TRISTAN L'HERMITE François L’hermite, dit
TRISTAN L'HERMITE François L’hermite, dit 1601-1655
Né dans une famille de petite noblesse de la Marche (à Soliers), il vient tôt à la cour exercer les fonctions de page, fonctions agitées s’il faut croire son roman Le Page disgracié (1641). La publication en 1633 de Plaintes d’Acante et autres Œuvres, le place aux tout premiers rangs des poètes de son temps, situation que le succès au théâtre de sa Marianne — succès suivi par d’autres qui en font le second de Corneille — confirme. Mais si par son lyrisme il se montre dans la lignée d’un Théophile de Vian, il sait assimiler la leçon de Malherbe et se montre poète brillant, raffiné et sensuel. Sa vie durant il continuera à publier: Les Amours (1638), La Lyre (1641), Les Vers héroïques (1648), La Renommée (1654). Pourtant son inaptitude à la poésie galante en vogue à ce moment-là fait assez vite de lui un isolé, isolement que ne fera qu’accroître sa fierté et son indépendance d’esprit.
TRISTAN L'HERMITE
[François l'Hermite, sieur de Soliers]
1601-1655
Poète lyrique, et auteur dramatique, né au château de Soliers, dans la Creuse. Nous ne savons pratiquement rien de la vie adulte de Tristan, mais il nous a conté lui-même dans un curieux roman autobiographique, Le Page disgracié, son enfance aventureuse : page à la cour d’Henri IV, il transperce de son épée un cuisinier qu’il prenait la nuit pour un fantôme ; s’enfuit en Angleterre, où il est incarcéré ; s’évade grâce à la complicité d’une jeune fille, et passe en Norvège. Enfin, Louis XIII lui accordera son pardon en 1620. L’œuvre étonnamment variée de Tristan sort peu à peu de l’ombre, depuis le début du XIXe siècle. Romancier, dramaturge aussi (La Folie du sage, Le Parasite, La Mort de Sénèque, sa dernière tragédie ; et surtout la Mariamne, qui contrebalança, au printemps 1636 et longtemps après, le triomphe du Cid) ; poète enfin, tout au long de sa carrière, qui s’ouvre avec Les Plaintes d’Acanthe (1632) et s’achève sur les Vers héroïques (1648). Mais ses deux plus célèbres recueils restent Les Amours de Tristan (1638), l’œuvre qui lui vaudra son surnom, et La Lyre (1641). Du premier de ces deux recueils, Debussy prélèvera pour les mettre en musique quelques strophes du Promenoir des deux amants (Au fond de cette grotte sombre...). Tristan est inclassable : qui entend pour la première fois sans idée préconçue Le Promenoir, avec ou sans la musique de Claude Debussy, le prendrait pour l’œuvre d’un poète du XXe siècle, contemporain du compositeur, n’étaient les archaïsmes de la langue : L'onde lutte avec les cailloux / Et la lumière avec que l'ombre, ou encore quand il décrit les reflets, dans l’eau, des fleurs et des joncs, qui paraissent être là-dedans / Les songes de l'eau qui sommeille. On l’a rattaché au mouvement « baroque », c’est-à-dire, dans l’acception française de cette expression : pré-classique. On l’a dit « précieux » ; et, cette fois, sans raison valable, si ce n’est le péché de jeunesse que fut sa Carte du royaume d'Amour, le premier en date de ces comptes rendus d’expéditions vers le pays « du Tendre » (celle de Mlle de Scudéry paraîtra un an après la mort du poète). On l’a dit « pré-romantique », en ce sens que la notion de romantisme évoque pour nous la couleur, la fougue, l’amour de l’aventure et de la liberté ; pourtant, même dans sa vie mouvementée, même dans le roman du Page disgracié qui nous la raconte si allègrement, le lecteur moderne reste surpris - et ravi, d’ailleurs - par l’absence totale de prétention et d’emphase, par la grâce, par la simplicité plus encore. Et tout cela est bien d’un homme de son siècle, ainsi que l’amour de la « sous-expression ». Pour conclure, Tristan est inclassable parce qu’insaisissable : naïf (dans ses Chansonnettes par exemple) et tout à la fois féroce (dans ses Épigrammes) ; féerique, et aussi fantastique ; immatériel, et aussi sensuel (son poème sur Les Cheveux blonds) ; familier, mais aussi puissant (La Mer). Et, dans son théâtre : bouffon (Le Parasite) ; mais aussi profond (La Folie du sage) ou pathétique enfin (La Mort de Sénèque, Mariamne).
