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VIOLENCE ET HISTOIRE - L’Humanité en question

VIOLENCE ET HISTOIRE 

Sources : https://databac.fr/la-violence-cours-de-philosophie-2/

  1. Approche générale

La violence humaine selon Erik Fromm (psychanalyste) in « La passion de détruire ».

AGRESSIVITÉ DES ANIMAUX

VIOLENCE CHEZ L'HOMME

Naturelle

Génétique

Biologiquement adaptative

Réactionnelle

Cesse lorsque le besoin est satisfait

Culturelle

Inventivité

Biologiquement nocive

Gratuite

Continue sans fin

Erich Fromm: « Les hommes les plus primitifs sont les moins guerriers, et […] l'esprit guerrier croît en proportion du degré de civilisation. Si la destructivité était innée chez l'homme, cette tendance serait inversée. » => Pour Fromm, la violence est culturelle, acquise.

•    Violence = contrainte physique ou psychologique / morale visant à faire subir ou faire faire à un individu ce qui est contraire à sa volonté. Exemple du viol.

•    La violence est multiforme. Elle peut être :

—    individuelle ou collective,

—    légale ou illégale (la peine de mort est une violence légale dans certains pays),

—    physique (torture) ou psychique (harcèlement),

—    manifeste (dictature) ou insidieuse (propagande, éducation),

—    organisée (guerre symétrique) ou anarchique (guerre civile),

—     programmée (déclaration de guerre) ou spontanée (révolte).

2    les sources de la violence

On a voulu voir dans la violence :

1)    les causes naturelles

—    l'agressivité animale : il y a chez les animaux une agressivité qui se manifeste pour la subsistance, la défense du territoire et la reproduction. En effet les êtres vivants pour se défendre et survivre disposent d'un instinct d'agression. L'agressivité, selon l'éthologue Konrad Lorenz, est un instinct. Chez l'animal, il a une fonction adaptative, au service de la survie de celui qui en fait usage. Mais cette agressivité n'est généralement pas sanguinaire, elle n'a pas pour but de tuer, de torturer, mais consiste essentiellement en une attitude de menace qui sert d'avertissement ;

—    la loi du plus fort : selon l'évolutionnisme de Darwin (« De l'origine des espèces », 1859), les êtres vivants se livrent à une lutte acharnée entre eux dont l'enjeu est la survie des mieux doués (« struggle for life ») ;

=> Contre E. Fromm, la violence serait d'abord un fait naturel, prenant une expression ultime chez l'homme, s'approfondissant et se développant avec la culture – comme le précise Bergson dans le texte ci-dessous :

« La nature a doté l'homme d'une intelligence fabricatrice. Au lieu de lui fournir des instruments, comme elle l'a fait pour bon nombre d'espèces animales, elle a préféré qu'il les construisît lui-même. Or l'homme a nécessairement la propriété de ses instruments, au moins pendant qu'il s'en sert. Mais puisqu'ils sont détachés de lui, ils peuvent lui être pris ; les prendre tout faits est plus facile que de les faire. Surtout, ils doivent agir sur une matière, servir d'armes de chasse ou de pêche, par exemple ; le groupe dont il est le membre aura jeté son dévolu sur une forêt, un lac, une rivière ; et cette place, à son tour, un autre groupe pourra juger plus commode de s'y installer que de chercher ailleurs. Dès lors, il faudra se battre. […] Mais peu importent la chose que l'on prend et le motif qu'on se donne : l'origine de la guerre est la propriété, individuelle ou collective, et comme l'humanité est prédestinée à la propriété par sa structure, la guerre est naturelle. » Bergson.

2)    les causes inconscientes : selon Freud, il existe en chaque homme des pulsions d'agression visant à nuire à autrui, à le détruire, à l'humilier.

Qu'est-ce que la pulsion de mort ?

- Freud dénonce le mythe de l'homme naturellement bon. La violence est une donnée naturelle, une conduite qui puise sa source dans les instincts de l'homme. Elle n'est donc pas un phénomène social provisoire, appelé à disparaître avec l'émergence de sociétés ou de systèmes politiques plus justes. C'est une donnée indépassable, sans solution définitive, de la nature humaine. On ne doit pas dire que l'homme est naturellement bon et que c'est la civilisation qui l'a perverti (thèse de Rousseau), mais, au contraire, que l'homme est naturellement agressif et que la civilisation est un remède provisoire et précaire (Freud reprend la thèse de Hobbes).

