TECHNIQUE, TECHNOCRATIE, TECHNOLOGIE

♦ Au sens ancien, le substantif technique désigne l’ensemble des procédés d’un métier ou d’un art, codifiés et transmissibles, qui permettent d’obtenir un effet jugé utile. Dans la philosophie moderne, la technique évoque plutôt un ensemble de procédés déduits d’une connaissance scientifique et permettant d’en opérer des applications. Plus spécifiquement, c’est, en esthétique, l’ensemble des procédés relatifs à une certaine forme d’art ou à un artiste. Parallèlement, l’adjectif s’applique à ce qui est relatif au métier (manuel en particulier), par opposition à la connaissance théorique, ou, en esthétique, au sujet de l’œuvre. Il qualifie également ce qui, dans le langage, se distingue du vocabulaire courant (par exemple, on évoque le vocabulaire technique de la philosophie).

♦ On appelle technologie l’étude des procédés techniques (outillage, matériaux, etc.) dans leur relation avec le développement d’une civilisation. Plus précisément, c’est l’approche théorique d’une technique particulière (agriculture, électronique, informatique...).

♦ Historiquement, la technocratie fut, aux États-Unis, une théorie socio-politique d’après laquelle les personnes compétentes pour prendre des décisions concernant l’ensemble d’une société devraient être les spécialistes des différentes formes de savoir scientifique, en particulier les économistes - cf. James Bumham : The Managerial Révolution (1941), traduit sous le titre L’Ère des organisateurs.

De là, le terme a pris un sens fréquemment péjoratif, pour désigner plus généralement le pouvoir effectif exercé, soit au niveau de l’entreprise, soit à celui de l’État, par les hauts fonctionnaires ou par les coordinateurs des techniciens.

TECHNOCRATIE, n. f. (à partir de la racine grecque kratos, «pouvoir». Littéralement, «pouvoir des techniciens»).

1° Système politique dans lequel les détenteurs de compétences techniques, les experts économiques, les hauts fonctionnaires exercent une influence déterminante sur les responsables politiques légitimement élus, ou officiellement au pouvoir. Le phénomène technocratique provient de la complexité des sociétés modernes : leurs lois économiques, le tissu industriel, les secteurs technologiques de pointe, ne semblent pouvoir être compris et gérés que par des spécialistes d’un savoir que n’ont pas les gouvernants ou les responsables politiques en place. Ceux-ci s’en remettent donc à la compétence des experts et autres «technocrates», dont ils suivent les avis scrupuleusement. Ainsi le pouvoir réel passe-t-il aux mains de ceux qui constituent les dossiers, font des rapports «techniques», préconisent des solutions «obligatoires», ou qui, à la tête de sociétés d’importance internationale, prennent des décisions qui s’imposent aux gouvernements légitimes.

2° Classe des technocrates qui, sortis de grandes écoles d’ingénieurs ou munis de diplômes prestigieux dans différents domaines du savoir (technique, politique, économique), sont situés dans les grands corps de l’État, aux rouages essentiels du pouvoir, dont ils déterminent les décisions. Une technocratie financière décide de la politique économique de l’État. Dans ce sens, on parle aussi de technostructure.

N.B. Les mots technocratie, et surtout technocrate, sont souvent employés péjorativement. On accuse le technocrate de décider sur dossier, au lieu d’être à l’écoute des réalités et des hommes (contrairement à «l’homme de terrain »), et d’agir clandestinement sur la marche de la société, hors de tout contrôle démocratique.

TECHNOLOGIE, n. f. 1° Étude scientifique des techniques. 2° Ensemble de techniques appropriées à un domaine industriel, à la production ou à la fabrication d’un matériel donné, d’un type d’énergie, d’objets particuliers, etc. Le mot technologie, plus prestigieux que le mot technique, est parfois employé comme synonyme de ce dernier. Il y a pourtant une nuance : une technologie regroupe un ensemble de techniques : une technologie de pointe ; la technologie des engins spatiaux.