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UNAMUNO (vie et oeuvre)

Essayiste, romancier et poète, Unamuno est l'un des plus grands penseurs espagnols du XXe siècle. Dans la lignée de Pascal et de Kierkegaard, il tente de trouver un remède au «sentiment tragique de la vie» dans un mysticisme individualiste, aussi éloigné du rationalisme scientifique que du christianisme dogmatique.

VIE

Recteur de l'université de Salamanque, Unamuno est destitué à plusieurs reprises pour son opposition aux régimes de dictature. Penseur libéral et individualiste, il militera pour que l'Espagne s'ouvre aux idées extérieures et «s'européanise».

L'étudiant et le professeur
1864: Naissance à Bilbao, dans le pays basque espagnol.
1880-1884: Études de philosophie et lettres à Madrid. Il perd la foi. Doctorat en philosophie en 1884.
1884-1891: Retour à Bilbao. Enseignement secondaire et collaboration à des revues socialistes.
1891: Professeur de Grec à l'université de Salamanque. Publie ses premiers écrits.

Le recteur et l'opposant politique
1901: Unamuno est nommé recteur de l'université de Salamanque. Il est destitué en 1914 pour avoir pris le parti des Alliés.
1924: Il est révoqué de sa chaire pour son opposition au dictateur Primo de Rivera et est déporté aux Canaries. Il s'échappe et va vivre en France.
1930: Chute de Primo de Rivera. Unamuno rentre en Espagne.
1931: Début de la République. Il est élu député et redevient recteur.
1936: Ayant critiqué le franquisme, Unamuno est de nouveau destitué. Il meurt deux mois plus tard.

OEUVRES

Comme les existentialistes, Unamuno place au centre de ses préoccupations «l'homme en chair et os» face à l'absurdité de la mort. Esprit tourmenté, il rejette la raison et les systèmes. Sa pensée s'exprime de préférence sous forme d'essais ou de romans.

L'Essence de l'Espagne (1895)
Premier ouvrage d'Unamuno. Pour le philosophe, l'Essence de l'Espagne ne réside pas dans un catholicisme orthodoxe et scolastique, mais dans le mysticisme et l'humanisme individualiste tels qu'ils s'expriment dans les oeuvres de sainte Thérèse d'Avila ou de Cervantès.

La Vie de Don Quichotte et Sancho Pança (1905)
Unamuno fait de Don Quichotte le symbole du combat spirituel qu'il mène. Plutôt que de voir le héros de Cervantès comme un fou, il en fait un idéaliste qui lutte contre les morales utilitaires, un héros qui tente de transcender le nihilisme dans le dépassement de soi..

Le Sentiment tragique de la vie (1913)
C'est l'ouvrage principal d'Unamuno. Pour lui, la philosophie doit se préoccuper de «l'homme en chair et os» dans ce qu'il a d'unique et d'irremplaçable. La science, positiviste et matérialiste, désespère l'homme en niant que les corps puissent ressusciter. La théologie, pour sa part, «prouve» l'immortalité, mais d'une manière toute rationnelle et désincarnée. Entre les deux, reste une voie difficile, mais la seule qui tienne compte de la «vie» et du «coeur»: celle d'un spiritualisme individualiste et mystique, seul remède contre le désespoir et le nihilisme.

Essais (19161918)
Unamuno a recueilli ses essais en sept volumes. On y retrouve les principales idées de l'auteur: son affirmation de la supériorité des hommes spirituel ceux «qui ne tolèrent pas la tyrannie de la science ni celle de la logique»; son anti-intellectualisme et son goût pour les philosophes qui, comme Pascal, préfèrent le sentiment à la raison; son pragmatisme latin et son refus des systèmes; l'opposition entre l'esprit français (ou européen), scientifique et rationnel, l'âme espagnole, tragique et passionnée.

L'Agonie du christianisme (1926 et 1931)
Pour Unamuno, la foi n'est pas une certitude tranquille, ni une croyance relevant du dogme, mais une lutte constante de l'individu contre le doute, une tentative héroïque et douloureuse de donner un sens à la vie.