Cinquième chapitre de « Malaise dans la civilisation » : définition de la civilisation = « tout ce par quoi la vie humaine s'est élevée au-dessus des conditions animales et par où elle diffère de la vie des bêtes. ». Donc, elle ne peut se maintenir que si elle parvient à contrôler les effets de la pulsion d'agression de tous et de chacun. Tout individu est un ennemi potentiel de toute vie sociale. C'est pourquoi la civilisation exige le devoir d'aimer son prochain comme soi-même.

Texte de Freud dans "Malaise dans la civilisation": THANATOS & CIVILISATION

https://databac.fr/freud-lhomme-est-un-loup-pour-lhomme/

La pulsion de mort est donc bien, pour Freud, ce danger permanent que ne cesse d'affronter la civilisation. « Les hommes d'aujourd'hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature qu'avec leur aide il leur est devenu facile de s'exterminer mutuellement jusqu'au dernier » = pessimisme de Freud sur l'avenir de l'humanité.

- Si la civilisation est nécessairement répressive des instincts, il s'ensuit que l'homme ne peut jamais être vraiment heureux en société. Celle-ci exige de gros efforts sur soi et le sacrifice de nombreuses satisfactions pulsionnelles. Cf. cours sur le Bonheur.

3)    les causes sociales / politiques : la délinquance, la criminalité dépendent évidemment des conditions socio-économiques. La violence est ainsi une réponse à la violence sociale de l'oppression et de l'exploitation. Pour expliquer l'origine de la violence, Rousseau, quant à lui, incrimine les inégalités économiques et sociales mais innocente la nature humaine. La société, en créant la notion de propriété, de richesse, de bien, etc., a développé la violence dont l'homme peut faire parfois preuve. Marx s'inspirera de Rousseau (cf. ci-dessous).

=> Comment sortir de l’antinomie : la violence est naturelle (innée) / la violence est culture (acquise) ? L’homme est certes naturellement violent comme l’ont montré Hobbes ou Freud mais il appartient à la culture, à la société de l’exacerber ou de la contenir, de la refouler ou de la sublimer. Pour approfondir ce point, lisez cet article sur la distinction entre inné et acquis : https://databac.fr/antinomie-entre-inne-et-acquis-entre-nature-et-culture/

3    les apologies de la violence

1)    nécessité politique de la violence

Quelques positions :

•    Selon Machiavel, en politique seule compte l'efficacité. La violence est donc souvent un mal nécessaire, en raison de la méchanceté même des hommes, mais pouvant contribuer à l'ordre, la justice et la paix. Cf. cours sur l'Etat.

•    Selon Marx et Engels, violence = rôle révolutionnaire dans l'histoire car elle est le moyen permettant au mouvement social de détruire les formes politiques figées et mortes. Exemple : Révolution de 1789 (fin de la royauté, naissance de la République) / Révolution de 1917.

Dans le Manifeste du Parti communiste, que « l'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes », Marx fait jouer à la violence politique (révoltes, grèves, révolutions) un rôle décisif dans tout processus historique. Une société constituée de classes sociales dont les intérêts divergent, l'une exploitant et dominant l'autre, est toute entière parcourue par la violence. La violence est l' « accoucheuse » de l'histoire // Lénine : «La guerre, cet accélérateur de l'histoire »

•    La violence = moyen pour une fin plus haute : elle est un mal pour un bien. Quelle est la fin qui justifiera la violence comme moyen ? Par exemple, faire la guerre mais pour la paix (# la guerre pour la guerre), une guerre défensive (# guerre offensive), la légitime défense, une révolution contre un tyran, une Antigone contre un Créon.

2)    la violence fondatrice de la civilisation

•    Selon R. Girard, les hommes sont réellement devenus hommes, c'est-à-dire des êtres sociaux, le jour où ils expulsèrent d'eux-mêmes la violence en la projetant sur un homme transformé en victime émissaire et immolé par la collectivité. Par exemple, pour empêcher que l'agressivité puisse se manifester à l'intérieur d'un même groupe, certains de ses membres seront mis hors groupe et considérés comme des êtres inférieurs et méprisables, voire comme des ennemis. Le racisme illustre bien ce mécanisme. Pour renforcer l'ethnocentrisme et la cohésion du groupe, rien de tel que la désignation d'un ennemi commun. Ainsi c'est ce sacrifice, cet acte de violence qui fonde la société, et c'est lui que perpétue chaque société dans ses institutions, qui s'efforcent toujours de rejeter hors d'elle cette violence fondamentale, en la dirigeant soit contre des groupes qui lui sont extérieurs, soit contre un « bouc émissaire » intérieur.

