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THÉSÉE

THÉSÉE. II est le héros athénien le plus célèbre. Il était le fils d’Egée, ou bien du dieu Poséidon et d’Aethra, la fille de Pitthée. N’ayant pas d’enfants, Egée alla consulter l’oracle de Delphes qui lui interdit de délier le col de son outre à vin avant d’arriver à Athènes. Ne comprenant pas la prophétie, il se rendit à Trézène et interrogea, son ami Pitthée, roi de la ville, sur les paroles de l’oracle ; Pitthée comprit qu’Egée était destiné à engendrer un fils à son retour à Athènes. Aussi, il convainquit son ami de l’accompagner dans une petite île, Sphaeria, où il l’enivra et lui fit passer la nuit avec sa fille Aethra. Egée comprit bientôt ce qui s’était passé et apprit, avant de quitter Trézène pour retourner à Athènes, qu’Aethra attendait un enfant. Il emmena alors la jeune femme près d’un énorme rocher, qu’il souleva et sous lequel il plaça son épée et ses sandales ; puis il remit en place le rocher. Il dit à Aethra d’attendre, si elle avait un garçon, jusqu’à ce qu’il fût assez fort pour soulever le rocher, puis de l’envoyer à Athènes : si le jeune homme réussissait à déplacer le rocher et à lui apporter l’épée et les sandales, il le reconnaîtrait comme son fils et ferait de lui l’héritier du trône d’Athènes. En fait, Egée était dans une position précaire car son demi-frère Pallas et les cinquante fils de ce dernier déclaraient qu’il n’était qu’un enfant adopté par Pandion, et revendiquaient le trône d’Athènes. Pendant ce temps, Pitthée répandit dans Trézène la rumeur que sa fille avait eu Poséidon pour amant et que, par conséquent, c’était au fils du dieu qu’Aethra allait donner le jour. Plus tard, la croyance que Thésée était le fils de Poséidon se répandit largement à Athènes ; ôn disait même que le héros se considérait d’ascendance divine. Lorsque Thésée atteignit l’âge d’homme, Aethra lui montra le rocher et lui révéla le secret de sa naissance royale. Le jeune homme souleva le rocher sans difficulté, prit l’épée et les sandales et se mit en route vers Athènes; il choisit de suivre la route de terre, le long du golfe Saronique, plutôt que la route de mer, voyage trop rapide et trop facile. Le jeune homme avait appris que de nombreux brigands infestaient l’isthme et, rempli d’admiration pour son parent Héraclès, il voulait faire ses preuves. En arrivant à Epidaure, Thésée dut affronter Périphétès, un fils d’Héphaïstos, brigand qui portait aussi le nom de Corynétès parce qu’il possédait une énorme massue dont il se servait pour fracasser le crâne des voyageurs. Thésée, qui était très habile à la lutte, réussit à. éviter la massue, puis il fit subir à Périphétès le traitement que le brigand avait infligé à tant d’autres. Le héros emporta avec lui la massue, laquelle devint son emblème comme la peau du lion de Némée était celui d’Héraclès. Sur l’isthme de Corinthe, Thésée fut attaqué par Sinis, un bandit qui obligeait ses victimes à plier avec lui un pin (d’où son surnom Pityokamptès, le «courbeur de pin»), puis il lâchait l’arbre d’un coup, envoyant les malheureux dans les airs ; ou bien il les attachait à deux pins qu’il avait lui-même courbés jusqu’à terre et libérait les arbres de sorte que le pauvre voyageur était écartelé. Thésée châtia Sinis en le liant à ses pins. Puis il aperçut la fille du brigand, Périgouné, qui était d’une grande beauté ; elle s’était cachée dans un buisson d’asperges sauvages. Le héros s’unit à elle et lui donna un fils, Mélanippos; Périgouné épousa plus tard Déionée, le fils d’Eurytos d’Oechalie. A Crommyon, Thésée débarrassa la population d’un monstre tristement célèbre, une truie grise nommée Phaea («la grise»), produit de deux autres monstres, Echidna et Typhon, et qui ravageait le pays. D’après des traditions différentes, il eut affaire à un malfaiteur, ou bien à une femme dépravée surnommée la Truie. Comme le héros pénétrait dans le royaume de Mégare, il arriva à un endroit où la route serpentait entre une montagne et des falaises vertigineuses appelées les roches Scironiennes qui surplombaient une baie. Là, se cachait Sciron, un brigand qui détroussait les voyageurs, puis les obligeait à lui laver les pieds; lorsque ceux-ci s’agenouillaient devant lui, il les précipitait du haut de la falaise, les envoyant nourrir une énorme tortue qui vivait sur le rivage de la baie. Thésée fit semblant