Un roi sans divertissement de Jean GIONO, 1947
Giono a classé ce récit parmi ses Chroniques romanesques. Dans une préface écrite pour ce recueil en 1962, en pleine vogue du nouveau roman (cf. M. Butor, M. Duras, A. Robbe-Grillet), raillant le fait qu'on n'ose plus raconter d'histoires, il se flatte d'en offrir, mais souligne en même temps ses innovations formelles : le thème même de la chronique me permet d'user de toutes les formes du récit, et même d'en inventer de nouvelles, quand elles sont nécessaires (et seulement quand elles sont exigées par le sujet) [cf. Le Moulin de Pologne]. Ici, le narrateur est un amateur de caractères qui s'attache à reconstituer ce qu'on a pu voir et savoir de la vie d'un capitaine de gendarmerie nommé Langlois à partir du jour où il est arrivé dans un village du Dauphiné pour une enquête. L'originalité du récit tient à ce que cet homme secret et tourmenté est exclusivement peint de l'extérieur, comme ont pu le voir ceux qui l'ont connu. Pendant l'hiver de 1843, dans un village de la montagne pris dans la neige et le brouillard, des habitants disparaissent, victimes d'un assassin, si l'on en juge par les traces de sang, mais on ne retrouve pas leurs corps. Le capitaine Langlois, qui vient enquêter sans succès, est aussi singulier que ces crimes inexpliqués. Il reparaît au début de l'hiver suivant, en congé pour trois mois, et s'installe au café de la Route que tient une ancienne prostituée surnommée Saucisse. Le mystérieux assassin le fascine : Ce n'est pas un monstre. C'est un homme comme les autres, dit-il. Cet homme tout de même étrange, un villageois finit par le repérer alors qu'il descend d'un grand hêtre où il a caché ses victimes. On le suit. Il est du village voisin de Chichiliane. C'est M. V. Au lieu de le remettre à la justice, Langlois l'entraîne dans la forêt et le tue de deux coups de pistolet. Après quoi il démissionne. Langlois s'installe alors au village définitivement. Il est commandant de louveterie. Il fréquente quelques amis, Saucisse, Mme Tim et son mari, procureur royal et connaisseur d'âmes. Il se marie. Mais il ressort de tous les faits que Langlois est prisonnier d'une inquiétude foncière que l'affaire de M. V. semble avoir avivée. Sa hantise du sang et de la mort est trahie par des épisodes symboliques : la battue où il a tué lui-même le loup de deux coups de pistolet, sa visite à une paysanne pour faire tuer une oie dont il a regardé couler le sang dans la neige. Au soir de la scène de l'oie, il s'est suicidé en allumant un bâton de dynamite en guise de cigare. Le mot de la fin est emprunté à Pascal : Un roi sans divertissement est un homme plein de misères (Pensées Br. Il, 142).
Liens utiles
- Après avoir lu plusieurs chroniques de Jean Giono, l'écrivain Jean-Louis Bory faisait ce commentaire : Giono avait longtemps cru que la machine et les allumettes chimiques, voilà les responsables du malheur. Tout se passait comme s'il ouvrait les yeux et sous la somptueuse peau de tigre, qu'est le feuillage des arbres, découvrait un corps cruel. Dans quelle mesure, Un roi sans divertissement peut-il illustrer ces propos ?
- Jean GIONO, Un roi sans divertissement.
- Un roi sans divertissement de Jean Giono (Résumé & Analyse)
- Un auteur contemporain affirme que le but suprême du romancier est de nous faire connaître et aimer l'âme humaine dans sa grandeur comme dans sa misère, dans ses victoires comme dans ses défaites. Et il conclut : « Admiration et pitié, telle est la devise du roman ». Qu'en pensez-vous ? Vous vous appuierez sur La Bête humaines de Zola, Noeud de vipère de Mauriac, Un roi sans divertissement de Giono.
- SQ 1/ parcours maîtres et valets Lecture cursive des Bonnes de Jean Genet, 1947