4    Violence et non-violence

1) La fin et les moyens.

Rappel de la thèse selon laquelle la fin justifie les moyens : Certes les révolutions se sont faites dans la violence le plus souvent, mais de ces excès sont sorties de nouvelles structures qui cherchent à garantir la liberté. Sans la violence de la rue criant son refus de la dictature, les systèmes totalitaires continueraient leur oppression.

MAIS : Les moyens ne justifient-ils pas la fin ? Les moyens ne créent-ils pas la fin ?

Les moyens construisent eux-mêmes la fin. Ils produisent la fin. Un mauvais moyen, immoral par exemple, produira une mauvaise fin : « la fin est dans les moyens comme l'arbre est dans la semence » Gandhi (1869 - 1948) = https://www.youtube.com/watch?v=YA4hzltPBag / ).

On peut toujours se demander s'il est raisonnable de viser une fin en employant des moyens qui lui sont contraires (la violence pour parvenir à la non-violence, la guerre pour parvenir à la paix).

2) La non-violence

La violence engendre une spirale de représailles et de vengeances. La violence n'arrête pas la violence, elle l'engendre.

Gandhi (Mahatma) † 1948: Formé au bouddhisme et au christianisme. La non-violence comme moyen en politique pour défendre la démocratie et la paix. Faire de la non-violence un instrument de combat politique : non-collaboration, résistance passive, grèves de la faim, etc. Pour lui, la non-violence n'est pas une résignation, une lâcheté mais un acte militant, une désobéissance et un droit imprescriptible. La discipline de soi, l'abandon de tout esprit de violence, de toute haine et de toute vengeance constitue, selon Gandhi, une force extraordinaire, qu'il employa dans sa politique de non-coopération. Il appliqua la tactique du «Satyagraha» (refus de l'obéissance civile avec acceptation passive des sanctions). Ce n'est pas avec le mal mais avec le bien qu'on arrête le mal.

La non-violence, pas plus que la non-coopération, n'est passive. Les campagnes victorieuses de Gandhi en Afrique du Sud et aux Indes montrent quelle force extraordinaire peut représenter une armée de combattants non-violents tombant sans murmurer sous les coups de la police jusqu'à ce que les adversaires, étonnés et bouleversés eux-mêmes, prennent peur devant ce calme héroïque et abandonnent la lutte. Gandhi éveilla d'abord chez les ennemis le respect, puis, au-delà du respect, il éveilla le sens de la justice jusqu'à en convertir à sa Cause.

La seule manière d'échapper à cette logique consiste à refuser tout recours à la violence et à s'inspirer des principes de la non-violence. Plutôt que d'employer la force, le non-violent fait appel à la conscience de son adversaire et en renonçant à toute attitude d'agression, il rend impossible toute justification de la répression. Gandhi et la foule indienne désarmée et silencieuse ont ainsi pu faire front à l'armée anglaise. Par son comportement le non-violent rend de plus totalement inefficace tous les moyens de contrainte de son adversaire.

(Limite de la non-violence): cette force est sans effet face à un être sans conscience, une machine, un animal ou un «barbare» (= déni de l'humanité de l'autre).

Le recours à la non-violence reste cependant limité à des situations exceptionnelles qui exigent prise de conscience et courage. Elle risque aussi, vu le temps qu'elle demande, de laisser s'installer des situations de violence irréversibles.

Devant la brute, le tortionnaire, l'assassin, la résistance passive est dérisoire : la non-violence est certes une force morale, mais elle suppose que celui contre qui on l'exerce répugne à faire usage de ses armes contre un individu qui en est dépourvu. Gandhi a certes triompher de la puissance anglaise. Mais seule la résistance et peut-être la guerre ont pu venir à bout de la violence nazie. C'est pourquoi la foi en la non-violence est conditionnée par son efficacité dans des conditions politiques (rapports de force favorables) ou culturelles (limites morales de l'agresseur). Il s'agit de mesurer l'opportunité de la non-violence en fonction de l'adversaire.

Faute de pouvoir supprimer la violence propre aux sociétés humaines, il paraît indispensable de tenter de la gérer, de la canaliser en la détournant vers des lieux symboliques ou en lui opposant une violence collective et légitime. Telle est la fonction du Droit.

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