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STENDHAL [Henry Beyle] 1783-1842

STENDHAL [Henry Beyle] 1783-1842

1. Vie. - 2. Survol de l’œuvre. - 3. Cas particulier de « Lamiel ». - Quelques thèmes majeurs: 4. La femme « égale ». 5. La« chasse au bonheur». 6. Bon usage des passions. - 7. Le« ton » de l’écrivain.

Vie
Cet écrivain resté sans public de son vivant, qui donna tour à tour rendez-vous à ses lecteurs en 1880 et en 1935, qui voulut se suicider à deux reprises, et qui enfin, certain jour, du bout de sa canne dans la poussière, traça le bilan de ses maigres amours, apparaît de nos jours aux yeux de certains comme l'homme de lettres exemplaire, en ce sens qu'il sut faire de sa vie une œuvre d'art. Ce « briseur d'idoles», ainsi que l'appelle Valéry, a sa religion et ses idolâtres ; non pas stendhaliens - comme on dit : balzaciens - mais stendhalistes (« Le stendhalisme est un phénomène unique dans l'histoire littéraire », dit V. del Litto, son très subtil biographe). Une Église qui chez tels zélateurs se veut de préférence une secrète mais brûlante chapelle, accessible aux seuls initiés : le Stendhal-Club. Le moindre de ses « écrits intimes» donne lieu à des gloses infinies et, parmi les spécialistes, nombreux sont ceux qui tiennent cette partie autobiographique de l'œuvre pour la plus intéressante sur le plan proprement littéraire (ce qui est, sans aucun doute, excessif). Henri Beyle, qui a perdu de bonne heure une mère adorée, déteste son père, et plus encore son précepteur, l'austère et hypocrite abbé Raillane (le noir coquin). Il trouve un refuge spirituel en son grand-père maternel et en Élizabeth, sœur de celui-ci, dont l'esprit fier et, dit-il, espagnol, sera pour lui un modèle. Après avoir à l'École centrale de Grenoble préparé l'examen d'entrée à Polytechnique, il renonce à se présenter au concours; puis en 1799, aidé par son cousin Pierre Daru, secrétaire général à la Guerre, il amorce une carrière de soldat. Sous-lieutenant « à titre provisoire et par protection » au 6e dragons, il part à l'âge de dix-sept ans rejoindre l'armée d'Italie, passe le Grand-Saint-Bernard. Au fort de Bard, baptême du feu. Entrée à Milan; il y aime - en silence - Angela Pietragrua, mariée, et de plus maîtresse de son camarade Louis Joinville. Mais les garnisons diverses, loin de Milan, l'ennuient. Il souhaitait la gloire, le voilà fonctionnaire. Il démissionne (1801). De retour à Paris (1802-1806) il s'amuse à perdre son temps, courtise des actrices; et, pour finir, sollicite de nouveau son cousin Daru, qui le nomme (1806) à Brunswick, « adjoint provisoire aux commissaires des Guerres» (c'est-à-dire dans l'intendance); par bonheur, il éprouve un grand amour - de tête - pour Mme Daru. En 1809, il entre à Vienne avec les troupes françaises; prend part en simple spectateur à la campagne de Russie. Puis d'Allemagne. À Bautzen, en 1813, il constate que les acteurs proprement dits d'une bataille n'en voient, au total, rien ; ce qu'il transposera plus tard dans La Chartreuse de Parme (épisode de Waterloo, où son héros, Fabrice, ne fait guère qu'errer, le licol d'un cheval à la main, sans bien comprendre ni ce qui se passe, ni même où il est).
Le retour des Bourbons le décide à s'exiler à Milan; il y reste huit ans (1814-1821), retrouve Angela Pietragrua, à qui, lors d'un voyage éclair, en 1811, il s'était enfin (après onze ans) déclaré, et qui avait cédé devant tant de constance. Mais cette superbe femme s'inquiète de le voir désormais sans cesse. (D'ailleurs ils rompront bientôt.) Dès la fin de l'année 1814, il songe à se suicider, et fait son testament. Ses premiers essais (sur la musique) sont édités à compte d'auteur et ne lui valent aucun crédit. Il fera ses débuts véritables avec le très nonchalant Rome, Naples et Florence (1817), par quoi il inaugure le pseudonyme de Stendhal, suivi du titre : officier de cavalerie. Peu à peu le spectateur assidu de la Scala sera l'hôte, en ce théâtre, de Ludovico di Breme, dont la loge est un véritable salon littéraire, voire une officine politique. Présenté à Byron, de passage à Milan, il se lie' avec les patriotes libéraux Manzoni et Sylvio Pellico (l'âme de la résistance au gouvernement autrichien). Il devient surtout l'ami d'Ermès Visconti, théoricien du « romanticisme » italien qui est très en avance sur le« romantisme » de Victor Hugo, première manière, et de Lamartine. Un long amour sans espoir (1818-1821) pour Mathilde Dembowska, née Viscontini, lui inspire, curieusement, le philosophique «traité » De l'amour. En juillet 1821, Stendhal de nouveau songe sérieusement (dit-il) à en finir. Mais soudain, le voici en France: suspect à la police autrichienne, il a dû quitter Milan.
Commence alors une longue - et décisive - période parisienne (1821-1830), coupée de voyages en Angleterre; il publie De l'amour (1822) qui est, entre autres choses, une confidence d'amoureux transi (mal camouflée en manuel de l'arrivisme galant), tandis que le pamphlet « romanticiste », Racine et Shakespeare, sept années avant la bataille d’Hernani (1823, complété deux ans plus tard), révèle aux connaisseurs la curiosité déjà « internationale » et l'acuité d'esprit de cet auteur encore ignoré du grand public : «Il a rendu clair ce qui n'était qu'une perception confuse de tous les esprits justes», observe Lamartine (Lettre à M. de Mareste, 1823). Trois femmes adorables l'occupent tour à tour et se donnent à ce« gros Méphistophélès » (comme dit son ami le botaniste Jussieu) : la comtesse Clémentine Curial, Alberthe de Rubempré et Giulia Rinieri dei Rocchi (qu'il reverra en Italie), Il publie en 1827 Armance, histoire d'un « beau jeune homme impuissant ». (C'est, à quarante-quatre ans, son premier ouvrage romanesque.) Mais le seul succès de Stendhal en cette période de sa vie, c'est encore avec un livre de prétendues notations touristiques (après- Rome, Naples et Florence) qu'il va l'obtenir, en 1829: Promenades dans Rome. (Les Mémoires d'un touriste seront un autre succès - moyen -, dix ans plus tard.) Enfin, Le Rouge et le noir termine cette deuxième et presque dernière période parisienne, en 1830, année de la révolution. Sous-titré : Chronique du XIXe siècle, ce roman déconcerte, mais « un peu seulement», la critique; et ne fait pas même, dans le public, un peu de bruit. Stendhal, ravi de la chute de Charles X, attend quelque emploi du Prince illustre qui, dit-il, est à la tête de notre jeune Liberté. Le comte Molé, ministre de Louis-Philippe, le nomme consul à Trieste, d'où (suspect de « libéralisme » auprès de la police autrichienne) il est muté presque aussitôt à Civitavecchia, petit port dans les États pontificaux : Faudra-t-il vivre et mourir ainsi sur ce rivage solitaire? J'en ai peur. Certes il se paie quelques fugues (dans la province romaine, en Hollande, en Suisse) et un «congé» de trois ans qu'il passe à Paris (1836 à 1839).