de se soumettre, mais comme il se penchait en avant, il saisit les jambes de Sciron et l’envoya par-dessus les rochers, servir lui-même de pâture à la tortue. (Toutefois, à Mégare, Sciron passait non pour un voleur mais au contraire pour un valeureux guerrier.) Ensuite, Thésée dut subir une autre épreuve à Eleusis, à cette époque ville indépendante. Son roi, un Arcadien nommé Cercyon, obligeait les étrangers à lutter avec lui; puis, quand il les avait vaincus, il les mettait à mort. Enfin, Cercyon trouva son maître dans la personne de Thésée qui, en le tuant, devint roi d’Eleusis. Il rattacha plus tard la ville au royaume athénien, et nomma Hippocoon, le petit-fils de Cercyon, gouverneur d’Eleusis. A Erinéos, près du mont Aegalée, Thésée eut affaire à Procuste («celui qui tiraille»), un brigand qui avait coutume de recevoir les voyageurs dans son auberge. Puis, une fois que ces derniers étaient en son pouvoir, il les obligeait à s’étendre sur un grand lit s’ils étaient petits ou un petit lit s’ils étaient grands ; il les liait solidement et, pour les mettre à la dimension du lit, soit il leur coupait les pieds, soit il les étirait. Thésée lui fit subir le même traitement, en lui coupant la tête, car Procuste était très grand. Le brigand était aussi appelé Damastès («le dompteur») et Polypémon («le pernicieux»). Enfin, lorsque Thésée atteignit le Céphise, il reçut pour la première fois depuis son départ de Trézène un accueil bienveillant; en effet, les descendants de Phytalos, à qui Déméter avait fait présent du figuier, purifièrent le héros des meurtres qu’il avait commis et le traitèrent avec prodigalité. Plus tard, Thésée leur accorda des privilèges religieux. En arrivant à Athènes, il y trouva une grande confusion : Egée n’avait pas d’héritier légitime, et les cinquante fils de Pallas complotaient de s’emparer du trône. Egée vivait alors avec Médée, qui espérait que leur fils, Médos, hériterait du trône d’Athènes malgré les origines étrangères de sa mère. Thésée reçut un accueil chaleureux à la suite des exploits qu’il avait accomplis, mais il ne révéla pas immédiatement son identité. Cependant, Médée le reconnut et persuada Egée, pour sauvegarder les intérêts de son propre fils, de la laisser empoisonner le jeune homme durant un banquet, faisant croire au vieil homme que Thésée était l’allié des fils de Pallas. Néanmoins, à point nommé, Egée reconnut son fils qui s’apprêtait à découper la viande avec l’épée de son père ; il l’avait rapportée de Trézène et avait placé l’arme de telle façon qu’Egée ne manqua pas de la reconnaître. Là-dessus, le vieil homme renversa la coupe de son hôte sur le sol, et Thésée comprit à quel danger il avait échappé. Médée s’enfuit d’Athènes où on ne la revit plus jamais. Egée accueillit son fils à bras ouverts et fit de lui son héritier. Mais Thésée dut bientôt affronter la menace que représentaient les cinquante Pallantides contre le pouvoir de son père et contre ses propres droits : car lorsque Thésée fut officiellement nommé successeur d’Egée, les Pallantides se rebellèrent ouvertement. La moitié d’entre eux marcha contre Athènes et l’autre moitié tendit une embuscade aux alliés de Thésée. Mais un héraut, Léos, dévoila ces plans à Thésée qui prit par surprise ceux qui étaient en embuscade. Le reste des Pallantides, à cette nouvelle, prit la fuite. Puis Thésée se rendit à Marathon, à l’est d’Athènes, afin de tuer le taureau furieux qui ravageait le .pays. Selon les traditions, cet exploit se situe soit avant que Médée eût essayé d’empoisonner le héros, qui fut alors envoyé par son père, à la requête de Médée, combattre le monstre, soit après que la magicienne se fût enfuie. Ce taureau était l’animal que Poséidon avait envoyé à Minos et pour lequel Pasiphaé, la femme de Minos, avait conçu une passion. Héraclès l’avait ramené en Grèce, lors du septième de ses Travaux, puis l’avait relâché en Attique. Androgée, le fils de Minos, avait été autrefois chargé par Egée de tuer le monstre, mais il avait succombé. Thésée se mit en route et, en chemin, il fut accueilli avec hospitalité par une petite vieille nommée Hécalé. Cette dernière lui promit d’offrir un sacrifice à Zeus si le jeune homme revenait sain et sauf, mais elle mourut avant le retour de Thésée. Après avoir capturé le taureau, celui-ci institua des fêtes locales pour honorer sa mémoire. Puis if conduisit