ZOLA (ÉMILE)
Émile Zola naît à Paris le 2 avril 1840. Son père, un ingénieur d'origine vénitienne qui a épousé une Française, meurt alors qu'il a 7 ans, les laissant, sa mère et lui, dans une situation précaire. Boursier au lycée d'Aix-en-Provence, Émile a pour camarade de classe Paul Cézanne, le futur peintre. À 18 ans, il monte à Paris, avec sa mère, pour s'inscrire au lycée Saint-Louis. Son échec au baccalauréat l'oblige à gagner sans tarder sa vie. Pendant peu de temps, il est employé des Douanes mais ne supporte pas cet emploi. Pour se nourrir, il mange des moineaux. En 1862, il entre à la librairie Hachette après avoir obtenu sa naturalisation. D'abord manutentionnaire, il gravit rapidement les échelons jusqu'à devenir chef de publicité. Il tente de se faire un nom en publiant des poèmes dans des revues. En 1866, il devient journaliste, ce qui lui permet d'enquêter au sein du Paris corrompu de la fin du Second Empire et de se constituer cette documentation qui sera plus tard essentielle à son œuvre. Il publie, l'année suivante, son premier- chef-d'œuvre ; Thérèse Raquin, où il met en application les principes du naturalisme, mouvement littéraire dont il deviendra le chef de file. Il se marie en 1870 (Cézanne est son témoin) juste avant que n'éclate la guerre franco-prussienne. Après l'écrasement de la Commune, il se consacre à sa fresque, les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire. Il en a dressé l'arbre généalogique et met sur fiches tous les renseignements qu'il peut obtenir auprès de ceux qui ont bien connu les époques décrites. La série, qui comporte vingt romans et quelque mille deux cents personnages, s'étend sur cinq générations. Zola y étudie « scientifiquement » une famille sur laquelle pèse une fatalité héréditaire (l'alcool et la folie) et les milieux sociaux dans lesquels évoluent ses membres, de la province à Paris, de la finance à la mine, du monde des artistes à celui des ouvriers. Mallarmé et Maupassant s'enthousiasment pour son œuvre. L'Assommoir lui ayant apporté la prospérité, il achète, en 1877, une maison à Médan, au bord de la Seine. Il y accueille ses amis de l'École naturaliste. Le Docteur Pascal, dernier tome de sa fresque paraît en 1893. Vingt ans ont été nécessaires à Zola pour bâtir son œuvre [La Faute de l’abbé Mouret (1875), Nana (1880), Pot-Bouille (1882), Au bonheur des dames (1883), Germinal (1885), La Terre (1887)...]. Sa candidature à l'Académie française a été repoussée. Certains de ses romans ont provoqué des scandales. Mais son talent est unanimement reconnu. Lorsqu'il voyage en Italie, il est reçu triomphalement par le roi et la population. En 1898, cet homme de 57 ans, au faîte de la gloire, lance un brûlot : son J'accuse, sur l'affaire Dreyfus, publié par le journal L'Aurore. Il y dénonce les lacunes du procès où un officier juif est injustement accusé d'espionnage. La France s'enflamme et se divise. Zola, assigné en justice par l'état-major, est condamné à un an de prison. Il s'exile à Londres. Mais grâce à son action, le 3 juin 1899, la Cour de cassation renvoie Dreyfus devant le Conseil de guerre. Zola rentre le 5. Il rencontre Dreyfus mais ne pourra assister à sa réintégration dans l'armée quand il aura été innocenté, en 1904. Car dans la nuit du 28 septembre 1902, Émile Zola est mort, asphyxié par les émanations de gaz carbonique de sa cheminée. Sa femme a pu, elle, être ranimée. Mort naturelle ou assassinat ? L'enquête conclut à un accident. Les autorités craignent une nouvelle affaire Zola. Son courage et ses engagements politiques lui ont valu des haines farouches. À ses obsèques, une foule immense scande « Germinal, Germinal... ». « Zola, le plus grand lyrique de tous les temps, fut un moment de la conscience humaine », écrit Anatole France. Ses cendres sont transférées au Panthéon en juin 1908, près de celles de Victor Hugo.
