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SPONDE Jean de 1557-1595

SPONDE Jean de 1557-1595


Poète, né à Mauléon. Son père, Inigo de Sponde, Espagnol de religion protestante, sera égorgé par les ligueurs. Compagnon d'Henri IV, le jeune poète, quelque peu débauché, et par suite endetté, abjure en même temps que le roi, qui lui donne un emploi, tout honorifique, à La Rochelle. Mais il n'en profite guère, et meurt, assez mal en point, à moins de trente-huit ans. Il a juste le temps de composer sur son lit d'hôpital, en 1594, un dérisoire plaidoyer pro domo: Déclaration des principaux motifs qui induisent le sieur de Sponde à s’unir à l’Église catholique (heureux les rois, qui abjurent sans tant de complexes!). Intraitable sur ce chapitre de la fidélité à son idéal, Agrippa d'Aubigné fera des gorges chaudes de son coreligionnaire et de sa fin prématurée et pitoyable : « Le pauvre Sponde, ayant sacrifié son âme pour la Messe, a tellement été pipé qu'il a vu, avant de mourir, ses enfants aux portes, sa femme au bordel, et sa personne à l'hôpital. » D'une œuvre considérable (pour l'essentiel: des éditions savantes d'Aristote, d'Homère, d'Hésiode) il ne resterait rien, si ses poèmes, peu nombreux mais d'une rare densité, n'avaient été retrouvés à Cambridge en 1939 par un érudit anglais, Alan Boase. Poésie religieuse, d'une part (Essai de quelques poèmes chrétiens) ; et, surtout, Stances et sonnets : vingt-quatre «d'amour» et douze « de mort», ces derniers plus riches et plus neufs encore que les premiers. Un grand luxe de mots et de visions, un rythme d'une majestueuse ampleur, qui semble l'image de la sérénité du poète (si ce n'est de son hautain détachement) et qui, cependant, de place en place, se brise, avançant presque par saccades, comme s'il trahissait soudain la vulnérabilité de l'homme. À l'encontre de Jean-Baptiste Chassignet, cet autre poète de style baroque, qui partage avec lui cette étrange attirance pour un thème aussi insoutenable que la mort, Sponde est un raffiné, et même un sensuel. C'est le huguenot, chez lui, qui s'invente ce supplice spirituel, guignant d'un œil, à l'occasion, vers ce qu'il nomme en tremblant la vie orgueilleuse et se forçant (Chassignet, lui, ne se forçait aucunement, car ne sauraient loucher ceux que Dieu fit borgnes) à garder l'autre du côté des « fins dernières ». Voir, par exemple, le sonnet justement célèbre qui commence et finit par cette même phrase : Mais si faut-il mourir. Dans la Cité de Dieu, cet hésitant compte bien trouver un point stable, enfin, où son cœur divisé pourra s'installer dans la paix:

Tout s'enfle contre moi, tout m'assaut, tout me tente...
Mais ton Temple pourtant, ta main, ta voix sera
La nef, l'appui, l'oreille où ce charme perdra.


Or il blasphème, puisqu'il vient de tenir le même langage, avec les mêmes métaphores (l'inquiétude en quête d'un appui) et presque les mêmes mots, dans une pièce amoureuse, une des plus émouvantes qu'il ait écrites, et des plus brûlantes aussi, où transparaît le même tourment de ne pouvoir se fixer, et le même recours au « désespoir », conçu comme le seul point fixe à quoi se rattacher; le seul fondement solide (tout le reste étant pure vanité), le seul centre de gravitation possible de l'âme :

... Et mon espoir se meurt, et ne se change point
II tournoie à l'entour du point de la constance
Comme le ciel tournoie à l'entour de son point.


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