THÉÂTRE (étymologie)
THÉÂTRE vient, par le latin theatrum, du grec theatron = «lieu d'où l'on assiste à un spectacle», sur le verbe theaesthai = «contempler» ; thea = «action de regarder». Dans le mot théâtre, rien ne justifie l'accent circonflexe si ce n'est une confusion avec les suffixes en -âtre mais ceux-ci ont plutôt une valeur péjorative inattendue ici. Un amphithéâtre est un «édifice circulaire à gradins» (sur amphi - « autour »). Mots de la famille de théâtre : théâtral, théâtraliser.
THEATRE nom masc. - Genre littéraire consistant à faire représenter sur une scène un texte dialogué joué par des acteurs. ÉTYM. : du grec theatron - « le lieu d’où l’on regarde (de theomai - « je regarde », « je suis spectateur »). Le théâtre se distingue des autres genres littéraires comme le roman ou la poésie par le fait que l’œuvre ne se réduit pas au texte : il est certes possible de la lire, et certaines pièces importantes - Le Soulier de satin de Claudel ou les textes qui composent Un spectacle dans un fauteuil de Musset - ont été présentées sous forme de livre avant d’avoir été effectivement montées. Cependant, l’œuvre théâtrale ne prend sa véritable dimension que lorsqu’elle est présentée sur une scène. D’où un certain nombre de caractéristiques qui font la spécificité du théâtre : la présence d’individus en chair et en os (les acteurs) évoluant dans un espace à part (la scène avec son décor), se faisant les porte-parole d’un texte tout en se soumettant à la lecture qu’en propose le metteur en scène ; tout cela se déroulant sous les yeux d’un public. De la réunion de tous ces éléments peut naître une impression de réalité dont certains dramaturges ont joué : le spectacle est doté d’une présence et d’une immédiateté qui font inévitablement défaut au texte écrit. Mais, à l’inverse, lorsque l’on assiste à une pièce de théâtre, on peut tout aussi bien être frappé par les inévitables conventions qui accompagnent toute forme de représentation. C’est pourquoi, au théâtre, selon un mot de l’écrivain argentin Borges, on trouve des individus qui font semblant d’être d’autres qu’eux-mêmes (les acteurs) devant d’autres individus qui font semblant de les prendre pour ceux-ci (les spectateurs). Le théâtre serait impossible sans cette illusion partagée. La fonction du théâtre n’est pas radicalement différente de celle des autres genres littéraires. Le théâtre entend divertir ou convaincre, plaire et éduquer ; il représente la réalité, mais soumet celle-ci à une stylisation qui, lui donnant forme et cohérence, la fait accéder au rang d’œuvre d’art. Pour parvenir à ses fins, il dispose d’un langage propre qui pose des problèmes spécifiques. Ce langage n’est pas seulement celui des mots, mais il utilise aussi celui des gestes et des signes (costumes, décors, mouvements, musique, etc.), d’où la question de savoir si le théâtre doit être d’abord un texte parlé (comme chez Racine ou Claudel) ou s’il doit mettre l’accent sur les moyens d’expression qui lui appartiennent en propre (Artaud). Le langage théâtral, de plus, ne peut aller aussi loin que le roman dans la peinture des personnages ou dans la description des situations : ainsi que le souligne Ionesco, il est contraint à une certaine forme de simplicité et doit souvent se résoudre au stéréotype. Faut-il dans ces conditions jouer à fond la carte de la caricature et de la charge comme nous y invite le nouveau théâtre ou faut-il se risquer sur scène à l’analyse psychologique ou au débat philosophique ? Enfin, le langage du théâtre est par nature un langage qui s’adresse non pas au lecteur dans la solitude mais au groupe, à la collectivité. Quelle doit être, dans ces conditions, sa fonction ? Doit-il être au service de la catharsis, permettre à l’individu de se libérer des passions qui menacent la collectivité en s’identifiant aux personnages malheureux de la tragédie comme nous y invite l’esthétique antique ? Doit-il, à l’inverse, provoquer une prise de conscience de nature critique et politique comme le veulent Brecht et les dramaturges engagés ? Le théâtre, par son origine, est religieux. Il naît en Grèce d’une célébration du culte de Dionysos, puis d’autres dieux et héros. Il renaît au Moyen Âge dans les églises puis devant les églises. Il en a gardé un caractère de célébration, de liturgie ou, idéalement, devrait l’avoir gardé. Aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner de tout ce qui est conventionnel (des jeux de scène à la diction) dans cette manifestation essentiellement symbolique.
