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TOTALITAIRE / TOTALITARISME

Totalitarisme De l'italien totalitario, mot créé par Mussolini à partir de l'adjectif total. Se dit de tout système politique qui prétend exercer sur les individus et leurs activités sociales un contrôle total. • Le culte du chef, l'absence de pluralisme politique, la fusion des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, l'immixtion de la police dans le domaine privé sont des éléments communs à tous les régimes totalitaires. 
TOTALITAIRE, adj. Ce terme a commencé à être utilisé à la fin des années trente pour désigner des régimes politiques autoritaires dans lesquels les pouvoirs sont concentrés dans les mains d'un petit nombre de dirigeants et les citoyens considérés comme des instruments au service de la collectivité et de son projet politique.
TOTALITARISME, n.m. Conception politique qui a fait, depuis 1945, l'objet d'une série d'études. ♦ 1° Un premier courant (Carl J. Friedrich, J. Kautsky, R. Aron, etc.) le définit comme «une idéologie globalisante, un parti unique prenant en charge cette idéologie et généralement dirigé par un homme, le dictateur ; une police secrète très développée, et trois sortes de monopoles ou, exactement, de contrôle monopolistique : ceux des communications de masse, des armes opérationnelles, de toutes les organisations, y compris économiques». (J. FRIEDRICH, l'Évolution de la théorie et de la pratique des régimes totalitaires.) ♦ 2° Un autre courant (Hannah Harendt, J.-L. Talmon, K. Popper) a surtout étudié l'exercice du totalitarisme, son idéologie, ses méthodes. ♦ 3° Un troisième courant (Z. Brzezinski) définit le totalitarisme comme une dictature caractérisée par un pouvoir central très fort, et la volonté de réaliser une révolution sociale et de conditionner l'homme sur la base de certains postulats idéologiques, en obtenant l’unanimité de toute la population (votes avec une majorité de 98 pour 100).
TOTALITARISME
Phénomène politique typique du xxe siècle, qui a vu naître avec le communisme et le nazisme des systèmes politiques qui se proposaient, au nom d’une idéologie, de changer, en recourant à la terreur généralisée, l’histoire de l’humanité et l’homme lui-même. Le mot, fortement polémique, est utilisé à la fois par des personnages politiques et par des théoriciens. Son histoire concerne le « bref xxe siècle », celui qui va de la Première Guerre mondiale à la fin du communisme européen.
Au début des années 1920, le terme est utilisé en Italie, d’abord par des opposants au fascisme qui lui reprochent de vouloir dominer « totalement » le système politique, puis Benito Mussolini, qui proclame sa volonté de créer un « État total », le reprend à son compte. Dans les années 1930, « totalitaire » est utilisé par le socialiste français Léon Blum, entre autres, pour désigner les fascismes, alors qu’il parle de dictature pour le régime soviétique. Mais, dès avant la Seconde Guerre mondiale, des théoriciens rapprochent le système stalinien et le nazisme, que ce soient des communistes antibolcheviks, comme Otto Rühle (1874-1943), ou des libéraux, par exemple Karl Popper (1902-1994) : pour celui-ci, le totalitarisme nie l’individu comme le faisait la République imaginée par Platon. Le pacte germano-soviétique de 1939 offre aux yeux de certains une forme de démonstration de la proximité entre les deux régimes.
L'attaque de l’URSS par Hitler (21 juin 1941) et l’alliance entre gouvernements démocrates et pouvoir soviétique suspend l’assimilation entre les deux régimes, alors que certains auteurs approfondissent la notion dans leur analyse de l’Allemagne nazie. Ce sont, pour une bonne part, des intellectuels l’ayant fuie qui, dans les années 1950, vont théoriser l’existence d’un nouveau type de régime qui ne correspond à aucun de ceux décrits par la pensée politique des Grecs ou du xviiie siècle (monarchie, aristocratie, démocratie, despotisme). Les régimes totalitaires ne reposent pas sur la volonté arbitraire d’un tyran, mais ils mobilisent, comme pour une guerre, toute la société. Ils ne sont pas destinés à maintenir un ordre établi comme les régimes autoritaires, qui s’appuient souvent sur les Églises. Surtout, ils établissent une forme inédite de relation entre le pouvoir et la population : tous les régimes totalitaires considèrent que certaines fractions de la population sont des catégories nuisibles qu’il faut détruire.

Six caractéristiques.
