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STENDHAL (HENRI BEYLE, DIT)

STENDHAL (HENRI BEYLE, DIT)
Son père est un austère magistrat, sa mère la fille d'un médecin voltairien: Henri Beyle naît le 23 janvier 1783 à Grenoble, sous Louis XVI. L'enfant, qui déteste son père et adore sa mère, a 7 ans lorsque cette dernière meurt des suites d'une fausse couche. Henri est élevé par une tante bigote et un abbé-précepteur qui le dégoûtent^ à vie de la religion. Son refuge, c'est la maison de son grand-père Gagnon et la lecture. Au lycée de Grenoble, il révèle ses dons pour les mathématiques et, en 1799, part pour Paris : il veut entrer à Polytechnique. Il arrive dans la capitale au lendemain du coup d'État du 18 brumaire. Grâce à un cousin — qui sera ministre de Napoléon Ier —, Henri Beyle peut suivre l'armée française pendant la campagne d'Italie et obtenir le grade de sous-lieutenant de cavalerie. Il découvre le charme des villes italiennes jusqu'à ce que, las de parcourir l'Italie du Nord comme agent de liaison, il rentre à Paris en 1802 pour démissionner de l'armée. Il a 19 ans et essaie, en vain, d'écrire une comédie. En 1805, il travaille dans une maison de commerce à Marseille, où il a suivi Mélanie Guilbert, une comédienne qu'il délaisse pour reprendre du service. Intendant en Allemagne, il espère obtenir une promotion, s'imagine préfet, baron d'Empire... Il est fonctionnaire à la Liste civile à Paris — s'occupant du mobilier historique des châteaux impériaux — puis auditeur au Conseil d'État ; il fréquente les salons où il brille par son esprit caustique et son sens aigu de l'observation. Ce petit homme rond, au visage empâté, qui se sait laid, accorde beaucoup de soin à sa toilette et mène grand train de vie. À Paris, il a une liaison avec l'actrice Angelina Béreyter et à Milan, où il retourne, une autre avec Angela Pietragrua, une femme dont la beauté l'avait ébloui lors de son précédent séjour. Courrier de Napoléon pendant la campagne de Russie, il est témoin de l'incendie de Moscou, puis retourne à Milan où il reste pendant les Cent-Jours. Mis en demi-solde par les Bourbons, il s'y installe pour sept ans, y rédigeant L'Histoire de la peinture en Italie, puis Rome, Naples et Florence (1817-1826) qu'il signe « M. de Stendhal, officier de cavalerie ». Sa passion malheureuse pour Mathilde Viscontini lui inspire De l'amour. Suspecté par la police autrichienne, lui le libéral, d'être un agent français, il revient à Paris où il publie De l'amour (1822) : pas plus de vingt exemplaires seront vendus en dix ans ! Pour vivre, cet admirateur de Shakespeare, cet anglophile qui pimente depuis l'adolescence ses écrits intimes d'expressions anglo-saxonnes collabore à des revues londoniennes. Armance, son premier roman, est en 1827 un nouvel échec qui le laisse un peu plus désabusé. En 1830, il fait paraître Le Rouge et le Noir.: Nouvel échec, nouvelle humiliation. À la chute de Charles X, en 1830, il obtient d'être nommé consul à Civitavecchia, près de Rome ; l'accréditation au consulat de Trieste lui a été refusée par les Autrichiens. Il s'y ennuie, rédige Souvenirs d'égotisme (1832, mais parution soixante ans plus tard), Lucien Leuwen (1834-1835, dont il n'existe que la première partie), Les Mémoires d'un touriste (1838), et lie, lors des congés qu'il passe à Paris, des intrigues amoureuses. La Chartreuse de Parme, roman écrit en cinquante-deux jours, sort en 1839. Balzac salue ce roman en le qualifiant de «sublime». Stendhal n'en obtient pas pour autant du succès en librairie. La postérité en fera l'un des plus grands écrivains français, mais ses contemporains l'ignorent. Il souffre de la goutte mais continue à écrire, contre l'avis de son médecin. Lamiel, son dernier roman, restera inachevé. Une attaque d'apoplexie le terrasse le 22 mars 1842, alors qu'il se promène dans Paris. Ce méticuleux avait, auparavant, rédigé en italien son épitaphe : « Henri Beyle, Milanais. Il vécut, écrivit, aima. Cette âme adorait Cimarosa, Mozart et Shakespeare. »
