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Tyler, Wat ; meneur de la révolte paysanne anglaise (1381).

Tyler, Wat ; meneur de la révolte paysanne anglaise (1381). T. est, avec John Bail, l'une des figures les plus célèbres de la révolte paysanne de 1381. On ignore presque tout de sa carrière antérieure. Il viendrait de Colchester (Essex) et se serait battu en France et en Flandre ; si son sobriquet est bien son nom de profession, il aurait été cuiseur de briques, mais l'on sait par ailleurs que d'autres meneurs avaient pris des pseudonymes. La révolte est brusque, brève et violente ; les principaux foyers en sont l'Essex, le Kent et l'East Anglia. Les troubles sont concentrés en mai-juin 1381. Les premières agitations éclatent en Essex en mai 1381 contre des collecteurs d'impôt et enquêteurs royaux, puis s'étendent au Kent. La liaison avec des mouvements urbains et l'effet de surprise expliquent que les insurgés pénètrent sans coup férir, en tout cas sans difficultés majeures, à Canterbury (10 juin) comme à Londres (13 juin). Le 13 juin, les insurgés mettent le feu à la résidence londonienne de Jean de Gand (palais « Savoy ») ; le lendemain, ils exécutent l'archevêque Sudbury de Canterbury, chancelier du roi, et Robert Hales, son trésorier, qui se trouve être aussi grand-maître de l'Hôpital en Angleterre. Payés de promesses, les insurgés sont facilement manoeuvrés. Le 15 juin, le roi Richard II accorde une audience aux rebelles à Smith-field. T., qui se prend de querelle avec la suite royale, est poignardé par le maire de Londres, Walworth. Les promesses royales sont toutes abrogées, la répression est féroce et méticuleuse. Elle nous vaut précisément une riche documentation d'archives. Comme dans les autres grandes révoltes qui agitent, par vagues, l'Europe de la seconde moitié du xive siècle, le lien entre campagnes et villes est évident ; le rôle des artisans du monde rural (dont T. ?) n'est pas négligeable ; s'il n'y a ici que très peu de petits nobles parmi les insurgés (le seul à émerger est Sir Roger Bacon, dans le Nor-folk), il est évident que l'insurrection n'est pas une révolte de pauvres, mais une « émotion » des régions rurales les plus riches et les mieux intégrées à l'économie de marché, impliquant des paysans, des artisans, avant tout des propriétaires, de tout statut, confrontés aux difficultés économiques, aux problèmes commerciaux, aux freins multiples posés à leur ascension par les très grands propriétaires, laïcs et ecclésiastiques. Si les révoltés font porter de nombreuses revendications sur les droits et la justice des seigneurs et sur le villainage, c'est moins parce qu'ils sont serfs et pauvres que pour les menaces que la réaction seigneuriale peut faire peser sur leur propre statut juridique et économique, fragilisé. Il y a en outre dans la révolte une dimension religieuse (marquée par exemple chez le clerc John Bail) et, comme dans la Jacquerie française, une dimension proprement politique, qui montre une conscience à la fois nationale, monarchique et politique très développée chez les insurgés, qui sont loin d'être les paysans/rustres/sauvages volontiers décrits par leurs adversaires, les moines qui écrivent les chroniques. Avec les gros propriétaires fonciers, leurs ennemis déclarés sont les conseillers et favoris du roi, et les agents d'un souverain avec lequel ils exigent un rapport direct. C'est là la grande ambiguïté du mouvement : tourné vers le passé en ce qu'il montre une étape violente de la résistance devant la fiscalité alourdie, la justice envahissante ; tourné vers l'avenir en ce qu'il condamne l'appétit et les vues égoïstes des grands et des agents indélicats d'une administration royale encore en gestation. Bibliographie : R. Hilton, Les Mouvements paysans du Moyen Âge, trad. fr., 1979.

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