TENNYSON Alfred
TENNYSON Alfred, premier Lord du nom. Ecrivain anglais. Ne à Somersby (Lincolnshire) le 6 août 1809, mort le 6 octobre 1892 à Aldworth, Surrey). C’était le quatrième fils d’une famille de douze enfants et son père, pasteur anglican, exaspéré par les difficultés financières, avait un caractère mélancolique et irritable qui troublait souvent la vie familiale et dont héritèrent la plupart de ses fils. Tennyson dut beaucoup à l'éducation littéraire que lui donna son père et fut de bonne heure en possession d’une excellente technique de versificateur en même temps que d’un riche vocabulaire poétique. La Femme et le diable [The Devil and the Lady], écrit en « blank verses » aux environs de 1823, témoigne déjà de ces diverses connaissances et révèle une certaine aptitude à la réflexion philosophique. Les poèmes appartenant à cette période parurent dans son premier livre anonyme : Poèmes composés par deux frères [Poems by Two Brothers, 1827] auquel collaborèrent ses frères Frederick et Charles. Alfred Tennyson entra, en 1828, au Trinity College de Cambridge et y mûrit ses dons poétiques sous l’influence d’un groupe d’amis et d’admirateurs enthousiastes qui comprenait notamment W. E. Gladstone et A. H. Hallam. C’est avec leurs encouragements qu’il publia, en 1830, Poésies, surtout lyriques, recueil qui contient : Souvenirs des mille et une nuits, Mariana, La Ballade d’Oriane et de nombreux autres poèmes qui, s’ils sont loin encore d’atteindre à la perfection dont Tennyson se montrera plus tard capable, révèlent toutefois, par leurs essais métriques, une liberté nouvelle d’expression. Le livre reçut un accueil discret, mais les revues critiques les plus influentes traitèrent avec mépris les Poèmes qui parurent ensuite en 1833 et qui apportaient pourtant les preuves indiscutables d’une plus grande maturité, aussi bien dans le domaine fantastique que dans le domaine technique, avec des œuvres comme Œnone, Les Mangeurs de lotus, Le Palais de l’art et La Dame de Shalott. Cet insuccès fut pour lui un coup terrible parce qu’il n’était pas alors en état de le supporter. La mort de son père, survenue en 1831, avait entraîné la division de sa famille et l’avait obligé à quitter Cambridge sans avoir eu le temps d’obtenir son doctorat. Le pire fut encore la mort inattendue, en 1833, de son ami Hallam qui était devenu le fiancé de sa sœur. Ces diverses épreuves qui assombrirent toutes ces années s’accrurent par suite de la rupture de ses fiançailles avec Emily Shellwood, rupture occasionnée par la complète faillite de tous ses placements. Sa renommée grandissait pourtant, et il trouva le courage de revoir ses poèmes de 1830 et de 1833 dont il publia un choix, en 1842, en même temps que paraissait un nouveau volume qui comprenait entre autres : Locksley Hall, Ulysse et la première des Idylles du Roi : La Mort d’Arthur. Quelques amis lui firent obtenir, en 1845, une pension pour mérites civils qui lui permit de faire face à ses besoins les plus pressants tandis que le lent mais encourageant succès de ses Poèmes de 1842 l’aidait à conduire à bonne fin la composition de La Princesse (1847), petit poème qui traite de la situation de la femme dans le monde moderne. Tennyson n’avait cessé, au cours de toutes ces années, de méditer sur la mort d’Hallam et avait noté de temps à autre ses réflexions sous forme élégiaque. Il rassembla ces élégies, les classa et les publia en 1850 sous le titre In memoriam. Peu avant cette publication, il avait renoué ses fiançailles avec Emily Shellwood et l’avait épousée, retrouvant ainsi un bonheur qui fut non seulement couronné par l’énorme succès de son livre mais aussi par sa nomination à la charge de poète officiel, laissée vacante par la mort de Wordsworth. Ses ouvrages suivants ne furent pas toujours accueillis avec faveur et la critique attaqua en particulier sa grande Ode pour la mort de Wellington (1852), sa première œuvre de poète officiel, et Maud (1855), mais sa renommée et la vente de ses livres ne cessèrent de croître. Enoch Arden (1864) fut son plus grand tirage. Les petits poèmes en prose sur la mort du Roi Arthur, qui composent ses Idylles du Roi auxquelles il travailla près de trente ans, connurent un succès presque égal. Il était désormais devenu une sorte destitution nationale, position que vint confirmer, en 1884, sa nomination au titre de Lord. Il entreprit d’écrire pour le théâtre à partir de 1874, mais La Reine Mary [Queen Mary, 1874] n’eut aucun succès; les deux drames Harold (1877) et Becket (1884) ne furent jamais représentés de son vivant. La composition de ces œuvres et celle de : Le Faucon [The Falcon], La Promesse de mai [The Promise of May] et La Coupe [The Cup] — représentés respectivement en 1879, 1882 et 1884 — occupèrent la majeure partie des dernières années de sa vie, mais n’épuisèrent pas toute son énergie créatrice puisque, quelques semaines avant sa mort, il était en train de corriger son dernier volume : La Mort d’Œnone [The Death of Œnone, 1892]. Doté de dons multiples, admirable tant par la variété que par la perfection de sa versification, Tennyson fut pour sa génération l’interprète des mythes classiques et des mythes médiévaux. Il fut le peintre sentimental des humbles scènes de la vie quotidienne et, versé dans les spéculations philosophiques et scientifiques du temps, sut donner une forme, spécialement dans son In Memoriam, aux perplexités du laïque qui cherche à concilier les théories nouvelles et les antiques croyances. Il fut à ce point un homme de son temps que sa célébrité s’éteignit presque avec la montée de la génération suivante, mais son nom n’a cessé de s’imposer à nouveau au fur et à mesure que s’est fait jour une meilleure compréhension de l’époque victorienne.
♦ « C'est un homme solitaire et triste qui transporte avec lui un morceau du Chaos qu'il est en train de transformer en Cosmos. » Carlyle. ♦ « Sincèrement, je considère Tennyson comme le plus grand poète qui ait jamais existé. » E. A. Poe. ♦ « C'est le grand patron. » Walt Whitman. ♦ « Tennyson nous donne des descriptions de la nature qui ne peuvent être facilement surclassées, mais il les choisissait comme un paysagiste, plutôt que comme un poète. Il montrait surtout un amour abstrait du beau qui n'était jamais aussi réussi que lorsqu'il décrivait non pas la nature mais l’art. Il était capable de décrire une statue comme Shelley pouvait décrire un nuage. » G.K. Chesterton. ▼ « Je le soupçonne d'être un adorateur exclusif de la beauté. » T. S. Elliot.