EPOQUE

L'isolement intellectuel de l'Espagne
La pensée d'Unamuno ne peut être dissociée de son patriotisme et de son souci de l'Espagne. Contrairement à d'autres pays d'Europe de l'Ouest, l'Espagne est restée pendant longtemps isolée et fermée aux idées extérieures. L'influence obscurantiste et réactionnaire de l'Église pèse sur les esprits. Unamuno milite pour que son pays se de son nationalisme passéiste en s'ouvrant à l'Europe.

Les vicissitudes d'un libéral
Le pouvoir intellectuel de l'Église se double d'une menace constante de caudillisme. Le pouvoir monarchique étant faible en Espagne, les dictatures se succèdent depuis le XIXe siècle. En 1924, quinze ans avant Franco, le général Primo de Rivera instaure une dictature. D'un individualisme ombrageux, hostile à l'autorité, Unamuno défend farouchement ses idées libérales. Son engagement lui vaut de graves ennuis avec les pouvoirs en place.

APPORTS

Unamuno est l'un des pères spirituels de la République espagnole. Il a tenté de concilier l'âme traditionnelle espagnole avec l'ouverture au modernisme. N'ayant pas de doctrine, il apparaît comme un penseur aristocratique et isolé.

Le renouveau de la philosophie espagnole. Avec son confrère Ortega y Gasset, Unamuno est l'un des deux principaux philosophes espagnols du XXe siècle. Il a aidé à populariser la philosophie dans un pays où, en partie à cause du pouvoir ecclésiastique, elle n'était pas à l'honneur.

Le penseur libéral. Par son ouverture à l'universel et son refus du passéisme, Unamuno a contribué à faire connaître la culture espagnole en dehors des frontières de son pays. Par son engagement politique, il a été l'une des consciences de la République de 1931.

Postérité/Actualité. Unamuno apparaît comme un penseur isolé dans un pays qui n'a pas de grande tradition philosophique (mais en revanche une grande tradition d'essayistes). Il s'inscrit dans la lignée de l'existentialisme chrétien (Pascal, Kierkegaard) et présente certains points communs avec Nietzsche. On peut le comparer par ailleurs à un Camus académique, pour son talent d'écrivain polygraphe (qui s'illustre dans plusieurs genres) et sa sensibilité au tragique de la condition humaine.

UNAMUNO (Miguel de), écrivain et philosophe espagnol (Bilbao 1864-Salamanque 1936). Professeur de grec à l'université de Salamanque, il fut le maître à penser de l'humanisme révolutionnaire antifranquiste et reste celui des intellectuels espagnols d'aujourd'hui. Poète (dans Poesias, 1907) et romancier, qui dépeint sa province natale dans Paix dans la guerre (Paz en la guerra), en 1897, le penseur individualiste se révèle dans le Sentiment tragique de la vie (Del sentimento tragico de la vida), 1915; l'Agonie du christianisme (La agonia del cristianismo), en 1924. Penseur chrétien, Unamuno se situe, dans le panthéon international des philosophes, aux côtés de Gabriel Marcel, en France, et de Martin Buber, en Allemagne.

 