ZOLA Émile. Né et mort à Paris (12 avril 1840-nuit du 29 au 30 septembre 1902). Sa mère était bourguignonne; son père,François Zola, italien, ingénieur à Aix-en-Provence, où il travaillait a la construction du canal qui devait porter son nom. A la mort de son père, Émile Zola a sept ans. De sept à douze ans, il va à la pension Notre-Dame, ensuite au collège d’Aix. Après des études médiocres il se met soudainement au travail et remporte la plupart des premières places aux examens de fin d’année. Il a Cézanne pour condisciple. Ses auteurs de prédilection sont alors Lamartine, Hugo et Musset. Depuis la mort de François Zola, en 1847, une gêne proche de la misère avait gagné peu à peu le foyer jusqu’à pousser, onze ans plus tard, Mme Zola à quitter Aix pour venu-vivre à Paris. Emile Zola a alors dix-huit ans; il va au Lycée Saint-Louis, prépare un baccalauréat es sciences, mais il échoué. Il se présente de nouveau en novembre de la même année 1859, cette fois à Marseille. Toujours sans succès. Abandonnant ses études, il prend un emploi de commis des Douanes; puis, en février 1862, entre chez Hachette, où il devient chef de publicité. Ses nouvelles fonctions le mettent en rapport avec quelques-uns des écrivains les plus connus d’alors : Guizot, Lamartine, Michelet, Littré, Sainte-Beuve, Edmont About. Naturalisé en 1862, le tirage au sort l’exempte du service militaire. A vingt-quatre ans, il publie son premier livre : Contes à Ninon. Et l’année suivante, en 1865, La Confession de Claude. C’est alors qu’il devient un romancier naturaliste; abjurant sa foi romantique, il écrit Thérèse Raquin, sa première « tranche de vie ». Il a vingt-huit ans, et choisit ses nouveaux maîtres : Balzac, Stendhal, Duranty, Flaubert. Mais passer d’un roman à l’autre, sans aucun lien, ce n’est pas encore ce qui peut véritablement convenir à Zola. On a l’impression qu’il ne se décide pas à voir assez grand. L ’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, de Claude Bernard, sera la révélation qu’il attendait, et va décider de l’orientation définitive de son œuvre. Émile Zola imagine d’écrire « le roman expérimental » : Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. D’un seul regard, il voit la suite des romans qui vont le rendre célèbre; pendant un an il travaille à 1 ’arbre généalogique des Rougon-Macquart. De 1871 à 1876, Émile Zola publie six volumes : La Fortune des Rougon, La Curée, Le Ventre de Paris, La Conquête de Plassans, La Faute de l’Abbé Mouret, Son Excellence Eugène Rougon. Il a trente-six ans. Sa puissance de travail étonne, l’ampleur de son ambition aussi, mais le succès ne s’affirme pas. C’est le 14 août 1875 que Zola fait part à son éditeur Charpentier de son projet d’écrire un nouveau roman, dont il n’a pas encore fixé le titre, et qui sera L’Assommoir. Il pressent l’importance de ce livre. En effet, quand l’ouvrage paraît, en 1877, son retentissement est tel que Zola devient l’écrivain français le plus célèbre. Pour la première fois depuis un demi-siècle Hugo passe au second plan; un écrivain de trente-sept ans l’emporte sur le vieux poète. Le bruit qu’avaient fait Les Misérables, dix ans plus tôt, est dépassé. L’Assommoir est le prototype, le chef-d’œuvre inégalé du roman noir. Pour la première fois, le romancier donne la pleine mesure de sa force. La couleur, la densité de ce livre sont admirables; l’envoûtement est total; le noir atteint à des profondeurs d’eau-forte, avec au centre une seule lumière diabolique, celle du brûleur d’alcool. La déchéance de Gervaise, le quartier où elle vit, les paysages de Paris vus des hauteurs de Montmartre, et les buveurs grouillants autour des comptoirs, la veulerie qui, au forgeron près, finit par gagner tous les autres personnages — cette peinture de l’enfer est grandiose. De cette masse d’horreurs naît une beauté étrange; la force d’une telle peinture est hallucinante. Renchérissant sur Balzac, Zola, avec L’Assommoir, a conduit la littérature à un degré de noirceur insurpassable, et c’est vainement que ses successeurs tenteront