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Yannick BELLON

Yannick Bellon a construit en six films une œuvre d’une grande cohérence. Chacune de ses réalisations s’attaque à un «problème de société» qu’elle traite, suivant les cas, avec nuance et tout en demi-teintes, ou bien avec une rare violence. Yannick Bellon et sa sœur Loleh sont issues d’une bonne famille bourgeoise (mère photographe, père magistrat). Après des études secondaires, Yannick fait un court séjour à l’IDHEC, puis devient assistante monteuse. En 1948, elle réalise son premier court métrage (Goémons), qui obtient, la même année, le Grand Prix international du documentaire à Venise. Elle continue son travail de monteuse (notamment pour Le Bel Age, La Morte-Saison des amours et Vacances portugaises, tous trois de Pierre Kast) et, parallèlement, entreprend plusieurs courts métrages qui vont lui permettre d’entrer à l’ORTF dans le service de recherche dirigé par Pierre Schaeffer. Elle met alors en scène de nombreuses émissions pour la télévision avant de produire et de réaliser son premier long métrage, Quelque part quelqu'un, qui reçoit un bel accueil critique mais est un échec public sans appel. Il faut dire que ce film sortait de l’ordinaire. Il s’agit d’une sorte de symphonie visuelle d’où surgit une image étrange de Paris, resplendissante lorsque la caméra s’arrête sur les toits ou les monuments, profondément triste lorsque apparaissent des ruines ou des immeubles qui s’écaillent. Yannick Bellon a isolé dans Paris quelques personnages dont chacun représente une génération. C’est à saisir tel quel, avec tout ce que cela comporte de poésie, de fraîcheur, d’étrangeté et peut-être aussi de pessimisme. Avec son deuxième film, La Femme de Jean, le succès est au rendez-vous. La thèse du film est simple : épouse et mère de famille, la femme s’oublie, s’englue dans une quiétude trompeuse; en revanche, elle s’accomplit en tant qu’être humain lorsque l’époux omniprésent, tutélaire, en un mot «castrateur», disparaît. Là encore, le film est d’une qualité rare, l’écoulement du temps y est sensible et fort intelligemment utilisé. Son troisième film, Jamais plus toujours, est, comme les deux premiers, d’un désespoir tranquille, et se présente comme une sorte de méditation sur l’amour et la mort. Pour L'Amour violé, Yannick Bellon ne disposant d ’aucune aide financière, Claude Lelouch lui donne dix mille mètres de pellicule qui lui permettent de tourner des bouts d’essai qui convaincront deux producteurs. Il faut dire qu’elle s’attaquait à un sujet plutôt tabou: le viol. En montrant que les violeurs agissaient plus par volonté d’humilier leur victime que par besoin sexuel, Bellon approfondit le fait divers odieux par une réflexion implacable et pourtant humaniste sur la société et l’amour. Les deux héros effectuent un parcours initiatique (une constante dans l’œuvre de l’auteur) d’une grande tendresse malgré la violence qui traverse leur chemin. Ce quatrième long métrage remporte un grand succès public et permet à la cinéaste d’entreprendre L'Amour nu, dont le sujet est le cancer. La sensibilité caractéristique de la réalisatrice se retrouve pleinement dans ce film qui conte l’histoire d’amour d’un couple dont la femme est atteinte du mal terrible. Avec La Triche, c’est le problème de l’homosexualité qu’elle aborde. Ainsi, à travers l'évolution de personnages pathétiques, inquiets et paumés, Yannick Bellon continue son œuvre d’utilité publique en evoquant des problèmes essentiels: qu’y a-t-il derrière les masques et les couples apparemment sans histoires? qu’y a-t-il au fond de l’homme qui résiste au temps qui passe et à la mort?