l’animal à Athènes et le sacrifia à Apollon. A la suite de cette aventure, Thésée apprit l’histoire de la mort d’Androgée et l’existence du tribut que Minos, le père du défunt, avait alors imposé en punition aux Athéniens. Minos avait marché contre Athènes, qu’il avait vaincue grâce à la peste qui s’était abattue sur la ville. Puis il avait exigé que chaque année (ou selon Plutarque, tous les neuf ans) sept jeunes gens et sept jeunes filles lui fussent livrés afin de servir de pâture au Minotaure (monstre né des amours de Pasiphaé et du Taureau, et qui possédait le corps d’un homme et la tête et les cornes d’un taureau). Cet être monstrueux avait été enfermé dans le Labyrinthe que Dédale, un Athénien exilé, avait construit sur l’ordre de Minos. Le moment arriva, de nouveau, où il fallut fournir le tribut; d’après une tradition, Minos avait exigé que Thésée fût parmi les victimes. La plupart des auteurs, cependant, et en particulier Plutarque, racontent que les Athéniens commencèrent à murmurer contre le roi dont seul le fils était exclu du tirage au sort qui devait désigner les victimes; mais Thésée se mit alors lui-même au nombre des sept jeunes gens (d’après une variante, Thésée mit simplement son nom parmi ceux des jeunes hommes de la ville, et il fut désigné par le sort). Désespéré à la nouvelle du départ de son fils, Egée demanda à ce dernier de changer les voiles noires de son navire et d’en mettre des blanches (ou écarlates) s’il revenait sain et sauf. Selon certains, le Minotaure dévorait les victimes qu’on lui livrait, dans son Labyrinthe. D’autres disent que les malheureux erraient dans l’enchevêtrement des couloirs jusqu’à mourir de faim. Ils devaient aborder en Crète sans armes, mais on racontait aussi que si l’un d’eux réussissait à tuer le monstre et à ressortir du Labyrinthe, le tribut serait levé. On ne sait pas exactement non plus si les victimes étaient emmenées en Crète sur un navire athénien ou crétois. D’après la version la plus ancienne, Thésée devait revenir dans son propre bateau, en cas de succès, et pouvait ainsi changer les voiles pour avertir son père qu’il était toujours en vie. Mais une tradition plus récente raconte que pendant le voyage d’aller, Minos tenta de faire violence à l’une des jeunes filles, la fille d’Alcathoos, roi de Mégare; Thésée, indigné, se porta au secours de la jeune fille, à la colère de Minos. Les deux hommes se traitèrent alors mutuellement de bâtards, mais chacun sut prouver son ascendance divine, Minos en priant son père Zeus d’envoyer un éclair dans le ciel bleu, Thésée en plongeant dans la mer et en retrouvant miraculeusement un anneau d’or que Minos avait jeté avec mépris dans le royaume de Poséidon. Non seulement Poséidon remit l’anneau à son fils, mais Amphitrite, la femme de Poséidon, offrit au héros une couronne d’or dont ce dernier se coiffa pour sortir triomphalement de la mer. Il rendit alors l’anneau à Minos stupéfait. Thésée était un jeune homme très pieux et, avant de faire voile vers la Crète, il avait offert un sacrifice à Apollon, qu’il vénérait tout particulièrement, et avait prié Aphrodite de lui accorder sa protection. Lorsqu’il aborda en Crète, ces précautions se révélèrent d’un grand secours, car ce fut grâce à l’amour qu’il inspira à Ariane, la fille de Minos, que son entreprise réussit. Cette dernière tomba amoureuse du héros en l’apercevant et alla consulter Dédale sur le moyen de s’échapper du gigantesque Labyrinthe. Celui-ci répondit qu’il fallait attacher un fil à l’entrée, puis le suivre pour ressortir. Ariane alla trouver Thésée, et, après qu’il lui eut promis de l’épouser, elle lui donna un peloton de fil et, d’après certains, une épée. Laissant ses compagnons près de l’entrée, Thésée s’avança dans le Labyrinthe en déroulant son fil. Puis il affronta le Minotaure et le tua, soit avec son épée, soit avec ses poings. Il revint alors à l’entrée, et Ariane les délivra tous du Labyrinthe. Le groupe se dirigea vers le navire athénien ancré dans le port. Là, à la faveur de la nuit, Thésée et ses compagnons sabordèrent les navires de Minos pour empêcher toute tentative de poursuite. Ainsi les Athéniens firent voile vers leur patrie. Selon une tradition différente, Thésée et ses amis furent au contraire obligés de combattre pour rejoindre leur bateau, et, dans la mêlée, Astéries, le fils de Minos, trouva la mort.