de faire mieux : l’épaisseur des ténèbres est telle ici qu’on ne saurait y ajouter. Pour la première fois aussi, un écrivain de valeur prenait pour modèle le monde ouvrier. A peine L’Assommoir venait-il d’être publié que Zola se remettait au travail, mais pour écrire un livre bien différent : Une Page d’Amour. Il prévoit que son nouveau livre laissera le public sur sa faim; c’est en effet ce qui se produisit. Une Page d’Amour déçut les lecteurs. Mis en appétit, ceux-ci exigeaient du romancier expérimental qu’il leur fournît des nourritures fortes. C’est vers cette époque, entre 1877 et 1880, qu’un groupe d’écrivains, ses cadets de quelques années, avaient l’habitude d’aller voir Zola dans sa maison de Médan. Les plus fidèles étaient Huysmans, Maupassant, Henri Céard, Léon Hennique et Paul Alexis. Tous, évidemment, se réclamaient de l’école naturaliste. De ces réunions un livre devait naître, en 1880 : Les Soirées de Médan, qui contenait une nouvelle de chacun de ces six écrivains. Celle de Maupassant : Boule de Suif, rendait son auteur célèbre à trente ans. L’Attaque du moulin représentait la contribution de Zola. Le 9 août 1878, Zola annonce à Flaubert qu’il vient de terminer le plan de Nana et qu’il en est très content. Non sans raison. Sans atteindre à l’ampleur de L’Assommoir et plus tard de Germinal, ce roman est l’un des meilleurs de la série. Dès sa publication, le succès de Nana fut immense; le choix du sujet, les personnages réels que l’on croyait découvrir derrière ceux de la fiction y contribuèrent beaucoup. Le scandale ne fut pas le moindre élément de la réussite. Les attaques contre Zola redoublèrent. Ceux qui avaient applaudi L Assommoir, parce qu’on y montrait les tares des milieux ouvriers, sifflèrent Nana, qui dévoilait les faiblesses des milieux bien-pensants. Zola écoute le tumulte, ravi, et répond aux accusations d’obscénité avec ses sempiternels arguments : il est un bon bourgeois, sans vices, sans passions; il peint la vie, il montre ce qu’il voit, ce qu’il sait, il pourrait donner cent exemples — pris dans la réalité — de ce qu’il avance dans ses livres; au reste, chacun le sait bien, y compris ceux qui crient le plus fort. De quel droit lui interdirait-on de parler de ce qui existe ? Il trace d’ailleurs la frontière entre les écrivains que l’on peut à bon droit appeler érotiques, ceux qui ne se proposent que de flatter les pires instincts du lecteur, et lui-même qui, s’inspirant de la seule vérité, a pour unique intention de purifier les mœurs. A en juger par le nombre des lecteurs de Nana, ceux qui souhaitaient s’amender devaient être légion. En 1882, paraît Pot-Bouille. C’est un livre extrêmement long, et qui a le tort de le paraître. L’une de ses faiblesses est d’être une sorte de caricature du naturalisme, tant il donne dans les poncifs de l’école. Au cours des deux années qui suivent la publication de Pot-Bouille, paraissent deux autres romans de la série : Au bonheur des dames (1883) et La Joie de vivre (1884). Tous deux appartiennent eux aussi a la production courante, mais le premier est intéressant par les préoccupations sociales que Zola y témoigne. Au bonheur des dames montre qu’il s’est intéressé aux questions économiques; il a lu Fourier, Guesde, Proudhon, Marx. Dans ce livre, la lutte du grand commerce contre les petites boutiques est une thèse constamment sous-jacente. Mais Zola reste encore trop attaché à son art pour que la thèse alourdisse le récit, comme il arrivera plus tard lorsque, dans les œuvres des dernières années, le prophète prendra le pas sur le romancier. Athée, scientiste, ayant vécu dans la pauvreté durant des années, Zola devait être le premier romancier à ressentir la fatalité moderne sous la forme du déterminisme économique. Dans Au bonheur des dames, la société anonyme est toute proche, le grand magasin. de nouveautés se dresse dans la féerie de ses lumières, cependant qu’autour de lui, dans les boutiques noires et désertes, des