Une série de travaux de politistes et philosophes, notamment des Américains (nés en Europe) Carl J. Friedrich (1901-1984), Zbigniew Brzezinski (1928-) et Hannah Arendt, établit les six traits d’un syndrome du totalitarisme dont le Français Raymond Aron (1905-1983) diffuse l’essentiel en France. Aucune des six caractéristiques du totalitarisme n’est en elle-même spécifique, mais le tout définit une réalité nouvelle : 1. Une idéologie que tous doivent accepter au moins passivement et qui a un contenu millénariste ; 2. Un parti unique plus ou moins fusionné avec l’État et comprenant un noyau dévoué d’activistes ; 3. Un monopole des moyens de violence ; 4. Un monopole des moyens de communication ; 5. Une direction centralisée de l’économie, dont la planification est la forme habituelle ; 6. La détermination d’« ennemis objectifs » (une formule utilisée par Lénine) qui doivent être détruits. Ces différents éléments sont pour certains banals (le monopole de la violence légitime sur un territoire, telle est la définition de l’État en général par Max Weber). D’autres sont des innovations, comme le parti unique dont le premier au monde fut le parti bolchevik. Certains résultent - l’économie dirigée - d’un élément doctrinal (Lénine veut que la rationalité qui s’applique dans l’usine capitaliste soit aussi mise en œuvre à l’échelon de la société tout entière), renforcé par une expérience sociale (la planification de l’économie de guerre en Allemagne). Ce seul trait suffit à établir la modernité et la spécificité du totalitarisme par rapport à des systèmes de domination brutale liés à d’autres époques. L’islam radical est bien une idéocratie, mais il ne vise pas à un contrôle total de la sphère économique. Les croisés entrant à Jérusalem ont bien exterminé les infidèles comme s’ils étaient en dehors de l’humanité, mais ils n’ont pas créé de régime politique ou économique.
L’Allemagne nazie et l’URSS correspondent, avec des variations, au modèle totalitaire. Car on peut parler de système totalitaire sans que le système corresponde exactement au syndrome : dans l’URSS de Lénine et de Staline, il y eut des résistances et des révoltes, mais dont la légitimité ne fut jamais reconnue ; une partie de l’armée allemande n’adhéra par aux idéaux du nazisme, même si elle ne s’y opposa pas. Bien plus, on peut montrer que le totalitarisme ne peut aboutir aux buts qu’il s’assigne : le développement accéléré de l’économie est, en URSS, freiné par l’impossibilité d’innovations, l’absence de responsabilité personnelle, l’importance de la bureaucratie du Parti qui prétend tout contrôler. Finalement, le système industriel a une faible productivité et ne peut adopter les nouvelles technologies telles que l’informatique.
La théorie du totalitarisme ne prétend pas faire l’histoire du système, mais en saisir la logique spécifique. En rapprochant l’URSS et l’Allemagne nazie, elle se propose de revaloriser la démocratie libérale et représentative que les deux régimes ont également condamnée. Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, Staline puis ses successeurs ont tenté d’imposer la pertinence de la seule opposition fascisme (ou impérialisme) contre socialisme (ou mouvement de libération des nations). L’usage de « totalitarisme » dans cette période est lié à la Guerre froide : la notion permet de dévaloriser le système communiste, mais n’implique nullement une idéologie réactionnaire. Léon Trotski lui-même, dans un de ses derniers textes, avait évoqué le totalitarisme de Staline.
Épuration et système concentrationnaire.
La réflexion sur le totalitarisme a été relancée par des enseignements tirés de l’expérience des pays satellites de l’URSS et par l’apport de l’œuvre d’Alexandre Soljénitsyne, L’Archipel du Goulag. Au milieu des années 1970, le philosophe polonais Lesek Kolakowski (qui émigra au Royaume-Uni) présente le totalitarisme comme une volonté de fusion entre l’État et la société civile dont les racines peuvent être trouvées chez Karl Marx (1818-1883). A. Soljénitsyne sera privé de la nationalité soviétique et contraint à l’exil dès la publication de L’Archipel du Goulag à Paris en 1973. « Goulag » est l’abréviation du nom de l’Administration centrale des camps, qui a en charge le système concentrationnaire soviétique. Celui-ci n’est pas un accident du communisme, mais correspond à la volonté déjà affirmée par Lénine de « nettoyer la terre russe » des « insectes nuisibles », « poux », « parasites », dont les koulaks (paysans supposés riches) sont la catégorie la plus nombreuse. Après une première campagne de « destruction des koulaks en tant que classe », au printemps 1918, interrompue par la guerre civile en Russie (1918-1921) puis par la NEP (Nouvelle Politique économique, 1921-1929), Staline reprend cette entreprise de destruction d’un groupe ni insurgé, ni en rébellion contre le régime, mais qui est défini comme dangereux et néfaste par son existence même. L’épuration et le système concentrationnaire ne relèvent pas d’une théorie de la lutte des classes, mais d’une forme d’« hygiène sociale » qui expulse et détruit des êtres humains d’abord réduits, symboliquement et pratiquement, à l’« animalité ». Le rapprochement possible entre extermination d’une classe et d’une race est ce qui fait l’intérêt de la notion de totalitarisme et qui, en même temps, est la principale raison de son rejet par certains.