Toutefois, il existe une interprétation rationnelle du mythe du Minotaure et des aventures crétoises de Thésée. D’après Philochoros, un historien athénien du IVe siècle av. J.-C., Thésée prit part aux jeux qui se tinrent à son arrivée dans l’île et, à l’épreuve de la lutte, il battit le champion local, fort impopulaire au demeurant, un nommé Tauros; ce dernier était également l’amant de Pasiphaé. Dans cette dernière version, Minos relâcha Thésée et ses compagnons, admirant la vaillance du héros, et content de voir Tauros humilié. Thésée et son équipage partirent donc sans encombres, emmenant Ariane avec eux. Leur première escale fut l’île de Dia (par la suite, Naxos), où ils jetèrent l’ancre; lorsqu’ils repartirent, Ariane resta sur l’île. Selon l’interprétation la plus ancienne, Thésée avait été en quelque sorte ensorcelé et aurait oublié la jeune femme. Toutefois, des auteurs plus récents attribuaient cet abandon à une pure traîtrise de la part de Thésée, qui était amoureux d’Aeglé, la fille de Panopée. Homère, sans être plus explicite, rapporte que Dionysos provoqua la mort d’Ariane en demandant à Artémis de la transpercer de ses flèches. Peut-être est-ce là une version primitive de la plus célèbre de ces légendes qui raconte qu’après le départ de Thésée, Dionysos lui-même vint à Dia et enleva Ariane sur son char merveilleux pour faire d’elle son épouse divine. Selon une interprétation rationnelle de l’événement, ce fut en réalité un prêtre du dieu, un certain Oenaros, qui prit Ariane pour femme, après que Thésée eut abandonné celle-ci pour une autre femme. On racontait parfois aussi que Dionysos et Thésée avaient combattu l’un contre l’autre pour la main d’Ariane. (Un auteur cypriote, Paeon, prétendait, lui, que le navire de Thésée avait été entraîné par une tempête jusqu’à Chypre et qu’Ariane, qui était enceinte et malade, fut transportée sur le rivage, mais le bateau fut immédiatement entraîné au large par un courant violent, et Thésée ne put aller chercher la jeune femme. Lorsque plus tard il revint à Chypre, il apprit qu’elle était morte en couches, avant d’avoir donné le jour à leur enfant.) Après Dia, l’escale suivante fut Délos, où les Athéniens inventèrent une danse sinueuse en souvenir de leurs aventures dans le Labyrinthe. De là, ils firent voile vers Athènes, mais Thésée, tout à la joie du retour, oublia de changer de voiles ; lorsque Egée aperçut le navire tant attendu, il crut que son fils avait péri et se jeta du haut des falaises (ou de l'Acropole). Thésée débarqua dans le port d’Athènes, Phalère, et acheva de remercier les dieux par des sacrifices avant d’apprendre la mort de son père. Puis il devint roi de l’Attique. Après avoir célébré les funérailles d’Egée, il réorganisa l’Attique en soumettant tous les villages à Athènes; c’est à partir de cette époque, dit-on, qu’Athènes, désormais la capitale de l’Attique, prit de l’importance. Ce fut également lui qui, selon la légende, donna à la ville le nom d’Athènes ; et en l’honneur de son éponyme, la déesse Athéna, il institua, dit-on, les Panathénées, cérémonies qui avaient lieu tous les quatre ans et auxquelles devait prendre part toute l’Attique. Il rattacha Mégare, ville qu’il enleva à son oncle Nisos, à son royaume, et fonda, ou remit en honneur les jeux Isthmiques à Corinthe, en l’honneur de Poséidon. Peu après, il hérita du royaume de Trézène, de son grand-père maternel, Pitthée. Après cela, il participa à une expédition contre les Amazones de Thémiscyra, sur la mer Noire. Là, il captura l’une des guerrières, Antiope, sœur d’Hippolyte, la reine des Amazones, ou bien, selon certaines variantes, il fit prisonnière Hippolyte elle-même. Soit l’Amazone était tombée amoureuse de lui, soit (dans une autre version), lorsque les guerrières lui envoyèrent des cadeaux d’amitié, il invita celle qui les lui apportait à monter à son bord et aurait alors levé l’ancre. Furieuses de cet enlèvement, les Amazones marchèrent contre l’Attique. Elles envahirent le royaume et attaquèrent la capitale elle-même; elles réussirent à occuper la colline de la Pnyx et assiégèrent l’Acropole. La bataille décisive eut lieu entre les deux collines, et Thésée fut vainqueur. Son adversaire, soit Hippolyte soit Antiope, s’enfuit à Mégare, où elle mourut. Un peu plus tard, la femme de Thésée — car ce dernier avait épousé sa prisonnière — donna le jour à un fils, Hippolyte, et mourut peu après. D’après une autre tradition, Thésée aurait capturé l’Amazone pendant la bataille de la Pnyx. On racontait aussi qu’Hippolyte était né avant l’assaut des Amazones contre Athènes et que sa mère avait été tuée par un javelot, en combattant aux côtés de Thésée. Enfin, on disait que Thésée s’était joint à l’expédition d’Héraclès au pays des Amazones ; ce dernier avait reçu l’ordre de son maître Eurysthée d’aller conquérir la ceinture de la reine des Amazones (neuvième épreuve). Thésée figure quelquefois sur la liste des Argonautes et parmi les chasseurs de Calydon. Il intervient à Thèbes après la défaite des Sept Chefs et oblige Créon à donner aux morts argiens une sépulture honorable. Il donna également asile à Œdipe et à sa fille Antigone, à Athènes ; il vint au secours du vieil homme lorsque les hommes de Créon tentèrent d’obliger Œdipe à quitter l'Attique et à revenir à Thèbes (pour qu’il donnât son appui à Etéocle, contre les Sept Chefs). Le plus grand ami de Thésée fut Pirithoos, le roi du peuple thessalien. Ayant entendu parler des exploits et de la réputation de Thésée, Pirithoos avait décidé de rencontrer le héros. Pour cela, il pilla les troupeaux de Thésée, à Marathon, et chassa les bergers, et lorsqu’il sut que Thésée le poursuivait, il fit volte-face pour l’affronter. Mais les deux héros ne combattirent pas. Pirithoos tendit la main au roi athénien, qui la prit, et, au lieu de punir Pirithoos, Thésée lui jura une amitié éternelle. Désormais, les deux amis accomplirent leurs exploits ensemble (par exemple, l’expédition au pays des Amazones et la bataille victorieuse de la Pnyx). Lorsque Pirithoos épousa Hippodamie, Thésée assista au mariage et aida son ami à se défendre contre les Centaures ivres qui voulaient enlever la mariée et les femmes lapithes invitées. Bien qu’il eût autrefois abandonné Ariane, l’une des filles de Minos, Thésée épousa plus tard la sœur d’Ariane, Phèdre. Minos était mort, et ce mariage scella l’amitié entre Thésée et Deucalion, qui avait hérité du trône de la Crète. Phèdre donna deux fils à son mari, Acamas et Démophon. Peu de temps après le mariage, Pallas et ses fils firent une ultime tentative pour reprendre le trône d’Athènes, mais Thésée tua Pallas et extermina les Pallantides. Puis, à la suite du meurtre de ses parents, il fut exilé d’Athènes pour un an. Il se rendit alors avec sa femme et ses enfants à Trézène, dont il était aussi le roi. Là, son fils Hippolyte exerçait le pouvoir en tant que vice-roi (ou bien il était élevé par son grand-père Pitthée). Hippolyte était un jeune homme timide et réservé, et un chasseur passionné ; il honorait donc tout particulièrement Artémis. L’idée du mariage lui faisait horreur et il méprisait le culte d’Aphrodite. Cependant, sa belle-mère, Phèdre, était tombée amoureuse de lui en le voyant à Eleusis, lorsqu’il était venu se faire initier aux Mystères. Maintenant qu’elle vivait si près de lui à Trézène, sa passion se raviva. Thésée quitta Trézène pendant quelque temps pour aller consulter l’oracle de Delphes. A son retour, la vieille nourrice de Phèdre, ayant pitié du désespoir de sa maîtresse, révéla à Hippolyte l’amour de sa belle-mère. Le jeune homme fut choqué et indigné, mais il jura de garder cette révélation secrète. Lorsqu’elle apprit qu’Hippolyte la méprisait, Phèdre se pendit en laissant à Thésée une lettre dans laquelle elle accusait le jeune homme de lui avoir fait violence. A son retour, Thésée trouva la lettre et la crut; il maudit son fils et demanda à Poséidon, qui lui avait un jour promis de réaliser trois de ses vœux, de faire périr Hippolyte. Puis il envoya son fils en exil, mais, alors qu’Hippolyte conduisait son char, le long de la côte de Tré-zène, un taureau monstrueux sortit des flots et effraya ses chevaux; le jeune homme fut précipité à terre et se tua. Thésée apprit plus tard par Artémis la vérité sur ce drame (d’après certains auteurs, Phèdre ne se serait suicidée qu’à ce moment). Thésée et Pirithoos, tous deux veufs à présent, promirent de s’aider mutuellement à conquérir des femmes dignes d’eux et de leur naissance, et tous deux choisirent des filles de Zeus. Ils allèrent tout d’abord à Sparte pour obtenir la main d’Hélène, la fille de Léda, pour Thésée. (D’après Plutarque, les deux rois tirèrent la main d’Hélène au sort entre eux deux.) Bien qu’elle n’eût que douze ans, cette dernière était déjà célèbre pour sa beauté. Ils la trouvèrent exécutant une danse dans le temple d’Artémis et l’enlevèrent; puis ils l’emmenèrent à Aphidna, en Attique, et la laissèrent à la garde d’Aethra, la mère de Thésée, en attendant que la jeune fille fût en âge d’épouser le roi d’Athènes. Puis ce fut au tour de Pirithoos de choisir une femme ; son choix se porta sur Perséphone, la femme d’Hadès. Pirithoos et son ami descendirent jusqu’aux Enfers où Hadès, apparemment, les reçut avec respect. Il les invita à s’asseoir, et les deux visiteurs se retrouvèrent attachés à leur siège; de plus, ils oublièrent qui ils étaient, car ils étaient assis sur les «Chaises d’Oubli». Pirithoos y demeura éternellement lié et, selon une tradition