STENDHAL, Henri Beyle, dit (Grenoble, 1783-Paris, 1842). Écrivain français. Méconnu de ses contemporains, Stendhal cultiva, indirectement dans ses romans et ses essais, librement dans ses ouvrages autobiographiques, la recherche et l'exaltation de son moi intérieur. Fils d'un magistrat grenoblois qu'il détestait ainsi que son précepteur, athée et antimonarchiste, Stendhal prit part aux campagnes militaires de la Révolution et de l'Empire comme sous-lieutenant de cavalerie (1800-1801), puis comme intendant aux armées ( 1806-1808) ; la découverte de l'Italie lui laissa un émerveillement ineffaçable. La Restauration des Bourbons ayant mis fin à sa carrière, il séjourna à Milan (1814-1821), fréquenta les salons et publia ses premiers essais {Rome, Naples et Florence, 1817, signé pour la première fois du nom de Stendhal). Suspect de sympathie pour les nationalistes italiens, il rentra à Paris, se lia avec Prosper Mérimée et Eugène Delacroix, publia un premier roman {De l'amour, 1822), défendit le romantisme {Racine et Shakespeare, 1823-1825) et écrivit deux romans, Armance (1827) et Le Rouge et le Noir (1830) qui eurent peu de succès. Nommé consul de France en Italie (1830-1842), il entreprit en 1834 Lucien Leuwen (inachevé, 1855). De retour à Paris pour un congé ( 1836-1839), il publia les Mémoires d'un touriste (1838), des récits où s'expriment le culte de la passion et de l'énergie, Chroniques italiennes {1839) et La Chartreuse de Parme {1839) qui obtint un succès d'estime, notamment auprès de Balzac. Lorsque Stendhal mourut, il laissa de nombreux manuscrits inachevés, dont un roman {Lamiel) et une Vie de Napoléon. Les héros stendhaliens, caractérisés par le culte du moi et de l'énergie, la lucidité et la haine du conformisme, ont donné naissance au « beylisme », mot forgé par ses admirateurs.

♦ « Je crois que la rêverie a été ce que j’ai préféré à tout. » Stendhal. ♦ « M. Beyle a fait un livre [La Chartreuse de Parme] où le sublime éclate de chapitre en chapitre... M. Beyle est un des hommes supérieurs de notre temps; il est difficile d’expliquer comment cet observateur de premier ordre, ce profond diplomate qui, soit par ses écrits, soit par sa parole, a donné tant de preuves de l’élévation de ses idées et de l’étendue de ses connaissances pratiques, se trouve seulement consul à Civita-Vecchia. » Balzac, 1839. ♦ « B(eyle) original en toutes choses, ce qui est un vrai mérite à cette époque de monnaies effacées, se piquait de libéralisme, et était au fond de l’âme un aristocrate achevé. Il ne pouvait souffrir les sots; il avait pour les gens qui l’ennuyaient une haine furieuse; et de sa vie il n’a pas su bien nettement distinguer un méchant d’un fâcheux... Toute sa vie, il fut dominé par son imagination, et ne fit rien que brusquement et d’enthousiasme. Cependant il se piquait de n’agir Jamais que conformément à la raison. » Mérimee. ♦ « Le défaut de Beyle comme romancier est de n’étre venu à ce genre de composition que par la critique, et d’après certaines idées antérieures et préconçues; il n’a point reçu de la nature ce talent large et fécond d’un récit dans lequel entrent à l’aise et se meuvent ensuite, selon le cours des choses, lés personnages tels qu’on les a créés; il forme ces personnages avec deux ou trois idées qu il croit justes et surtout piquantes et qu’il est occupé à tout moment à rappeler. Ce ne sont pas des êtres vivants, mais des automates ingénieusement construits; on y voit, presque à chaque mouvement, les ressorts que le mécanicien introduit et touche par le dehors. » Sainte-Beuve, 1854. ♦ «Stendhal ouvre la série des romans naturalistes, qui suppriment l’intervention du sens moral et se moquent de la liberté prétendue... [Il] est le peintre fidèle qui ne s’émeut ni ne s’indigne et que tout amuse, le coquin et la coquine, comme le brave homme et l’honnête femme, mais qui n’a ni croyance, ni préférence, ni idéal. La littérature ici est subordonnée à l’histoire naturelle, à la science... » Amiel, 1880. ♦ « Personne n’a