commerçants se désespèrent. Le principal personnage du livre, c est le magasin, et Zola ne se lasse pas de le décrire sous tous ses aspects, selon sa manière épique. Mais c’est avec Germinal que Emile Zola montrera le mieux à quel point il était destiné à adopter les vues du socialisme. Le véritable héros de Germinal c’est la foule ouvrière; c’est elle qui emplit les pages du livre, qui lui donne puissance et grandeur. Les notations de Zola pour nous montrer la peine des mineurs sont courtes, ce sont toujours les mêmes qui reviennent : la goutte d’eau qui filtre de la galerie et frappe le visage de l’ouvrier, la difficulté de pousser une berline dans un couloir trop étroit. Plus que la peine des mineurs, on trouve dans Germinal ce qui a étonné le romancier au cours de sa visite; car sa plus vive impression a été celle à quoi l’on pouvait s’attendre : la plongée dans les ténèbres. Mais il est admirable quand il nous montre les ouvriers courant dans la campagne pendant la grève; ce roulement de sabots fait trembler le monde. Germinal eut un retentissement énorme; il révélait un univers que ceux qu’il inquiétait eussent préféré ne pas voir. Par ailleurs, l’œuvre avait une telle force qu’elle consacrait Zola comme l’un des plus grands écrivains de tous les temps. Un an plus tard, en 1886, paraissait L'Œuvre, qui acheva de brouiller Cézanne et Zola. Le peintre se reconnut dans ce portrait, et le désaccord qui séparait les deux hommes se manifesta alors ouvertement. C’est au mois de juin de cette même année 1886 que Zola expose à J. van Santen Kolff ce qu’il a l’intention de réaliser en écrivant La Terre. Publié l’année suivante, ce livre souleva l’une des tempêtes les plus violentes que Zola ait dû affronter. On trouva qu’il calomniait les paysans, et que l’indécence, cette fois, passait les bornes. Les adversaires du naturalisme tirèrent à boulets rouges. Un renfort, sur lequel ils n’avaient pas compté, leur vint d’un groupe de jeunes écrivains, qui publièrent un manifeste pour renier Zola en tant que leur maître. Ces soi-disant disciples étaient : J.-H. Rosny, Lucien Descaves, Paul Bonnetain, Paul Margueritte et Gustave Guiches. La surprise de Zola fut grande, car il les connaissait tous fort peu. En 1888, Zola fait la connaissance de Jeanne Rozerot. Elle a vingt ans, lui quarante-huit. L’écrivain n’a jamais eu d’enfants; Jeanne lui en donnera deux, un garçon et une fille, que Mme Zola reconnaîtra à la mort de son mari. Ce sera la seule aventure sentimentale de Zola. La même année, désireux une fois de plus de montrer qu’il peut passer de la violence à la délicatesse, Emile Zola publie Le Rêve . Mais il revient deux ans plus tard à sa véritable inspiration, avec La Bête humaine, qui est dans la pure lignée naturaliste. La Bête humaine reprend, dans une certaine mesure, le thème de Thérèse Raquin, mais ce qui n’était qu’un récit linéaire s’est élargi; repris par l’écrivain dans sa maturité, le roman s’est enrichi de toute la puissance du maître. Ici comme là, un homme et sa femme tuent, et ce sont les suites du meurtre qui nous sont montrées. Mais la toile de fond est admirable : les locomotives, les gares, et cette sensation si neuve alors de la vitesse sont utilisées ainsi qu’un décor gigantesque qui revient de chapitre en chapitre, avec une puissance envoûtante. La Bête humaine c’est le premier crime passionnel dans un univers industriel. Émile Zola commence à se lasser des Rougon-Macquart; c’est ce qu’il écrit à Jules Lemaitre, le 9 mars 1890. Cela se sent :les trois romans publiés de 1891 à 1893 : L'Argent, La Débâcle, Le Docteur Pascal, qui terminent les Rougon-Macquart , n’ont plus le même élan. Mais les livres ont des destinées singulières. La Débâcle, qui est l’un des romans les moins réussis de Zola, a l’un des plus forts tirages. Le souci d’actualité, s’il a desservi l’écrivain sur le plan de l’art, a fait la réussite commerciale du livre. Quand Émile Zola achève sa série, il