rapportée par Virgile, Thésée le fut aussi. Mais dans la version la plus célèbre, ce dernier fut délivré peu après par Héraclès, qui était venu chercher Cerbère. Thésée passait pour avoir abrité Héraclès, après que celui-ci eut tué ses enfants à Mégare, dans une crise de folie. Lorsque Thésée revint à Athènes, il trouva la situation fort mauvaise; il s’aperçut, en outre, qu’il était devenu très impopulaire. Les Spartiates, conduits par les Dioscures, les frères d’Hélène, avaient envahi l’Attique pour délivrer leur sœur; ils avaient pris Aphidna, et avaient emmené Aethra avec eux. Athènes était tombée aux mains de Ménesthée, un descendant d’Erechtée, et les fils de Thésée, Acamas et Démophon, s’étaient réfugiés sur l’île d’Eubée. Obligé de s’exiler d’Athènes, Thésée décida de s’établir à Scyros, où il possédait des domaines hérités de son grand-père Scyrios (selon une version où Egée, le père de Thésée, est le fils de Scyrios et non de Pandion). Le roi de Scyros, Lycomède, l’accueillit apparemment avec bienveillance, mais il était secrètement terrifié par la présence d’un homme aussi puissant et dangereux pour son trône. Un jour, il emmena Thésée au sommet d’une falaise, prétendant qu’il voulait lui montrer ses domaines, et il le poussa traîtreusement dans le vide. Ainsi mourut le plus célèbre héros athénien et le fondateur légendaire de la capitale attique. Ménesthée continua à régner sur Athènes jusqu’à la guerre de Troie, pendant laquelle il fut tué. Démophon, le fils de Thésée, ayant délivré Aethra lors du sac de Troie, revint à Athènes et hérita du royaume de son père. Vers 475 av. J.-C., le général athénien Cimon ramena de Scyros les cendres de Thésée et les ensevelit dans un temple consacré au héros ; les Athéniens croyaient que le héros leur avait porté secours à la bataille de Marathon en 490 av. J.-C. THÉTIS. Thétis est une Néréide (nymphe de la mer). Bien qu’elle fût une divinité marine, elle fut élevée sur l’Olympe par Héra, qu’elle aima toujours tendrement. Lorsque Héra précipita son fils Héphaïstos du haut de l’Olympe, honteuse d’avoir un enfant boiteux, Thétis, revenue dans les profondeurs de la mer, et sa sœur Eurynomé, recueillirent le nouveau-né. Héphaïstos demeura neuf ans dans le palais aquatique des deux Néréides. Mais Thétis prit le parti d’Héra lorsque le jeune dieu complota, en compagnie de Poséidon et d’Athéna, de détrôner Zeus et de l’emprisonner. Thétis eut vent de la conspiration et se rendit dans le Tartare pour demander l’aide de Briarée. Il était le seul Hécatonchire à être resté fidèle à Zeus; il sut délivrer ce dernier de ses assaillants. Lorsque Dionysos fut attaqué par Lycurgue sur le mont Nysa, le jeune dieu sauta dans la mer et y fut recueilli et abrité par Thétis pendant un moment; reconnaissant, Dionysos lui fit présent d’une coupe ou d’un vase d’or. Thétis était célèbre pour sa beauté remarquable, et Zeus et Poséidon se disputaient tous deux sa main. Toutefois, les Destinées avaient décidé que le fils de Thétis serait plus puissant que son père. Prométhée le savait, l’ayant appris de sa mère, la Titanide Thémis, mais il refusa de révéler ce secret à Zeus avant que le dieu eût ordonné de le délivrer du rocher, situé aux confins de la terre, ou bien dans le Tartare, sur lequel il subissait son châtiment. Zeus consentit enfin à libérer Prométhée et apprit ainsi qu’il avait frôlé le désastre, car, selon une version de l’oracle, le fils né de Thétis l’aurait détrôné comme lui-même avait détrôné son père Cronos. Zeus, en conséquence, décida de marier le plus rapidement possible Thétis à quelqu’un de peu puissant. Son choix tomba sur le mortel Pélée qui, bien que peu célèbre, était très apprécié des dieux. Auparavant, toutefois, le fiancé devait attraper sa promise, car Thétis n’était pas prête à se soumettre à la décision de Zeus. Chiron avertit Pélée que, comme toutes les divinités marines, Thétis possédait le don de se transformer, et qu’elle ferait tout pour lui échapper. Pélée trouva la déesse se reposant dans une grotte située sur la côte de Magnésie et fondit sur elle. Il la tint fermement pendant qu’elle se transformait en eau, en flammes, en animaux féroces et en créatures marines effrayantes, jusqu’à ce qu’elle l’eût accepté pour époux. Tous les dieux furent invités au mariage et, par respect pour Thétis, tous vinrent, apportant avec eux de merveilleux présents. Seule Eris (la Discorde) ne fut pas invitée, par prudence; mais la déesse vint quand même et lança parmi les invités la pomme de discorde qu’Hëra, Athéna et Aphrodite se disputèrent, car elle était dédiée à la plus belle des déesses. Pendant quelque temps, Thétis vécut auprès de Pélée, et fut pour son mari une épouse accomplie; d’après certaines versions, elle lui donna