possédé à un degré pareil la mécanique de l’âme... Stendhal pour moi n’est pas un observateur qui part de l’observation pour arriver à la vérité grâce à la logique; c’est un logicien qui part de la logique et qui arrive souvent à la vérité, en passant par-dessus l’observation. » Émile Zola, 1881. ♦ « Il présente ce très étrange phénomène de l’analyse dans l’action et dans la passion... et si nous aimons, nous, ses personnages, c’est qu’ils sont nos frères par ce mélange, presque impossible avant notre XIXe siècle, de naturel et de raffinement, de réflexion et de sincérité, d’enthousiasme et d’ironie. » Paul Bourget, 1882. ♦ « Le plus grand psychologue du siècle. » Taine. ♦ «Henry Beyle, ce singulier précurseur qui, à une allure vraiment napoléonienne, parcourut son Europe, et, avec plusieurs siècles d’avance, sut démêler et découvrir l’âme européenne. Il fallut deux générations pour parvenir à le rejoindre, pour deviner quelques-unes des énigmes qui tourmentaient et exaltaient ce curieux épicurien, cet interrogateur qui fut le dernier des grands psychologues français. » Nietzsche. ♦ « Stendhal, l’immortel Stendhal se range dès maintenant parmi les classiques de la moralité que nous devons maintenir. Classique, vous entenaez bien, je ne dis pas par le style, mais classique d’âme... » Maurice Barres. ♦ « Quand Stendhal aura son rang, qui est le premier de tous en son siècle, et l’un des premiers non seulement en France mais dans l’Europe de tous les temps, les hommes auront enfin compris la puissance et les séductions de l’intelligence au service du sentiment... Plus on admire Stendhal et plus on est intelligent. » André Suarès. ♦ « Ce qui frappe le plus dans une page de Stendhal, ce qui sur-le-champ le dénonce, attache ou irrite l’esprit, c’est le ton... Et de quoi ce ton est-il fait ? Je l’ai peut-être déjà dit : être vif à tous risques; écrire comme on parle quand on est homme d’esprit, avec des allusions même obscures, des coupures brusques, des bonds et des parenthèses; écrire presque comme on se parle; tenir l’allure d’une conversation libre et gaie; pousser parfois jusqu’au monologue tout nu; toujours et partout fuir le style poétique, et faire sentir qu’on le fuit... Mais c’est une loi de la nature qu’on ne se défende d’une affectation que par une autre... » Paul Valéry. ♦ « Stendhal est... un don Quichotte qui « entreprend de se raconter », il cherche toujours le sublime ou l’extraordinaire, mais il ne le trouve jamais et tombe dans le grotesque, ce qui lui importe peu... C’est en cela que résident la force et la beauté de l’art de Stendhal, en cette faculté de se représenter lui-même avec ses aspirations vaines et l’ironie auxquelles elles donnent naissance, avec ses illusions et ses désillusions, sa cohérence et son incohérence. Il réussit ainsi à ne pas se donner pour plus qu’il n’était en réalité, un malade des nerfs : un malade qui se guérissait en se racontant, car ce qu’il dit est toujours infiniment limpide. » B. Croce. ♦ « Vanité, sottise, épaisseur, bruit ne le choquent pas moins dans un palefrenier que dans un duc. Lui-même était ingénument délicat et grossier selon l’occasion, d’après ce que l’on raconte; manière d’être franc avec soi. Un tel homme plaît; car nul n’estime en soi son costume de cour; et chacun sait bien ce qu’il cherche dans un livre. Mais un tel homme déplaît, car on veut rester vêtu et fermé, que l’on soit seigneur ou paysan. On craint cette présence; on craint ce juge; on ne l’aime que mort, et dans le secret de la lecture. C’est pourquoi le critique bat les buissons. » Alain. ♦ « Le grand secret de Stendhal, sa grande malice, c’est d’écrire tout de suite... De là, quelque chose d’alerte, et de primesautier, de disconvenu, de subit et de nu qui nous ravit toujours à neuf dans son style. On dirait que sa pensée ne prend même pas la peine de se chausser pour courir... » Gide. ♦ « De froids simulateurs dans le genre de Stendhal... des œuvres dépourvues de toute valeur comme les romans de Stendhal. » Paul Claudel.