TOYOTISME
TOYOTISME
Le terme « toyotisme » s’est imposé internationalement pour désigner le modèle industriel inventé par le constructeur automobile japonais Toyota. Par extension, simplification et déformation, il est devenu synonyme de « modèle de gestion japonais », censé caractériser les firmes de ce pays. Les succès qui lui ont été attribués l’ont fait considérer comme le probable modèle industriel du xxie siècle. Il serait en effet capable tout à la fois de répondre au meilleur prix à une demande diversifiée, changeante et exigeante, et de mobiliser l’intelligence des salariés pour améliorer les produits et les procédés. La crise du travail que Toyota a connue en 1990 et la stagnation prolongée de l’économie japonaise tout au long de la décennie suivante ont conduit à reconsidérer la représentation du toyotisme qui prévalait et, ce faisant, la diffusion et les vertus qui lui ont été prêtées.
Une réduction permanente des coûts.
Le « système de production Toyota » a été une réponse à une double contrainte : l’impossibilité d’appliquer le modèle fordien comme en rêvaient ses dirigeants sur un marché automobile qui est resté jusqu’au milieu des années 1960 très limité et diversifié, et l’engagement pris par la direction de ne pas licencier, à la suite d’un conflit social très dur au début des années 1950. À défaut de pouvoir faire du profit par le volume, Toyota a décidé de réduire continuellement les coûts à volume constant. En contrepartie de la garantie de l’emploi pour les salariés, puis de celle des commandes pour les fournisseurs, il leur a demandé de participer directement à cette contraction permanente des coûts. La firme a poursuivi cette stratégie de profit après qu’il lui a été possible de faire du volume, d’élargir son offre et de faire payer la qualité.
La diminution des coûts à volume constant a été essentiellement, pendant plus de quarante ans, la réduction continue des temps standard, c’est-à-dire des temps prévus initialement par les services techniques pour réaliser les différentes opérations d’usinage et d’assemblage, et prenant en compte différents temps d’arrêt. Pour ce faire, outre la recherche de la répartition optimale et flexible des opérations entre les postes de travail, l’effort a été porté sur l’élimination des causes d’arrêt du processus de production et des défauts affectant le produit. Cette démarche a été à l’origine de nombreuses innovations organisationnelles auxquelles le nom de l’ingénieur de production, Taichi Ohno, est attaché. Une des principales a été l’instauration progressive du flux tendu, c’est-à-dire la réduction puis la disparition des stocks intermédiaires, ce qui devait empêcher de masquer les problèmes et obliger à les résoudre durablement sans retard. Les salariés ont pu et ont dû contribuer à la réduction des temps standard, non seulement en raison du compromis passé avec la direction, mais aussi en raison d’un système de salaire unique, faisant dépendre la rémunération mensuelle de la réalisation mois après mois des objectifs fixés à chaque équipe de travail, et grâce à un système d’horaires permettant de prolonger la journée de travail pour que le programme journalier de production soit réalisé en tout état de cause.
Ce modèle industriel a été profondément révisé à compter de 1990. Toyota n’a pu faire face à l’accroissement brutal de la demande consécutif à la « bulle spéculative » que le Japon connaissait alors, en raison de l’impossibilité de trouver des jeunes acceptant de travailler dans les conditions qui sont celles de l’entreprise, et du refus des salariés d’accroître encore les heures supplémentaires. La firme, tout en maintenant sa stratégie de réduction des coûts à volume constant, a dû abandonner son système de salaire et d’horaires, renoncer à demander aux opérateurs de réduire eux-mêmes les temps standard, et réintroduire des stocks intermédiaires. Si nombre d’entreprises ont emprunté certaines techniques toyotiennes, aucune dans l’automobile n’était parvenue à mettre en œuvre le modèle toyotien au tournant du siècle.