Le retour des Bourbons le décide à s'exiler à Milan; il y reste huit ans (1814-1821), retrouve Angela Pietragrua, à qui, lors d'un voyage éclair, en 1811, il s'était enfin (après onze ans) déclaré, et qui avait cédé devant tant de constance. Mais cette superbe femme s'inquiète de le voir désormais sans cesse. (D'ailleurs ils rompront bientôt.) Dès la fin de l'année 1814, il songe à se suicider, et fait son testament. Ses premiers essais (sur la musique) sont édités à compte d'auteur et ne lui valent aucun crédit. Il fera ses débuts véritables avec le très nonchalant Rome, Naples et Florence (1817), par quoi il inaugure le pseudonyme de Stendhal, suivi du titre : officier de cavalerie. Peu à peu le spectateur assidu de la Scala sera l'hôte, en ce théâtre, de Ludovico di Breme, dont la loge est un véritable salon littéraire, voire une officine politique. Présenté à Byron, de passage à Milan, il se lie' avec les patriotes libéraux Manzoni et Sylvio Pellico (l'âme de la résistance au gouvernement autrichien). Il devient surtout l'ami d'Ermès Visconti, théoricien du « romanticisme » italien qui est très en avance sur le« romantisme » de Victor Hugo, première manière, et de Lamartine. Un long amour sans espoir (1818-1821) pour Mathilde Dembowska, née Viscontini, lui inspire, curieusement, le philosophique «traité » De l'amour. En juillet 1821, Stendhal de nouveau songe sérieusement (dit-il) à en finir. Mais soudain, le voici en France: suspect à la police autrichienne, il a dû quitter Milan. Commence alors une longue - et décisive - période parisienne (1821-1830), coupée de voyages en Angleterre; il publie De l'amour (1822) qui est, entre autres choses, une confidence d'amoureux transi (mal camouflée en manuel de l'arrivisme galant), tandis que le pamphlet « romanticiste », Racine et Shakespeare, sept années avant la bataille d’Hernani (1823, complété deux ans plus tard), révèle aux connaisseurs la curiosité déjà « internationale » et l'acuité d'esprit de cet auteur encore ignoré du grand public : «Il a rendu clair ce qui n'était qu'une perception confuse de tous les esprits justes», observe Lamartine (Lettre à M. de Mareste, 1823). Trois femmes adorables l'occupent tour à tour et se donnent à ce« gros Méphistophélès » (comme dit son ami le botaniste Jussieu) : la comtesse Clémentine Curial, Alberthe de Rubempré et Giulia Rinieri dei Rocchi (qu'il reverra en Italie), Il publie en 1827 Armance, histoire d'un « beau jeune homme impuissant ». (C'est, à quarante-quatre ans, son premier ouvrage romanesque.) Mais le seul succès de Stendhal en cette période de sa vie, c'est encore avec un livre de prétendues notations touristiques (après- Rome, Naples et Florence) qu'il va l'obtenir, en 1829: Promenades dans Rome. (Les Mémoires d'un touriste seront un autre succès - moyen -, dix ans plus tard.) Enfin, Le Rouge et le noir termine cette deuxième et presque dernière période parisienne, en 1830, année de la révolution. Sous-titré : Chronique du XIXe siècle, ce roman déconcerte, mais « un peu seulement», la critique; et ne fait pas même, dans le public, un peu de bruit. Stendhal, ravi de la chute de Charles X, attend quelque emploi du Prince illustre qui, dit-il, est à la tête de notre jeune Liberté. Le comte Molé, ministre de Louis-Philippe, le nomme consul à Trieste, d'où (suspect de « libéralisme » auprès de la police autrichienne) il est muté presque aussitôt à Civitavecchia, petit port dans les États pontificaux : Faudra-t-il vivre et mourir ainsi sur ce rivage solitaire? J'en ai peur. Certes il se paie quelques fugues (dans la province romaine, en Hollande, en Suisse) et un «congé» de trois ans qu'il passe à Paris (1836 à 1839).



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