Vraisemblable
Le vraisemblable, ou la vraisemblance, est une catégorie essentielle en rhétorique. Son approche la plus profonde, comme toujours, vient d’Aristote. Celui-ci en parle à propos des preuves, notamment des arguments comme l’enthymème, ce qui lie ce point à la fois à la question du probable et à celle des lieux. Selon Aristote, donc, la plupart des propositions qui servent de prémisses aux syllogismes de la rhétorique (c’est-à-dire aux enthymèmes) ne sont pas nécessaires : c’est sur des actions que portent souvent les délibérations, et on pourrait presque toujours juger selon des opinions ou des orientations différentes, voire contraires. On conclura ainsi en général des propositions simplement fréquentes et possibles, de propositions forcément également fréquentes et possibles, sans plus. Le véritable enthymème repose sur des déductions tirées de vraisemblances. Mais qu’est-ce que le vraisemblable ? Le vraisemblable est ce qui se produit le plus souvent, non pas absolument parlant, mais selon un mode relatif ; c’est en effet ce qui, dans le domaine des choses qui peuvent être ainsi et autrement, est dans la relation de l’universel au particulier, par rapport à la chose à l’égard de laquelle il est vraisemblable. On peut dire aussi que le vraisemblable est une prémisse probable. Est vraisemblable ce que l’on sait devenir ou ne pas devenir, être ou ne pas être la plupart du temps de telle façon, par exemple haïr qui hait ou aimer qui vous aime. Le vraisemblable, si l’on élargit maintenant le point de vue, est le domaine même du rhétorique. C’est finalement un concept à la fois logique, éthique, social et esthétique. Il est inséparable de l’idée de civilisation, de culture, d’honnêteté, qui définissent l’univers rhétorique, ses modes, sa tonalité, ses enjeux : ses conditions. Le vraisemblable correspond aussi à une construction ou à un ressentiment intellectuel des rapports de l’homme et du monde. C’est le moyen de la persuasion, dans la mesure où cette visée verbale implique un consensus spirituel sur les principaux paramètres de la vie en société, dont le vraisemblable est le grand étalon. En littérature, il convient de souligner cependant que le ressentiment du vraisemblable est extrêmement variable, aussi bien par rapport à une critique axiologique que sous la simple relation de la perception de ce qui est vraisemblable.
=> Preuve, syllogisme, enthymème, probable, indice, lieu; persuasion; honnêté, dignité.
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