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SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE

SYSTÈME CONCENTRATIONNAIRE En 1945-1946, le Français David Rousset (1912-1997), alors trotskiste, ancien interné des camps de Buchenwald, de Neuengamme (Allemagne) et de divers Kommandos, publiait un ouvrage intitulé L’Univers concentrationnaire. Il inventait l’adjectif « concentrationnaire » et faisait connaître auprès du grand public la notion de « camp de concentration », non en tant que simple outil de répression, comme la prison ou le bagne, mais comme monde à part régi par ses propres lois. Il permettait ainsi de penser globalement le système concentrationnaire, de dégager, au-delà des témoignages sur les camps nazis, publiés dès l’avant-guerre et fort nombreux après 1945, des principes communs d’organisation et de réfléchir sur leur lien avec la société allemande. Il ne s’agissait plus de l’évocation de tragédies individuelles, d’aperçus limités sur tel camp - Dachau ou Buchenwald -, mais d’une réflexion globale. Même si les analyses de D. Rousset peuvent aujourd’hui paraître obsolètes sur certains points, et s’il n’a pas saisi un élément fondamental, à savoir qu’au sein de cet univers existait un autre système, celui de la mise à mort systématique des Juifs, on lui doit un mode de réflexion opératoire. La notion d’« univers concentrationnaire » permit à D. Rousset de s’interroger sur le système des camps soviétiques. Dès la prise du pouvoir par les bolcheviks, on sut qu’il existait des camps en Union soviétique, grâce notamment aux écrits de Raymond Duguet (Un bagne en Russie rouge : Solovki, l’île de la faim, des supplices et de la mort, paru en 1928) et à ceux signés par l’écrivain roumain Panaït Istrati (1884-1935) - dont l’un écrit en réalité par Boris Souvarine (La Russie nue, paru en 1929). Cependant, rares étaient ceux capables de les penser comme un univers faisant système. En 1949, D. Rousset créait une commission internationale sur les « camps concentrationnaires », dans laquelle les anciens déportés des camps nazis devaient jouer un rôle déterminant : « Nous sommes, nous, des professionnels, des spécialistes. C’est le prix que nous devons payer le surplus de vie qui nous a été accordé. Nous ne pouvons ni boucher les oreilles ni fermer les yeux », écrivait-il. En utilisant l’adjectif « concentrationnaire », D. Rousset, indiquait qu’il pouvait y avoir des camps non concentrationnaires, des camps où l’on internait, mais qui ne faisaient pas système. Pourtant, nul n’appliquait encore cette réflexion globale à d’autres régimes que le nazisme. Malgré un travail considérable, la commission Rousset ne connut qu’un succès mitigé ; ses analyses ne pénétrèrent pas la conscience commune. Il fallut une autre intervention, celle d’Alexandre Soljénitsyne intitulant sa vaste enquête L’Archipel du Goulag (paru en 1973-1974), pour que le phénomène concentrationnaire soviétique pénétrât à son tour la conscience universelle.

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