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SYNTONIE (et focalité)

Bleuler distinguait deux « principes vitaux » : premièrement la syntonie, ou participation à l’ambiance, et plus particulièrement participation accordée à l’ambiance sociale ; deuxièmement la schizoïdie, ou séparation de l’individu et de l’ambiance. Ces deux notions correspondent à deux groupes de tempéraments, de types caractéristiques, que Kretschmer (1921) a étudié parallèlement. On a pu les disposer selon le schéma suivant :

Le second groupe (schizo) possède pour caractéristique essentielle une notion voisine de la notion d’intériorisation (voir autisme), alors que le premier (cyclo) évoque l’idée d’alternance, de cycle. C’est dans le premier groupe que se situe la folie maniaque dépressive (cyclophrénie), affection dans laquelle le malade passe alternativement par des phases d’excitation et de dépression, tandis qu’inversement, dans la schizophrénie, le sujet, coupé du monde, se replie pour une rumination monotone. On voit déjà se dessiner entre les groupes cyclo et schizo la dialectique du contenu et du discontinu. Leur comparaison nécessite l’intervention de la notion de syntonie, qui est une aptitude à participer effectivement et harmonieusement à l’ambiance. Comme le remarque Eugène Minkowski, « le maximum de syntonie se trouve ainsi dans le domaine du normal, tandis que le maximum de schizoïdie semble devoir être recherché dans le domaine pathologique ». Mais, il convient de remarquer que les choses sont telles de par le manque de symétrie des notions comparées, à savoir que la notion de syntonie est d’emblée considérée comme positive quand les notions de schizoïdie et d’autisme sont d’emblée considérées comme étant négatives. On pourrait nommer focalité cette centration constructive qui permet à l’homme d’accéder à la syntonie, la maîtrise de soi-même étant l’organisation d’une autonomie autour d’une personnalité considérée comme foyer. « L’état normal » posséderait une conscience individuatrice comportant ainsi deux fonctions vitales inséparables et complémentaires : la syntonie et la focalité.

La symbologie génétique image ces deux ensembles de notions en les rapportant au système de référence du continu et du discontinu et, plus simplement, à son image de la corde vibrante. La partie de la corde vibrante (le ventre) située entre deux nœuds a une mobilité maximum et paraîtrait être animée d’une agitation anarchique, si la pensée n’y ajoutait pas l’idée d’axe et de nœuds. Le nœud, par contre, qui est cristallisation du mouvement, va correspondre à l’aspect schizogénique. La syntonie sera l’intégration, c’est-à-dire la continuité restituée de ces deux aspects contradictoires. La focalité correspondra, dans ce schéma, à l’apparition des notions d’orientation et d'axe — qui constituent précisément le principe abstrait de la vibration. Toute syntonie implique une focalité, car il ne peut y avoir création et participation dynamique à l’ambiance que si les éléments de l’ambiance convergent, en quelque sorte, en un point commun intérieur, en un centre, où ils peuvent être synthétisés. Que les éléments intériorisés se chevauchent comme les images floues projetées par une lentille non réglée, et le foyer perd toute chaleur. C’est une forge éteinte. La syntonie n’est plus ; elle a fait place aux associations non dirigées. De même, toute focalité implique une syntonie, la focalité étant une possibilité de synthétiser les éléments proposés par l’ambiance. La focalité serait donc, en quelque sorte, une syntonie intériorisée tandis que, réciproquement, la syntonie serait l’extériorisation d’une focalité. Ainsi le cyclophrène ne peut être considéré comme étant le cas le plus syntone de son groupe dans la catégorisation de Kretschmer. On ne peut dire en effet qu’il participe réellement à l’ambiance, car de cette ambiance il paraît être en quelque sorte indifférencié. Son action non focalisée subit anarchiquement les multiples et mouvantes sollicitations du milieu. Faute d’un meilleur terme on pourrait parler ici d’une hypersyntonie. Ajoutons encore que les caractéristiques des deux groupes de Kretschmer peuvent se retrouver conjointement dans un seul et même cas nommé par Henri Claude : la schizomanie.