VIAU Théophile de
VIAU Théophile de 1590-1626
Celui que les contemporains et la postérité se sont souvent plu à appeler simplement Théophile est né à Clairac-en-Agenois, dans une famille de huguenots. Après des études, notamment à Montauban et à Leyde, il a tôt fait de se pousser à la cour, en se mettant au service, pauvreté oblige, de divers grands. Très vite, au milieu des complots et cabales qui marquent les débuts du règne de Louis XIII, il acquiert une solide réputation de libertin, ce qui le fera exiler du royaume en 1619. Rentré l'année suivante et visiblement assagi, il n'en est pas moins la cible d'un complot orchestré par le parti dévot que mènent les jésuites. Accusé, à tort, d'être l'auteur de vers obscènes, il croupira dans un immonde cachot de la conciergerie pendant deux ans avant que l'on se décide à admettre que le dossier d'accusation contre lui est vide. En 1625, il est enfin libéré. Trop tard: miné par la terrible épreuve, il meurt quelques mois plus tard, à l'âge de 36 ans. Reconnu de son vivant comme le plus grand poète du moment, avant Malherbe, il a influencé toute la génération suivante Tristan* L'Hermite, Saint-Amant, avant de subir une assez longue éclipse. Dans ses premiers poèmes (1610-1615), peut-être ceux qui nous touchent le plus aujourd'hui, il fait montre d'une grande liberté d'inspiration, d'une fraîcheur et d'un jaillissement remarquables. Ce sont pourtant les vers moins connus de la fin de sa vie, à partir de 1619, des vers qu'il voulait résolument «modernes», qui le montrent sous son vrai jour de très grand poète.
THÉOPHILE
[Théophile de Viau]
1590-1626
Poète, né à Clairac-en-Agenais. Celui que de son vivant, déjà, l’on désignait de son seul prénom, fut le plus lu et le plus fêté de tous les poètes du XVIIe siècle à son début. Huguenot qui abjure bientôt sa croyance (et même un peu plus tard et plus discrètement le catholicisme), Théophile fait partie d’une troupe de comédiens ambulants; devient gentilhomme de la Chambre du roi ; fait jouer la tragédie de Pyrame et Thysbé (1617) et répand dans le public ses vers voluptueux, triomphalement accueillis. Mais des jésuites le dénoncent comme coauteur d’un «scandaleux» recueil de poèmes. Il doit s’exiler (1619-1621). Rentré en grâce, il publie coup sur coup deux recueils de poèmes (1621, 1623). Il bénéficie alors de la protection du duc de Montmorency qui l’héberge, en son domaine de Chantilly, dans la champêtre « maison de Sylvie ». Mais il est de nouveau condamné au bûcher par défaut, en 1623, pour des œuvres qu’il a vainement désavouées. On ne badinait pas avec la censure, à l’époque ; et le poète Étienne Durand, auteur des Méditations ou Livre d'amour, et des Stances sur l'inconstance, avait été condamné à mort et supplicié quatre ans auparavant. Théophile s’en tirera avec une simple incarcération à la Conciergerie, d’où il sortira vingt-cinq mois plus tard grâce à l’intervention royale, mais à ce point diminué qu’il mourra peu après, à l’âge de trente-six ans. Que reproche-t-on à Théophile en son temps ? D’être tout ensemble sceptique et ami du plaisir, c’est-à-dire, dans le vocabulaire du temps, libertin ; mais surtout de ne pas l’être comme tel ou tel noble, ou riche bourgeois : entre amis, et silencieusement. Le grief, en somme, n’est pas d’ordre moral mais d’ordre esthétique : c’est en tant qu’artiste qu’il a enfreint les règles du jeu. Libre à lui d’être épicurien dans le secret de sa vie, mais non de rendre « publics » de tels principes. Or il chante le bonheur. Et c’est cela qui est insupportable ; il divulgue à tous ce que savent, seuls, les privilégiés: que le bonheur existe. À l’orée du XIXe siècle, Saint-Just pourra dire que « le bonheur est une idée neuve en Europe». Neuve, oui; et, de plus, appelée, attendue désormais impatiemment par la nation tout entière. Au début du pieux XVIIe siècle, c’est un scandale, qu’on cherche à étouffer le plus possible. Il faut avoir de la passion pour les belles femmes, mais aussi pour toutes sortes de belles choses, écrit-il, [...] j'aime un beau jour, des fontaines claires, l'aspect de montagnes, l'étendue d'une grande plaine, de belles forets ; l'océan, ses vagues. Et il ajoute, pour conclure : tout ce qui touche plus particulièrement les sens... Il y revient dans un de ses Caprices :
Notre nature est assez belle Si nous savons jouir de nous.
