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Yves BOISSET

Né le 14 mars 1939 à Paris.

«Le scandale du cinéma français est qu’il fait très peu de films sur la société contemporaine et ne sort pratiquement pas des alcôves bourgeoises. Lorsqu’on fait un film qui est le reflet percutant de la société qui nous entoure, on passe aussitôt pour un provocateur. On n’a pas le droit en France de mettre en cause des gens et des organisations qui existent», déclarait Yves Boisset dans Jeune Cinéma n° 102. Pendant près de quinze ans et avec la plupart de ses films, ce réalisateur contestataire allait jouer avec plus {R.A.S., Dupont Lajoie, Le Juge Fayard dit «le Sheriff») ou moins {Allons z’enfants, Espion lève-toi) de bonheur les provocateurs. A l’image d’André Cayatte, Michel Drach ou Francis Girod, il n’a rien de révolutionnaire ni dans son propos, ni dans son approche cinématographique; il part du principe que pour toucher il faut d’abord plaire. Il offre au public ce qu’il attend, lui met devant les yeux des images familières et lui présente dans le cours de la narration des éléments de réflexion. Il va ainsi aborder les sujets les plus tabous: l’affaire Ben Barka {L'Attentat), la guerre d’Algérie {R. A.S.), le racisme {Dupont Lajoie), l’assassinat du juge Renaud (Le Juge Fayard), les écoles d’enfants de troupe {Allons z'enfants) et l’impact des jeux télévisés {Le Prix du danger), et devenir le réalisateur le plus censuré de la Ve République. Fils de professeurs, Yves Bois-set était plutôt attiré par l’archéologie. Pendant son année d’hypokhâgne il fait des piges à Paris-Jour qui 1’entraînent peu à peu vers le monde du spectacle. Son premier article important est consacré au Gaucher et paraît dans Cinéma où il continue d’écrire, ainsi qu’aux Lettres françaises. Un premier assistanat avec Robert Hossein, un deuxième avec Yves Ciampi, deux ans à l’armée où il côtoie les futurs personnages de R.A.S., mettent définitivement Yves Boisset sur la voie du cinéma. Parallèlement, il continue d’exprimer ses idées sur le septième art dans différentes revues et fonde avec Jean Curtelin Présence du cinéma. Il passe quelques années en Italie pour diriger la seconde équipe de plusieurs westerns et des films d’horreur de Riccardo Freda. À vingt-huit ans, Yves Boisset, qui a aussi travaillé pour la télévision, réalise son premier film, Coplan sauve sa peau, et commence une longue collaboration avec le scénariste Claude Veillot: ils feront sept films ensemble. Boisset fera aussi appel à Antoine Blondin {Cran d arrêt), Jorge Semprun {L'Attentat), Jean Curtelin {Dupont Lajoie, Le Prix du danger) ou Michel Audiard pour écrire les dialogues de quelques-uns de ses meilleurs films. Yves Boisset est un peu le chef de file des cinéastes des justes causes qui, dans les années soixante et soixante-dix, ont essayé de dénoncer les incuries d’un système ou les excès du pouvoir dans le cadre d’un cinéma grand public. Les activités de la presse et des médias, le rôle de la police et de services plus ou moins secrets, les manipulations de tous ordres et en particulier de la justice, les soumissions au pouvoir politique et aux puissances d’argent, le racisme et la violence, le fascisme latent et la corruption des hommes politiques locaux ou nationaux sont des sujets de choix pour le plus virulent de ces cinéastes en mal de salubrité publique. Ainsi, L'Attentat dépeint la classe politique en place et dénonce la radicalisation d’un régime qui assimile trop souvent opposant politique à criminel de droit commun. Le Juge Fayard montre les relations troubles entre milieu politique, milieu d’affaires et le Milieu tout court; en décrivant la mort d’un juge «imaginaire» mais constamment situé dans la réalité française contemporaine, Boisset développe magistralement un récit qui tient à la fois de la série noire et de la satire politique. Avec Dupont Lajoie, il décrira une population égoïste, veule et passive dont les seules réactions sont racistes et violentes. Le constat est d’autant plus dur que les protagonistes du drame constituent en quelque sorte le reflet de bien des spectateurs potentiels. Dans Le Prix du danger, Boisset démonte avec une grande efficacité les rouages inquiétants de la télévision et, avec des moyens différents, rejoint Network de Sidney Lumet. À l’image de Gérard Lanvin dans les derniers plans, Boisset laisse éclater sa colère contre une télévision dirigée par les indices d’écoute, les sondages et le pouvoir politique. Les héros de la plupart de ses films sont condamnés à l’échec et brisés par les structures de la société. L’individualisme forcené est la seule réponse qu’ils trouvent; aussi la mort est-elle souvent au bout du chemin pour ces personnages intransigeants (neuf de ses quinze films se terminent par la mort du héros), convaincus d’avoir toujours raison. À côté de ses œuvres franchement contestataires, Yves Boisset a réalisé quelques films plus intimistes, en demi-teintes (Le Taxi mauve, La Clé sur la porte), et même un film de commande peu réussi (Folle à tuer). Dernièrement, enfin, il s’est replongé avec plus ou moins de bonheur dans l’univers du thriller, se montrant beaucoup plus à l’aise dans le monde sordide de Jean Vautrin (Canicule) que dans celui un peu surfait de Philippe Djian (Bleu comme L'enfer). Les films de Boisset, certes, n’ont pas tous la même rigueur et ne débouchent pas tous sur le même niveau de réflexion, mais ils n’en sont pas moins utiles. S’il nous remet en mémoire des idées simples mille fois entendues, nous décrit à gros traits des tares cent fois dénoncées et fait voler en éclat des portes ouvertes, le tourbillon d’images et de bruit qu’orchestrent ses films ne comporte par contre aucune ambiguïté dans son propos : un immense désir de ne pas prêcher dans le désert des salles obscures.

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