a cinquante-trois ans; il l’avait entreprise en 1871, à trente et un ans. En vingt-deux ans il a donc écrit vingt romans qui tiennent en trente et un volumes, et qui comportent douze cents personnages. De nouvelles œuvres le hantent, dont il combine les plans. Il tient déjà le titre général, Les Trois Villes, qui seront Lourdes, Rome, Paris. On a reproché d’une façon si constante au romancier naturaliste de ne montrer que les tares d’une société, sans jamais indiquer les remèdes, que Zola veut maintenant prouver le mal fondé d’une telle critique. C’est avec ce nouveau but qu’il se remet à la tâche. Rome et Paris paraissent en 1896 et 1897. En 1894, Zola est en Italie où il se documente pour le premier de ces deux volumes. Le 15 octobre de cette même année, le capitaine Dreyfus est arrêté; le 22 décembre il est condamné à la déportation à vie dans l'île du Diable. C’est seulement vers la fin de 1897 que Zola prend connaissance de certains documents du procès et qu’il acquiert la certitude que Dreyfus est innocent. Aussitôt il passe a l’action; le 5 décembre 1897 il publie son premier article sur l’affaire Dreyfus, intitulé « Procès-Verbal », dans Le Figaro. Le 14 décembre, sa brochure Lettre à la Jeunesse est mise en vente. Le 13 janvier 1898 paraît dans L’Aurore sa célèbre lettre à Félix Faure : J’accuse. Avec une clairvoyance et un courage admirables, il y dénonce la machination qui a entouré le procès. L'intervention de ce nouveau combattant, avec sa carrure, son goût de la lutte, son talent de polémiste, l’autorité que lui donnent ses œuvres, tirées pour la France seule à des centaines de milliers d’exemplaires, jette la consternation dans le clan adverse. Cette lettre lui valut d’être condamné à un an de prison, et à trois mille francs d’amende. Zola passe alors en Angleterre. Lorsqu'il apprend que le procès va être révise, il rentre; mais les bureaux militaires l'emportent de nouveau : Dreyfus, pour la deuxième fois, est déclaré coupable par le conseil de guerre. L'indignation de Zola éclate dans un nouvel article. C’est d’ailleurs le dernier point que marquera le Ministère de la Guerre; la vérité désormais va jaillir de toutes parts. Le colonel Henry se suicide, le colonel Esterhazy s’enfuit à l’étranger. Dreyfus est libéré. Libéré, mais point encore réhabilité. Il devra pour cela attendre jusqu’en 1906. Cependant, bien qu’il s’y mêle encore l’ombre d’une mesure de clémence là où il devrait y avoir entière réparation d’une injustice, la victoire morale est complète. Dans sa lettre à Mme Albert Dreyfus, parue dans L’Aurore le 29 septembre 1899, Zola exprime sa joie à la femme du condamné. Il a été l’un des grands artisans de la victoire. On reconnaissait en lui, jusqu’alors, un grand écrivain; de 1897 à 1900, il venait de montrer que son courage n’était pas au-dessous de son talent. Émile Zola publie les deux premiers de ses Quatre Évangiles : Fécondité, en 1899, et Travail, en 1901. Le troisième, Vérité, paraîtra après sa mort, en 1903. Il avait commencé a écrire le quatrième volume qui devait s'intituler Justice. Le 29 septembre 1902, Zola vient s’installer à Paris, pour passer l’hiver. L’appartement, inhabité depuis des mois, est humide; on allume du feu dans la cheminée, puis Zola et sa femme se couchent. L’écrivain meurt asphyxié, tandis que sa femme est transportée dans une clinique. Ses obsèques eurent lieu le dimanche 5 octobre, au milieu d’une foule immense. Six ans plus tard, le 6 juin 1908, les cendres de Zola étaient déposées au Panthéon.