sept fils. Elle plongea les six premiers clans le feu, ou dans l’eau bouillante, pour savoir s’ils avaient hérité de son immortalité. Mais aucun ne surmonta l’épreuve ; Pélée réussit enfin à la convaincre d’épargner le septième, Achille, qui fut alors élevé comme un mortel. Beaucoup d’auteurs ne nomment qu’Achille, ignorant les six autres fils ; ils rapportent en outre que Thétis avait coutume de placer son fils dans le feu pendant la nuit afin de le dépouiller de ses éléments mortels, et qu’elle l’oignait d’ambroisie dans la journée, pour le rendre immortel. Une nuit, Pélée trouva son fils couché sur des braises et en fut si furieux, ou désespéré, que Thétis le quitta et retourna vivre dans la mer. D’après une tradition différente sur la petite enfance d’Achille, Thétis plongea son fils dans le Styx pour le rendre invulnérable, mais elle oublia de tremper aussi le talon par lequel elle tenait l’enfant. Lorsque l'Argo, sur lequel s’étaient embarqués Pélée et les Argonautes, se trouva en grand danger devant les écueils mobiles, les Symplégades, Thétis et les Néréides conduisirent le navire pendant la périlleuse traversée. Thétis veilla constamment sur Achille, pendant la courte vie du jeune héros; elle savait que son fils était destiné à mourir tôt. Elle fit tout son possible pour le tenir éloigné de la guerre de Troie, le dissimulant parmi les filles de Lycomède, le roi de Scyros. Devant la colère d’Achille, lorsque Agamemnon enleva au jeune guerrier sa concubine Briséis, Thétis demanda à Zeus, pour venger son fils, de faire tourner la victoire du côté des Troyens, afin qu’Agamemnon suppliât Achille de revenir au combat. Elle le réconforta au moment de la mort de Patrocle et lui fit fabriquer une autre armure par Héphaïstos pour remplacer celle qu’il avait prêtée à son ami, et que l’ennemi avait prise. Lorsque Achille fut tué, Thétis et les Néréides se lamentèrent sur son corps en poussant des cris si terribles que les soldats grecs s’enfuirent, terrorisés. Après ses funérailles, la déesse plaça ses cendres dans le vase d’or que Dionysos lui avait offert et mit le vase dans la tombe. Selon certaines légendes, elle rendit alors Achille immortel et l’emmena vivre sur l’île de Leucé, sur la mer Noire, où, plus tard, il épousa Hélène, tandis que Thétis elle-même vivait auprès de Pélée, à qui elle avait également accordé l’immortalité.

THÉSÉE. Dans l'Antiquité, roi légendaire d'Athènes, fils de Poséidon et d'une mortelle. Adopté par Égée, roi d'Athènes, il accomplit des exploits extraordinaires. Il réussit à tuer le Minotaure, monstre à corps d'homme et à tête de taureau auquel Athènes devait donner en pâture chaque année sept jeunes filles et sept jeunes gens. Aidé d'Ariane, il réussit à sortir du Labyrinthe. Thésée, devenu roi, réunit les bourgades de l'Attique pour en faire une seule cité.


Thésée. Héros national athénien, fils du roi d'Athènes Égée (ou du dieu de la Mer, Poséidon) et d'Æthra, fille du roi de Trézène. Il est représenté comme le contemporain et l'ami d'Héraclès (appartenant donc à la génération précédant la guerre de Troie), dont il égala souvent les exploits. Élevé par sa mère à Trézène, il ignorait tout de sa naissance. Égée avait en effet quitté Æthra en lui demandant de ne rien lui révéler avant qu'il ne soit capable de soulever le rocher sous lequel il avait placé son épée et ses sandales. Parvenu à l'âge d'homme, Thésée souleva sans peine le rocher et décida de rapporter les trophées à son père. Il prit le chemin d'Athènes, par voie de terre, la plus dangereuse, et tua successivement plusieurs bandits et monstres, dont Procuste, Sciron, et Sinis qui avait coutume d'attacher les membres de ses victimes aux branches de deux pins, dont il avait préalablement rapproché les sommets; puis il libérait les arbres qui s'écartaient brusquement, écartelant ainsi ses victimes ; de toute évidence, ces aventures ont été influencées par celles d'Héraclès. À son arrivée à Athènes, Médée (voir argonautes) qui s'était réfugiée auprès d'Égée, comprit aussitôt qui était Thésée et tenta de le faire disparaître en convaincant Égée de l'envoyer combattre le taureau de Marathon, selon certaines sources, ou le taureau de Pasiphaé apporté de Crète par Héraclès, selon d'autres. Sur la route de Marathon, il reçut l'hospitalité d'une vieille femme, Hécalé, qu'il trouva morte lorsqu'il revint après avoir capturé le taureau. Il ordonna alors que sa mémoire soit honorée. De retour à Athènes, où Médée tenta de l'empoisonner, Thésée se fit reconnaître à temps par son père. Médée fut chassée et contrainte de retourner en Colchide avec Médos, le fils qu'elle avait eu d'Égée. Ayant eu connaissance du tribut que le roi de Crète, Minos, avait imposé à Athènes — sept jeunes gens et sept