Spinoza: Quelle est l'essence de l'homme ?
C'est dans le livre III de l'Éthique que l'on peut lire l'analyse essentielle du rôle du désir dans la vie humaine. Alors que pour Platon le désir traduit un manque d'être, pour Spinoza, il revêt un caractère positif. Le désir est un mouvement qui traduit l'effort de l'homme pour persévérer dans l'être, à la fois comme corps et comme esprit.
Problématique
La caractéristique fondamentale de l'homme est de désirer. Le désir traduit le rapport que nous avons avec les choses dans la mesure où il est déterminé par les affects que nous ressentons. Ce fait conduit Spinoza à développer l'idée selon laquelle l'effort pour persévérer dans l'être (conatus) prend d'abord la forme d'un appétit non conscient qui détermine le sujet à agir. Ce n'est que dans un second temps que cet appétit peut faire l'objet d'une prise de conscience.
Enjeux
Le désir, pour Spinoza, est d'une certaine manière une activité de l'homme comme essence. Le désir n'est pas le résultat mécanique d'une cause extérieure. Dans un mécanisme de cause à effet, la cause est à elle seule suffisante. Mais en définissant le désir comme l'appétit conscient de lui-même, Spinoza suggère que la conscience apporte quelque chose de nouveau. En effet, si la conscience au premier degré ne change rien au fait de désirer, elle rend possible une distance avec l'objet du désir et donc une plus grande lucidité.
Quelle est l'essence de l'homme ?
Le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est conçue comme déterminée, par une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose. EXPLICATION : Nous avons dit plus haut, dans le scolie de la proposition 9 de cette partie, que le désir est l'appétit qui a conscience de lui-même, et que l'appétit est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est déterminée à faire les choses qui sont utiles à sa conservation. Mais, dans le même scolie, j'ai fait observer aussi qu'en réalité, entre l'appétit de l'homme et le désir, je ne fais aucune différence. Car, que l'homme soit conscient ou non de son appétit, cet appétit reste un et le même ; par conséquent, pour ne pas paraître énoncer une tautologie, je n'ai pas voulu expliquer le désir par l'appétit, mais j'ai pris soin de le définir de façon à y comprendre à la fois tous les efforts (conatus) de la nature humaine que nous nommons appétit, volonté, désir ou impulsion (impetus). J'aurais pu dire, en effet, que le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est conçue comme déterminée à faire quelque chose ; mais de cette définition on ne pourrait pas tirer que l'esprit peut être conscient de son désir, autrement dit de son appétit. Donc, voulant que la cause de cette conscience fût impliquée dans ma définition, il m'a été nécessaire d'ajouter : en tant qu'elle est déterminée par une quelconque affection d'elle-même, etc. Car, par affection de l'essence de l'homme, nous entendons toute organisation de cette essence, qu'elle soit innée - ou acquise - qu'elle soit conçue par le seul attribut de la pensée ou par le seul attribut de l'étendue, ou en fin rapportée à l'un et à l'autre à la fois. J'entends donc ici sous le nom de désir tous les efforts, impulsions, appétits et voûtions de l'homme ; ils sont variables selon l'état variable d'un même homme, et souvent opposés les uns aux autres, au point que l'homme est entraîné en divers sens et ne sait où se tourner.
- essence : ce qui définit une chose.
- attribut : pour Spinoza, l'attribut est une caractéristique de la substance. La nature étant infinie, elle contient une infinité d'attributs. L'homme n'en connaît que deux : la pensée et l'étendue.
Liens utiles
- LE DÉSIR HUMAIN "Le désir est l'essence même de l'homme, c'est-à-dire l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être." Spinoza, Éthique, 1677. Commentez cette citation.
- Spinoza (1632-1677): LES ILLUSIONS DE L'HOMME
- Spinoza: « L'homme n'est pas un empire dans un empire»
- Voltaire écrit dans ses Lettres philosophiques : « Il me paraît qu'en général l'esprit dans lequel M. Pascal écrivit ces Pensées était de montrer l'homme sous un jour odieux. Il s'acharne à nous peindre tous méchants et malheureux. Il écrit contre la nature humaine à peu près comme il écrit contre les jésuites. Il impute à l'essence de notre nature ce qui n'appartient qu'à certains hommes. Il dit éloquemment des injures au genre humain. » Expliquer et discuter ce jugement.
- L'"homme est-il un animal technique ?