Art de la sensation, de l’impression fugitive (nous pourrions presque parler d’impressionnisme) ; dans Le Matin, par exemple, et plus encore, dans La Solitude :
Un froid et ténébreux silence
Dort à l'ombre de ces ormeaux
Et les vents battent les rameaux
D’une amoureuse violence.
Précisons que si le poète est « seul » ici, c’est avec Corine (et les manuels scolaires sont bien obligés de couper le rôle trop charmant de cette belle dryade). Mais le plus étonnant chez Théophile est que cet art d’impression sait être, du même coup, un art d’expression, d’émotion, tant il sonne juste ; tant il est naturel, ardent. Et sincère en outre : ses graves et mélodieuses Élégies, sorte de journal intime versifié, portent témoignage des déboires sentimentaux de cet épicurien (Seul, je vois les forêts encore désolées...). Mais avant tout, Théophile, amant de la vie réelle, est un rêveur, qui « rêve tout debout » dans tels de ses étonnants Caprices ou dans telles de ses Odes (Un corbeau devant moi croasse...). Romantique, si l’on doit croire son presque homonyme découvreur, Théophile Gautier, qui le tiendrait volontiers pour quelque « précurseur » de Musset, Hugo (et Gautier). Baroque, selon Jean Rousset ; mais la notion de baroque et de baroquisme est, en France, un peu trop riche encore en malentendus lorsque l’on considère cet art comme lié à une époque. Et, surtout le qualificatif « baroque » s’applique mieux au tempérament fougueux d’un Agrippa d’Aubigné, ou d’un Du Bartas, qu’à la grâce malicieuse et délicate du libertin Théophile. Disons plutôt que, de cette époque, nommée plus clairement pré-classique, Théophile est l’un des plus chaleureux, et qu’il est sans conteste le premier des grands lyriques du XVIIe siècle. Tristan se réclamera de son exemple, et aussi Saint-Amant. Au plus fort du triomphe des « classiques » enfin, La Fontaine ne dédaignera pas de le prendre comme modèle, en particulier dans son poème Adonis, dans ses Élégies ; et l’Hymne à la volupté, à la fin des Amours de Psyché, se présente comme un hommage non déguisé à Théophile, son prédécesseur («J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique / La ville, la campagne, enfin tout ; il n’est rien / Qui ne me soit souverain bien / Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique »).