Dans cette dernière œuvre qui, bizarrement, l’année même du Cid, en expose par avance le thème (un homme tue le père de la femme qu’il aime), la force tragique de Tristan se situe dans un champ magnétique presque inverse de celui de Corneille : n’a-t-on pas parlé à cette occasion (N.-M. Bernardin ; voir la bibliographie ci-après) d’une « préfiguration » du ton et du pathos raciniens? Hérode, le tyran, assassine le père de Mariamne, puis il épouse celle-ci de force, et entend s’en faire aimer d’amour ; elle lui tient tête, l’humilie, le pousse à bout dans le secret dessein de périr, à son tour, de la main de cet homme dont le désir lui fait horreur. Ce n’est pas tant le nom de Racine, qu’il faudrait évoquer, ici, que celui d’Alexandre Hardy, puissant dramaturge préclassique dont Tristan est ici l’émule et l’égal, avec l’atout supplémentaire d’un style. Mariamne, et aussi La Mort de Sénèque, ces deux curieuses (et savoureuses) tragédies de poète, portées à la scène par de jeunes compagnies théâtrales, ont été pour le public une révélation. Ainsi Tristan, peu à peu, se voit remis à sa place en tant que poète dramatique et en tant que poète tout court ; poète de plein vent, et, comme on dirait aujourd’hui, « de tempérament ».
TRISTAN L’HERMITE (François L’Hermite, sieur du Solier, dit). Poète, romancier et dramaturge français. Né en 1601 au château de Soliers (Creuse); mort le 7 septembre 1655 à Paris. Il était, dit-on, de la famille à laquelle appartint Pierre l’Hermite, qui prêcha la première croisade. Sa jeunesse tut aventureuse : vivant, en qualité de page, chez Henry de Bourbon, marquis de Verneuil, il eut à treize ans un duel où il tua son adversaire (1614). Contraint de prendre la fuite, il se réfugia en Angleterre, d’où il passa en Ecosse et finalement en Norvège. Peu satisfait de ce climat, il eut l’idée d’aller vivre en Espagne. Incognito, il traversait la France, lorsque, à Loudun, il fut atteint par la maladie. Recueilli par Scévole de Sainte-Marthe, il vécut quelques mois en Poitou. C'est alors qu’il fut reconnu par un seigneur de la cour (1620). Il en fut quitte pour la peur, car bientôt il obtint sa grâce. A partir de ces faits, racontés dans son roman, Le Page disgracié, on perd quelque peu sa trace. « Tout ce qu’on sait, dit Pellisson, c’est qu’étant poète, joueur de profession et gentilhomme de Gaston d’Orléans, aucun de ces trois métiers ne parvint à l’enrichir. » En 1649, il n’en devint pas moins membre de l'Académie Française. Il avait débuté en 1633 par un recueil de vers qui obtint un vif succès : Les Plaintes d’Acante. D’autres recueils suivirent : Les Amours de Tristan (1638), où se trouve l’ode intitulée Le Promenoir des deux amants, La Lyre du sieur Tristan (1641), Les Vers héroïques du sieur Tristan l’Hermite (1648). Ce n’est point pourtant comme poète lyrique qu’il marqua le plus en son temps. Passionne de théâtre, il avait fait représenter, en 1636, une tragédie dont le succès balança celui du Cid : Marianne. Il devait en composer d’autres : Penthée (1637), La Mort de Sénèque (1645), La Mort de Chrispe (1645) et La Mort du grand Osman (1656). Àjoutons-y sa comédie : Le Parasite (1656). Ce théâtre est loin d’être négligeable; par certains aspects de son talent, Tristan l’Hermite peut être considéré comme un précurseur de Racine. ♦ « Tristan me paraît la plus charmante et la plus personnelle expression de la société précieuse de son temps... » Marcel Arland.