—> Catharsis - Miracle - Mystère - Scène
théâtre. Le théâtre est une des principales manifestations de la vie publique grecque. Depuis ses origines, au vie s. av. J.-C., jusqu’à l’époque hellénistique le théâtre resta une manifestation religieuse avant de devenir un délassement profane. À l’origine, le théâtre se composait uniquement de l’orkhèstra, place circulaire sur laquelle évoluaient les chœurs autour de l’autel de Dionysos (thymelè). Les spectateurs se rangeaient tout autour, mais l’introduction d’un acteur, au vie s. av. J.-C., fit qu’il se tint face au chœur et aux spectateurs, et qu’il eut derrière lui la skènè, estrade sur laquelle les acteurs semblent n’être montés qu’à l’époque hellénistique. Pour contenir un plus grand nombre d’acteurs par-delà le cercle de l’orkhèstra, on établit des gradins en demi-cercle, qui formèrent le theatron (la cavea des Latins), c’est-à-dire l'endroit d’où l’on regarde. C’est ainsi que se constitua l’architecture du théâtre ; cependant, ce n’est qu’à l’époque hellénistique qu’on éleva les beaux monuments de pierre qu’on peut admirer encore de nos jours; les théâtres classiques étaient généralement en bois. On jouait dans les théâtres les tragédies, les comédies et les drames satyriques, mais on y donnait aussi des auditions lyriques et musicales —> musique; c’est par l’acoustique nécessaire dans ces occasions qu’on explique la grande hauteur des murs du proskênion. Manifestations religieuses, les représentations théâtrales, à l’époque hellénistique, avaient lieu à Athènes lors des grandes fêtes de Dionysos : aux Lénéennes, aux Dionysies urbaines et champêtres. Les poètes qui voulaient concourir se présentaient à l’archonte qui sélectionnait les œuvres représentées ; même des poètes étrangers avaient le droit de concourir. Les acteurs étaient choisis par les poètes, mais on organisa des concours d’acteurs à partir de 449 av. J.-C. Les frais d’organisation des chœurs revenaient aux chorèges. Les femmes étaient admises aux représentations, qui commençaient avec le lever du jour et se terminaient dans le courant de l’après-midi, ce qui fait qu’on buvait et qu’on mangeait dans le théâtre ; les chorèges faisaient parfois les frais des rafraîchissements publics. Le prix des places était de 2 oboles, mais le théoricon, sur lequel on prélevait le prix de leur entrée, permettait aux pauvres d’assister aux représentations; chaque spectateur recevait un jeton (symbolon), sur lequel était marquée sa place. Des places d’honneur étaient réservées aux prêtres et aux prêtresses de Dionysos, aux archontes, aux proèdres, à des étrangers et à des citoyens qu’on voulait honorer. Comme les représentations ne se passaient pas sans disputes et sans cris, des rhabdouques, armés de bâtons, étaient chargés d’assurer la police. Trois prix étaient distribués, aux chorèges, aux poètes et aux acteurs, ces derniers, poètes et acteurs, recevant une somme d’argent à côté de la couronne de lierre. Les prix étaient tout d’abord décernés par l’ensemble des spectateurs, mais, par la suite, la boulê et les chorèges furent chargés de dresser une liste de juges qui devaient choisir les vainqueurs à la majorité des voix. Les noms du poète victorieux, des acteurs et de l’archonte, les titres des pièces primées, étaient inscrits sur des procès-verbaux (didascalies) qui étaient conservés dans des archives ; on les gravait aussi sur des stèles de pierre ou de marbre, dont on a retrouvé un grand nombre d'exemplaires au voisinage des théâtres.