VIAU Théophile de. Poète français. Né entre mars et mai 1590, à Clairac-en-Agenais (Lot-et-Garonne), mort à Paris, le 24 septembre 1626. Une enfance bucolique à Boussères, au sein d’une famille protestante et de petite noblesse, des études au collège de Nérac, à l’académie de Montauban, au collège de médecine à Bordeaux, puis à Saumur, préludent à cette existence tragi-comique, digne des temps troublés qu’elle traverse. L adolescent, au gré d’amitiés douteuses, s’initie à la débauche; poète à gages, suit une troupe de comédiens errants; « studiosus medicine », gagne en 1613 les Provinces-Unis avec Guez de Balzac. Une affaire obscure où Balzac reçoit du bâton et où son compagnon donne de l’épée provoque la rupture et le départ du couple. Retour de Leyde en 1615, Théophile entre au service du comte de Caudale en qualité de secrétaire poétique. Dès lors, mêlé aux intrigues galantes et politiques des derniers féodaux, plus ingénument hardi et plus vulnérable que ses maîtres, il connaîtra les fortunes les plus diverses. Il a des façons impies et licencieuses qui flattent l’hostilité de l’aristocratie au despotisme croissant. Les applaudissements le poussent à la surenchère : il se damnerait pour un bon mot. Mais, dans le bonheur ou dans la disgrâce, l’inspiration jamais ne se dément. A travers les odes et les stances, les satires et les épigrammes du premier recueil de ses œuvres — publié en 1621, — peu après son voyage en Angleterre, Théophile confesse son libertinage spirituel avec une telle candeur et un tel succès que la morale en vigueur s’en offense en la personne de deux zélés jésuites, les Pères Garasse et Voisin, accoutumés à plus de discrétion dans le mal. Au reste, ce temps, qu’inquiète l’agitation protestante, n’est pas à la clémence. Théophile, au comble de la faveur, suivra son roi en Languedoc, assistera au siège de Clairac, sa ville natale, abjurera en 1622 la religion de son enfance. En vain. Il n’évitera ni le scandale qu’aggravent encore, en 1623, la publication du second recueil de ses œuvres et surtout celle du Parnasse satyrique, ni ses plus funestes conséquences : Théophile, en fuite, est jugé par contumace et condamné au bûcher. Le 19 août, l’effigie du poète et ses œuvres sont brûlées en place de Grève. Arrêté en septembre, conduit à la prison du Châtelet, il y vivra de 1623 à 1625 et y écrira quelques-unes de ses pièces les plus durables : la Lettre à son frère et la Maison de Sylvie, suite de dix odes commencée à Chantilly, chez son protecteur, Henri de Montmorency. Grâce à l’intervention de son ami bien-aimé, des Barreaux, et à la maladresse de ses adversaires, Théophile échappera au bûcher. Banni, puis gracié, il mourra des suites de sa captivité, un an après sa libération, à l’âge de trente-six ans. Maintes fois rééditées, ses Œuvres poétiques connaîtront au XVIIe siècle un succès tel que la gloire de Malherbe même en pâlira. Symbole d’un temps mal assuré, fort de ses hésitations, qui prépare l’avènement de l’ordre classique mais n’y a encore rien sacrifié, l’art de Théophile a les vertus et les limites de sa préciosité. L’univers borne ses horizons, consent à plus de transparence, de netteté, de divine humanité, pour se reconnaître dans les miniatures cosmiques du Matin ou de Solitude. L’auteur de l'Elégie à une Dame manque de peu le secret de Jean de La Fontaine; celui d’une paresse oui est disponibilité, d’une flânerie qui est docilité aux dieux. Il arrive aussi qu’un songe, un pressentiment fissurent telle ode, en lézardent le surnaturel de convention (ainsi le rêve prophétique de la Maison de Sylvie). Le meilleur Théophile est-il dans la prose dépouillée des lettres, de l'Apologie au Roi, de la nouvelle latine Larissa, des Fragments d’une Histoire comique, ou bien dans le lyrisme flamboyant de ses tragédies, Pasiphaé et Pyrame et Thisbé ? Plus musical que Racan, plus robuste que Tristan, l’oiseau Théophile traverse plus heureusement les siècles qu’il n’a fait son temps.
Théophile de Viau, poète français, né dans l'Agénois en 1590, mort en 1626, vient à Paris en 1610, s'y fait connaître par ses vers et par. son esprit, puis est. exilé pour cause d'immoralité. Revenu. en France, Louis XIII lui accorde une pension. Ayant écrit un ouvrage obscène, il est condamné à mort (au bûcher). Sa peine est commuée en un bannissement de Paris. Adversaire de Malherbe, opposé au classicisme naissant, il a écrit des drames, des pièces satiriques, des sonnets et élégies où son admiration pour la nature en fera la coqueluche des romantiques puis une référence pour Mallarmé.
♦ « A Malherbe, à Racan, préférer Théophile,/ Et le clinquant du Tasse à tout l'or de Virgile. » Boileau. ♦ Peut-être le seul esprit vraiment léger de son siècle, celui qui fait, par sa seule présence, que le mot grâce ne désigne pas uniquement telle opération de Dieu en l’homme, mais une qualité de cœur et de l'esprit, sensible dans le langage. » Henri Thomas.
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