Databac

Tassilon III (v. 742-v. 794) ; duc de Bavière [749-788].

Tassilon III (v. 742-v. 794) ; duc de Bavière [749-788]. La légende bavaroise veut que le dernier duc indépendant de Bavière de la famille des Agilolfing ait perdu son royaume au profit du roi des Francs après une bataille sanglante. Mais l'histoire n'a pas accordé une fin aussi honorable à ce souverain pourtant doué. Lorsque le duc Odilon meurt en 748, il ne laisse pas un héritage facile à T., son fils de sept ans. Les tentatives anciennes de sa famille pour se libérer de la domination franque semblent avoir atteint leur but à l'époque du déclin du pouvoir mérovingien après la mort du roi Dagobert Ier. Le duc Théodon (v. 717) avait certes vivement encouragé l'activité des forces missionnaires franques en Bavière (Ruprecht à Salzbourg, Corbinien à Freising, Emmeran à Ratis-bonne, la capitale) et, par leur intermédiaire, instauré l'esquisse d'une organisation ecclésiastique, mais il avait ensuite visiblement décidé de ne pas constituer l'Église bavaroise avec l'appui de l'Église franque, mais selon le modèle et avec l'aide de l'Église romaine, procédé encore tout à fait inhabituel sur le continent au nord des Alpes, allant jusqu'à se rendre en personne à Rome (716); il n'avait pas non plus négligé l'appui des Lombards et de leur roi Liut-prand. Sans aucun doute en opposition délibérée aux tendances franques, les successeurs de Théodon reprennent ce projet qui ne se réalise tout d'abord pas. Car en deux campagnes militaires (725, 728) le maire du palais franc, Charles Martel, pour la première fois depuis Dagobert, rappelle l'idée que les Francs dominent la Bavière et la met bientôt en pratique en intervenant dans les problèmes de succession au trône de Bavière vers 736. Installé par Charles, le duc Odilon [737-748], d'origine alamane mais lié aux Agilolfing, s'oppose très vite à son protecteur. En qualité de premier souverain des Alpes du Nord, Odilon fait organiser et réformer en 738-739 l'Église bavaroise selon le modèle romain par Winfrid-Boni-face, qui agit en tant que légat du pape ; soutenu par le Saint-Siège, il prend part au grand mouvement de révolte contre la domination franque après la mort de Charles Martel. Sa défaite cuisante devant Carloman et Pépin (743) met fin pour un temps à tous ses projets d'indépendance. Après sa mort, son jeune fils T. tombe sous la tutelle du souverain franc, Pépin ; en s'alliant en 754 avec l'Église romaine, Pépin enlève aux Agilolfing l'un de leurs soutiens les plus importants ; en battant les Lombards, il met pour la première fois en échec leurs alliés les plus proches. En tant que vassal de Pépin, T. reçoit son territoire en bénéfice, des mains de celui-ci, en 757, au palais de Compiègne. Il rompt son serment de fidélité quelques années plus tard en désertant l'armée franque lors d'une campagne en Aquitaine (763). Laissé en paix par Pépin, qui est retenu ailleurs, T. déploie alors une activité impressionnante dans le domaine de la législation ecclésiastique et laïque, au reste dans le style et sous l'influence de la législation franque ; le droit national bavarois, mis par écrit depuis longtemps, est amélioré et complété. T. encourage davantage encore que ses prédécesseurs l'expansion de l'Église catholique, spécialement dans les régions de plaine. Il fonde de nombreux monastères, non seulement pour entretenir la vie spirituelle, mais aussi pour fixer les frontières et organiser des missions. C'est ainsi qu'il soutient l'évêque de Salzbourg, Virgile, dans son activité missionnaire auprès des Slaves de Carinthie, qui, vers 750, se sont dérobés à la pression croissante de leurs voisins Avars à l'est, en se soumettant à la domination franco-bavaroise et en ouvrant leur territoire à l'Église chrétienne. En 772, T. doit réprimer chez eux une réaction païenne. A l'extérieur, le duc se rapproche des Lombards et il parvient également à établir des relations amicales avec le nouveau roi des Francs, Charles, futur Charlemagne. Le fait que T. assiste à l'anéantissement du royaume lombard par Charles (773-774) sans rien faire constitue une faute majeure. Poussé toujours davantage dans ses retranchements par Charles, il doit renouveler à deux reprises son hommage vassalique de 757 ; livrer des otages ; envoyer des troupes à l'armée franque d'Espagne (778). En 787, T. refusant de se présenter à Worms, Charles attaque le duché. Dès le 3 octobre, au Lech-feld (devant Augsbourg), T. se soumet. Désespéré, trahi par sa noblesse et son Église et également abandonné par le pape, T. se révolte l'année suivante et appelle à son secours les anciens ennemis de la Bavière, les Avars. Charles le fait arrêter et traduire devant l'assemblée d'Ingelheim (juin 788), puis condamner à mort pour trahison et rupture de son serment de fidélité ; il le gracie ensuite avec toute sa famille. T. est enfermé jusqu'à sa mort dans l'abbaye normande de Jumièges, son fils Théodon dans celle de Saint-Maximin de Trèves. Après une expédition victorieuse de Charles contre les Avars, le pays est placé sous l'administration directe des Francs, mais Charles, inhabituellement clément avec T., fait montre ici aussi de réserve, poursuivant une assimilation en douceur, qui n'entame qu'à moitié le particularisme du « duché » national.

Liens utiles