En effet, une multitude de questions, qui mettent en cause l’appréciation que l’on peut porter sur le xxe siècle, sont débattues. Ainsi, pour le philosophe allemand Martin Heidegger (1889-1976), le totalitarisme est-il le résultat de la rationalisation technicienne du monde poussée à son extrême, tandis que des historiens y voient l’effet du retard de l’URSS (dans son développement économique) et de l’Allemagne (dans sa construction en nation unifiée). Certains auteurs, H. Arendt par exemple, considèrent que le totalitarisme est lié à Staline, alors que pour d’autres il existe une continuité entre Lénine et son successeur, ce qui fait débuter le totalitarisme soviétique en 1917. On peut discuter la mise en parallèle d’un régime qui a duré moins de quinze ans et d’un autre qui s’est maintenu et s’est étendu pendant soixante-dix ans. D’autres estiment que l’existence de partis politiques (communistes ou fascistes) adhérant aux idéaux et aux principes organisationnels du totalitarisme était une menace pour les démocraties, si bien que le totalitarisme a une portée qui dépasse celle des régimes totalitaires. Au contraire, certains auteurs avancent que les démocraties sont des totalitarismes, mais plus habiles puisqu’elles légitiment la domination sans recourir à la seule force brute. Qu’on puisse le dire publiquement montre cependant que les démocraties ne sont pas des totalitarismes plus sophistiqués.
Postcommunisme et postnazisme.
Le destin des sociétés postcommunistes permet de répondre à certaines interrogations : le communisme en URSS ne fut pas une superstructure qu’il n’y aurait qu’à déblayer après son écroulement. C’est l’ensemble de la société, et tout d’abord la croyance en la validité des normes juridiques, qui doit être recomposée. Le nazisme en Allemagne avait été vaincu là où il prétendait l’emporter (l’expansion territoriale et la force), mais sa défaite militaire et l’occupation ont été des contraintes à l’édification démocratique en République fédérale d’Allemagne. L’URSS est pour sa part morte de n’avoir pu remplir son ambition de prospérité économique ; mais la société post-totalitaire soviétique, pauvre, démoralisée, sans repères sinon les ombres du passé et les rancœurs du présent, n’a pas semblé posséder en elle-même les moyens de dépasser sa situation, comme si pesait toujours sur elle, plus de quatre-vingts ans après le coup d’État d’octobre 1917, le poids d’un projet millénariste qui impliquait la montée à l’extrême de la violence d’un pouvoir contre une société jugée barbare par ses nouveaux maîtres.
TOTALITAIRE, adj. 1° Se dit de régimes politiques qui prétendent organiser et gouverner la totalité de la vie des citoyens, aussi bien publique que privée. Un pays totalitaire. Un État totalitaire. Il s’ensuit que le pouvoir, détenu en général par un dirigeant unique ou une petite classe de dirigeants, impose aux citoyens un Parti unique, supprime toute opposition, s’empare de tous les moyens de communication de masse, surveille l’orthodoxie politique et idéologique des citoyens, traque les opposants, les emprisonne, et les «rééduque» en pratiquant le «lavage des cerveaux». L’U.R.S.S. sous Staline (réalité historique), la société décrite par Orwell dans son roman 1984, donnent une idée précise de ce que peut être un pays totalitaire, — beaucoup plus terrifiant que la tyrannie.
2° Se dit d’une philosophie, d’une religion, d’une doctrine politique qui, pour de bonnes ou mauvaises raisons, croit détenir la clef idéale de la vie de l’homme en société et, forte de cette conception intégrale du salut de l’être humain, recommande ou inspire la création d’un État susceptible de réaliser cet idéal. Une pensée totalitaire est souvent à l’origine d’un régime totalitaire, même si celui-ci en est la caricature ou la déviation. Le marxisme-léninisme, par exemple, a été une philosophie sans doute exaltante en ce qu’elle prétendait, par la révolution, faire le bonheur total du genre humain ; mais sa mise en œuvre, dans la plupart des pays dits communistes, a engendré un pouvoir totalitaire, dont la réalité était aux antipodes de l’idéal rêvé — ce que trop d’intellectuels, perdant tout esprit critique, refusèrent de voir; il faut dire qu’en élaborant le concept de «dictature du prolétariat», le marxisme prenait quelques risques. Orwell, qui a médité sur la tentation du pouvoir, fait ce diagnostic : «On n ’établit pas une dictature pour sauvegarder une révolution. On fait une révolution pour établir une dictature. »
TOTALITARISME, n. m. 1° Caractère d’un régime totalitaire. 2° Caractère d’une philosophie ou d’une idéologie totalitaire (qui prétend expliquer tout l’homme et produire une société qui fera le bien total de l’homme). Indépendamment de ses déviations, de son détournement par des pouvoirs qui ne cherchent qu’à cautionner leur absolutisme, le totalitarisme est en germe dans la pensée de ceux qui rêvent d’une société idéale, comblant intégralement tous les besoins et tous les désirs de l’homme. C’est en ce sens qu’on peut parler du totalitarisme de certaines utopies. L’esprit de système des uns, le besoin de certitudes simplistes des autres, se sont conjugués pour favoriser le totalitarisme.

TOTALITARISME Ce terme - dont l’emploi est généralement péjoratif - désigne la conception politique selon laquelle les hommes sont soumis à la toute-puissance des instances sociales ou politiques (classe, race, Etat) qui exercent un contrôle autoritaire sur les personnes et les activités des individus, selon le principe de la raison d’État et au mépris des droits individuels. Les moyens utilisés par les régimes totalitaires reposent notamment sur l’existence d’un parti unique, et sur la fusion des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, contrairement aux régimes qui s’inspirent du libéralisme politique.


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