le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout. » (in « Résistance au gouvernement civil »). Mais comment concrètement lutter contre la violence du pouvoir politique ? Face à l’abus de la force de l’Etat, il ne sert de rien de s’insurger contre lui, d’ailleurs à quoi bon combattre ce qui est plus fort que nous ? Résistance passive au pouvoir politique : il suffit de lui retirer cette soumission à son autorité. « Soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libres » disait déjà La Boétie dans son « Discours de la servitude volontaire ». Gandhi, ayant lu Thoreau, dira : « Quand le sujet cesse de craindre la force du despote, le pouvoir de celui-ci prend fin » (Young India).
LE DROIT DE RESISTANCE : Abolitionniste (de l’esclavage), Thoreau, dans la foulée d’Emerson, pense qu’il est temps de faire entendre le point de vue de la morale face à des décisions politiques injustes. Selon lui, la chasse des esclaves en fuite, préconisée par les Etats esclavagistes (1850), sème le discrédit sur les valeurs américaines.
Plutôt que d’accorder son allégeance et sa soumission à un gouvernement incapable et inique, Thoreau revendique le droit de lui résister. Cette posture de résistance n’est pas que négative puisqu’elle affirme la possibilité de créer un gouvernement et une société meilleurs. Pour vivre en homme de principe, maître de soi, il est indispensable d’être non-conformiste, de ne pas faire allégeance inconditionnellement et de ne pas déléguer sa voix à un représentant qui parlerait en son nom (critique de la démocratie représentative).
Bref, être à l’écoute de sa conscience, indépendant de l’opinion publique, du sens commun et des idées reçues. Critique de la res-publica, Thoreau recommande aux Etats-Unis de prendre la défense de la res-privata, cad qu’ils protègent la liberté et l’autonomie individuelle. Ne pas laisser le capitalisme passer par soi. Refus du consumérisme, du productivisme. Décroissance. Abstention. Tourner le dos au mythe du progrès.
Toutefois, il est à noter que la « résistance » de Thoreau est plus individualiste et anarchiste ; elle n’envisage pas d’organiser un mouvement de masse, comme pour la libération de l’Inde (Gandhi) ou pour la lutte en faveur des droits civiques aux Etats-Unis (Luther King).
Principes transcendantalistes :
· Dieu existe = panthéisme.
· Connaissance intuitive = poésie, aphorisme, corps. Mystère du monde, nature = esprit universel, du monde. Sympathie, empathie.
· Vire à l’écart des foules = plutôt la médiation, la vérité est élitiste. Solitude.
· La confiance en soi = titre d’un ouvrage d’Emerson. // Prédestination dans le jansénisme. Ce que Dieu veut pour nous ne peut pas être que mauvais. Confiance en son destin. Protestantisme, orgueil, assurance de soi.
· Non-conformisme = être authentique, contre la mode, se moquer du jugement d’autrui. Seul compte le Jugement de Dieu.
· Jouissance et contemplation de la nature = Contre le dolorisme chrétien. Sensualisme. Contemplation mystique de la nature. Percer le mystère du monde. Fragment de la divinité.
· Construction de sa propre subjectivité – Sculpture de soi = Réforme individuelle, transformation de soi. Ne rien attendre du gouvernement. Soyez vous-même. Réalisez-vous.
Liens utiles
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