jeunes filles devaient être envoyés dans l'île tous les sept ans pour y être dévorés par le Minotaure, Thésée se porta volontaire pour s'embarquer avec les victimes. Se rendant en Crète, il prouva qu'il était le fils de Poséidon en plongeant dans la mer pour retrouver l'anneau d'or que Minos avait jeté afin de le mettre à l'épreuve. Grâce au fil d'Ariane, il tua le Minotaure et put sortir du labyrinthe. Il enleva Ariane et s'embarqua pour Athènes avec les autres jeunes athéniens. II abandonna Ariane à Naxos et navigua jusqu'à Délos, où il exécuta pour la première fois, avec ses compagnons, la danse de la Grue qui symbolisait, par ses figures compliquées, la sortie du labyrinthe. Il reprit la mer, mais oublia de hisser la voile blanche. Égée, voyant les voiles noires crut que son fils avait péri et, de désespoir, se précipita dans la mer qui aurait prit son nom en sa mémoire. Devenu roi, Thésée eut un rôle politique important. En réunissant différentes bourgades attiques (synoecisme), il assura l'unité de la cité. Cet événement est parfois tenu pour historique, mais sa date précise dans l'histoire d'Athènes est inconnue. Puis il participa avec Héraclès à l'expédition contre les Amazones et prit Antiope (ou la reine Hippolyte) pour épouse. Les Amazones ripostèrent en envahissant l'At-tique et en assiégeant l'Acropole afin de la délivrer, mais elles furent vaincues et mises en déroute. Lorsque Piri-thoos, roi des Lapites, envahit Marathon, il rencontra Thésée qui devint son ami. Thésée, présent à ses noces, participa au combat qui suivit entre les Centaures et les Lapithes. Plus tard, il participa à l'expédition de Pirithoos au royaume des Ombres afin de s'emparer de Perséphone. Il fut alors délivré par Héraclès, qui lui donna asile après avoir tué, dans un accès de folie, sa femme et ses enfants. Il aurait également enlevé Hélène enfant, mais elle aurait été délivrée par ses frères Castor et Pollux. Lorsque Créon refusa une sépulture aux Sept chefs (voir sept contre thèbes, les), Thésée prit le parti d'Adraste et des chefs argiens et marcha contre Thèbes pour enterrer les corps. Plus tard, il offrit l'hospitalité à oedipe. Après la mort de sa première femme dont il avait eu Hippolyte, il épousa Phèdre, soeur d'Ariane. Thésée, à son retour des Enfers, fut chassé d'Athènes par une révolte ; il se réfugia à Scyros où il mourut ou fut assassiné. Il continua pourtant à protéger la cité; les Athéniens le virent sous l'apparence d'un géant lors de la bataille de Marathon (490 av. J.-C.). En 475 av. J.-C., après les guerres médiques, Cimon, avec l'appui de l'oracle, rapporta de Scyros les ossements qui étaient considérés comme ceux de Thésée, et les fit ensevelir dans un sanctuaire d'Athènes, le Théséion, où Thésée reçut le culte dû à un héros. Le Théséion se trouvait au sud de l'agora, non loin de l'endroit où fut érigé plus tard le gymnase des Ptolémées; c'était à l'origine, semble-t-il, un édifice à ciel ouvert qui aurait été couvert au ive siècle av. J.-C. Thésée, personnage très probablement purement légendaire, était considéré par les Athéniens comme l'un de leurs premiers rois. Plutarque écrivit une Vie de Thésée, où il réunit les différentes légendes.


L’accès de Thésée au trône d’Athènes pour succéder à son père Égée marque la fin de l’hégémonie crétoise sur le monde méditerranéen ainsi que le début de l’autonomie et de la puissance de l’Attique. De fait, Thésée incarne le chef d’État responsable : volontaire pour rejoindre les jeunes Athéniens sacrifiés au Minotaure crétois, il terrasse le monstre avec l’aide de la fille aînée du roi Minos, Ariane, et débarrasse ainsi les Grecs d’un lourd tribut. Mais sur le chemin du retour, après avoir abandonné Ariane sur l’île de Naxos, il oublie de changer ses voiles noires, symboles de deuil, en voiles blanches, signes de la victoire. De loin, le vieil Égée qui guette le retour de son fils croit que ce dernier a échoué dans son entreprise et, de désespoir, se suicide. Au pouvoir, Thésée fait preuve de sagesse et de justice ; il accueille Œdipe au terme de son errance expiatrice, et lui offre à Colone la sépulture à laquelle il aspire. Mais la sagesse du monarque contraste avec les frasques de l’homme et du séducteur, qui abandonne Ariane pour sa jeune sœur Phèdre, qu’il trompe à son tour auprès de la reine des Amazones. Avec Thésée s’engage aussi une première réflexion sur les contradictions qui travaillent un homme public dans ses passions privées : les héros sont-ils toujours héroïques pour leurs proches ? « Les héros ne sentent pas bon », écrit Flaubert, signalant par là qu’il ne faut pas s’en approcher, faute d’être incommodé. L’héroïsme est un spectacle à voir « de loin ».

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