ZOLA, Émile (Paris, 1840-zd., 1902). Écrivain français. Il fut le chef de file des écrivains naturalistes et laissa une oeuvre colossale, l'histoire des Rougon-Macquart. Tôt orphelin de son père d'origine italienne, Zola vécut une grande partie de sa jeunesse à Aix-en-Provence où il connut Paul Cézanne. Après des études secondaires à Paris, il pratiqua différents métiers, fut employé à la Librairie Hachette et débuta dans le journalisme littéraire et politique (1862-1866). D'abord fervent défenseur du romantisme et critique d'art {Édouard Manet, 1867), il s'orienta vers le naturalisme, fortement influencé par les théories de Claude Bernard {Introduction à l'étude de la médecine expérimentale), qu'il définit d'abord dans la préface de Thérèse Raquin (1867) et plus complètement dans Le Roman expérimental (1880). Décidé à fonder la vérité du roman sur l'observation scrupuleuse de la réalité et sur l'expérimentation, il entreprit, entre 1871 et 1893, sa grande oeuvre cyclique, Les Rougon-Macquart, histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire, qu'il, fit paraître en 20 volumes, enquêtant sur le terrain et s'appuyant sur des théories scientifiques (par exemple, les lois de l'hérédité) afin d'imaginer et d'expliquer les comportements de ses personnages (La Fortune des Rougon, 1871 ; La Faute de l'abbé Mouret, 1875 ; L'Assommoir, 1877 ; Nana, 1880 ; Pot-Bouille, 1882 ; Au Bonheur des dames, 1883 ; Germinal, 1885 ; L'oeuvre, 1886 ; La Terre, 1887). Converti aux idées socialistes puis, évoluant vers une vision messianique de l'avenir humain (Les Quatre Évangiles, 1899-1903), Zola, en pleine gloire, dénonça les irrégularités du procès de Dreyfus en faisant paraître dans L'Aurore, le journal où Georges Clemenceau était journaliste, sa célèbre lettre « J'accuse » adressée à Félix Faure (janvier 1898). Poursuivi en justice et condamné, il se réfugia en Angleterre jusqu'au second procès Dreyfus (1899). Mort en 1902 d'asphyxie, ses obsèques eurent lieu au milieu d'une foule immense. En 1908, ses cendres étaient déposées au Panthéon.
♦ «Ceux qui vous accusent de n'avoir pas écrit pour le peuple se trompent, dans un sens, autant que ceux qui regrettent un idéal ancien; vous en avez trouvé un qui est moderne, c'est tout.. » Mallarmé, lettre a Zola, 1877. ♦ « M. Zola a magnifiquement rendu ce qu'il y a de fatal, d'aveugle, d'impersonnel, d'irrésistible dans un drame de cette sorte, la contagion des colères rassemblées, l'âme collective des foules, violente et aisément furieuse. » J. Lemaitre, à propos de Germinal, 1885. ♦ « Le plaisir de puer... » Nietzsche. ♦ « J'ai pris Zola — et je n’ai pu qu’à grand’ peine lire une telle laideur. Et l'on nous crie que Zola est une célébrité, un astre du réalisme... » Dostoïevski. ♦ « Soutenu par la force seule de son génie, par l'âpre ténacité de son courage, il a marché droit devant lui, et il a fait sa trouée magnifiquement. Il ne s'est abaissé à aucune concession, il n'est point entré dans le compromis, les soumissions, les grandes intrigues et les petites lâchetés dont se compose la vie des lettres. » 0. Mirbeau, 1885. ♦ « L'œuvre de Zola est un des grands monuments de la littérature mondiale. » Upton Sinclair. ♦ « Je tiens le discrédit actuel de Zola pour une monstrueuse injustice qui ne fait pas grand honneur à nos critiques littéraires d'aujourd'hui. Il n’est pas de romancier français plus personnel ni plus représentatif. » A. Gide. ♦ « Emile Zola m'est toujours apparu comme l'un des représentants les plus fortement marqués, les plus exemplaires, du XIXe siècle. Jadis, il y a déjà des décennies, à l'effroi immotivé de mes compatriotes, les Allemands, je l'ai comparé à Richard Wagner; j'établissais un lien entre les Rougon-Macquart et L’Anneau des Nibelungen. Et ce lien n'existe-t-il pas ? La parenté de l'esprit des intentions, des moyens même, saute aujourd'hui aux yeux. Ce qui les relie... c'est avant tout un naturalisme qui rejoint le symbole et qui est en étroite connexion avec le mythe. Car comment méconnaître dans l'épopée de Zola le symbolisme et le penchant au mythe qui, malgré toute la force drastique et une brutalité autrefois scandaleuse au service de la vérité, hausse son univers jusqu'au surnaturel ?» Thomas Mann. ♦ «Beaucoup d'artistes illustres sont, dans un certain sens, des inconnus. J'estime que Zola est un grand poète, un grand lyrique inconnu. » J. Cocteau.