UNAMUNO Miguel de. Écrivain, poète et philosophe espagnol. Né à Bilbao le 29 septembre 1864; mort le 31 décembre 1936 à Salamanque. C’est dans sa ville natale que Unamuno fit ses premières études. Venu en 1880 à Madrid, il fréquenta à l’université les cours de philosophie et de lettres. De nombreuses oppositions que suscitèrent ses idées, son inaptitude à se plier à l’étude des programmes universitaires rendirent difficile sa carrière. Il enseigna le grec à Salamanque, sa ville préférée. Père de nombreux enfants, il dut lutter pour vivre, et la lutte lui fut rendue plus pénible par l’hostilité des hommes au pouvoir et de l’Eglise qu’il rencontra dans sa patrie, mais aussi par son caractère difficile, polémique, parfois âpre et égocentrique. Émigré à Paris, où il écrivit et publia L’Agonie du christianisme, en 1924, il rentra pour reprendre sa chaire à l’université de Salamanque dont il fut, pendant de longues années, le recteur. Il adhéra au mouvement nationaliste espagnol pendant la dernière guerre civile. Plus que tout autre parmi les écrivains espagnols de notre siècle, Unamuno eut une influence non seulement sur la culture, mais encore sur la vie sociale et politique de son pays. Pénétré d’idées réformatrices, opposé aux institutions vieillies, écrivain fragmentaire et paradoxal, génial mais inégal, âme inquiète et inquiétante, il souleva de nombreux problèmes sans en résoudre aucun. Son œuvre en fait le type même de « l’essayiste » espagnol, incapable de systématisation, tempérament philosophique plus que philosophe et, par-dessus tout, poète. Unamuno a touché a de nombreux genres de poésie — Le Christ de Velasquez — au roman — Brouillard, Tante Tula — et à la nouvelle — Trois Nouvelles exemplaires et un prologue, — mais son vrai domaine est l’essai proprement dit, tels que L'Essence de l'Espagne, les Essais et surtout Le Sentiment tragique de la vie, son œuvre essentielle. La pensée de Unamuno repose tout entière sur le contraste radical qui, pour lui, sépare « vie » et « raison », « action » et « pensée » : la raison est l’ennemie déclarée et irréductible de la vie. La raison est identité, permanence, universalité, explication logique de tout, dissolvant de l’individu dans l’universel, négatrice de ses plus profondes aspirations morales et religieuses. La vie par contre est diversité et inégalité, flot continu, individualité, foi sans cause, sans logique, ascientifique, affirmant l’existence des idéaux de l’immortalité de l’âme et de Dieu. La raison affirme que tout cela est absurde; mais la vie répond que précisément parce qu’absurde, cela est vrai, c’est vrai parce que folie pour la raison. « Toute tentative d’accord et d’harmonie persistante entre la raison et la vie, entre la philosophie et la religion est impossible. Et la tragique histoire de la pensée humaine n’est autre que la lutte entre la raison et la vie. Telle est l’histoire de la philosophie, inséparable de celle de la religion. » On remarque le caractère tout « latin » du pragmatisme de Unamuno, antithétique, de ce point de vue, du pragmatisme anglo-américain. Le sien est plutôt un pragmatisme à l’envers; une vérité est d’autant plus vraie qu’elle est plus « matériellement » inutile. Et l’on comprend que Unamuno ait choisi pour illustrer sa position les figures de Don Quichotte et Sancho Pança — La Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança.

 




Philosophe espagnol, professeur à l'université de Salamanque. Estimant que l’homme concret est le véritable objet de la philosophie, il s'oppose à l’esprit cartésien et se révèle sensible aux arguments relevant du cœur. D'où l'antithèse raison/cœur incarnée par l'opposition Sancho Pança et Don Quichotte : le premier représente le sens commun, tandis que le second exprime la folie généreuse et l'espérance de l'homme en l’irrationnel. Contre toutes les formes de scientisme, la grandeur morale est la condition première de la transformation du monde. ♦ Ses méditations sur l'existence de l'homme concret, où l'on retrouve l'influence de Pascal et de Kierkegaard, font de Unamuno le précurseur de l'existentialisme contemporain. Le sens premier de la vie se traduit par une « soif d'immortalité » que ne saurait satisfaire la science. Or, le sentiment humain de finitude lié à l'envie « d'être-tout » engendre une conscience tourmentée et tragique. Finalement, c'est au cœur même de sa finitude que l'homme - du moins le croyant -trouve l'espoir, dans un combat qui donne un sens à sa vie : « La lutte pour la vie est la vie même. » Œuvres principales : La Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança (1905) ; Le Sentiment tragique de la vie chez les hommes et chez les peuples (1913) ; L'Agonie du christianisme (1926).



♦ « Quoique sa méthode ne m attire pas, je suis le premier à admirer l’étrange attrait de sa figure, silhouette démesurée de mystique énergumène qui se dresse sur le fond sinistre et stérile de l’abrutissement péninsulaire, martelant du tronc de chêne de son moi les têtes celtibères... » Ortega y Gasset, 1908. ♦ « Laissant de côté la pure littérature, c’est l’esprit le plus représentatif de l’Espagne de nos jours. Il est pour son pays quelque chose de semblable à ce que fut Carlyle pour l’Angleterre et Fichte pour l'Allemagne. » Giovanni Papini. ♦ « Avec Unamuno, nous touchons le fond du nihilisme espagnol. » Jean Cassou.

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