VRAI, VRAISEMBLABLE
VRAI, VRAISEMBLABLE. adj. et n.
- 1° Est vrai, d'abord, ce qui est conforme à la réalité objective, dûment observée, attestée ou «vérifiée ». Dans ce sens, le vrai s'oppose au faux ou au fictif et se confond avec le réel (voir ce mot, et les problèmes qu'il pose).
- 2° Est vrai ce qui correspond, pour nous, à la vérité, cette vérité pouvant être subjective, intérieure ou de nature générale (conceptuelle). Le vrai, dans ce sens, peut s'opposer au réel. C'est le cas lorsque Victor Hugo déclare que le théâtre « n'est pas le pays du réel » (en raison des aspects conventionnels du décor) mais qu'il est néanmoins « le pays du vrai» (en raison des sentiments humains qui s'y expriment). Le vrai dépasse le réel. Le réel peut masquer le vrai.
- 3° Est vrai ce qui est authentique, ce qui correspond profondément à ce qu'on peut en attendre. Un vrai roman, un vrai homme d'État, un vrai pianiste. Le mauvais pianiste n'est pas un «faux» pianiste, mais simplement un pianiste qui n'atteint pas l'essence, l'excellence de son art. Le vraisemblable peut se définir à partir de ces trois significations du mot vrai, de ces trois «degrés» de vérité:
- 1° Au sens courant, le vraisemblable est ce qui a l'apparence du vrai, ce qui n'est pas nécessairement vrai, mais probable, très plausible. Le vraisemblable peut être démenti par le réel (par le vrai au sens n° 1) mais s'accorder avec le sens n° 2 (on éprouve un sentiment de vérité en face de quelque chose qui n'est pas forcément certain).
- 2° Au sens littéraire, notamment à l'époque classique, le vraisemblable (ou la vraisemblance) correspond à la vérité générale, profonde, qui nous semble caractériser la nature des choses (ou des êtres). Ce sens du mot associe plus ou moins les deux nuances (n° 2 et n° 3) du « vrai ». Lorsque Boileau écrit « Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable », il signifie ainsi que des réalités vraies (sens n° 1) peuvent avoir un caractère si particulier, si exceptionnel, qu'elles ne correspondent pas à la vérité générale qui prévaut à nos yeux : il vaut mieux les éliminer de l'oeuvre d'art, selon lui, car n'étant pas représentatives, elles ne sont guère crédibles. Cette distinction est essentielle en littérature et dans le domaine artistique en général. Le lecteur ou le spectateur a en effet besoin de croire à la réalité apparente, à l'illusion de réalisme, à la « vérité » de ce qu'on représente à ses yeux (pour suivre ; pour s'identifier ; pour adhérer au message de l'auteur). Mais en même temps, la phrase de Boileau est réversible : le vraisemblable n'est pas toujours « vrai» : le réalisme peut être un piège ; l'art qui s'enferme dans une certaine convention du vrai (le «vraisemblable ») risque de sombrer dans une forme d'académisme et de faillir à sa mission profonde de révélateur du monde. Vrai, Réel, Vraisemblable sont donc trois mots en étroite interdépendance, qu'il faut apprécier et différencier avec précision, selon leurs contextes.
- VraiDu latin verus, « vrai », « véritable ». - Qui est conforme au réel. - En logique, qui n’implique pas de contradiction. • C'est l’évidence immédiate, selon Descartes, qui nous fait connaître la vérité de nos idées : « Les choses que nous concevons très clairement et très distinctement sont toutes vraies. » • Pour Spinoza, le vrai est à lui-même sa marque : « la vérité est sa propre norme et celle du faux ». • Pour les tenants du pragmatisme, comme William James (1842-1910), le vrai se définit comme ce qui est le plus avantageux pour nous.
- VRAISEMBLABLE adj. - Ce qui est conforme à l’image que l’on se fait raisonnablement de la réalité. ÉTYM. : de « vrai » et « semblable » d’après le latin verisimilis. La notion de vraisemblance a joué un rôle important dans l’esthétique classique. Ne doivent en effet être présentées aux spectateurs que les intrigues vraisemblables, c’est-à-dire celles qui correspondent d’une part à ce que l’on connaît de l’histoire et du cadre dans lequel l’auteur a choisi de situer son oeuvre, et d’autre part à ce que l’on tient raisonnablement pour possible en fonction de ce que l’on sait de l’existence. Le vraisemblable n’est donc pas le vrai : et certains dramaturges comme Corneille ont soutenu que c’est l’exceptionnel, et donc l’invraisemblable, qui doit être présenté au public. Le vraisemblable peut davantage être défini comme ce qui semblera familier et acceptable à une audience marquée par une conception idéologique, historique et sociale de ce qu’est la réalité et de ce qui ne lui appartient pas. Mais le principe de la vraisemblance, aux yeux des classiques, se justifie surtout en fonction d’un autre qui est de nature esthétique. Seul le vraisemblable peut en effet émouvoir : si le public ne croit pas à l’histoire qui lui est présentée - quand bien même celle-ci serait vraie -, il ne peut s’identifier aux personnages qu’on lui présente, car il les juge trop éloignés de lui. La vraisemblance est donc nécessaire au bon fonctionnement de la catharsis.
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