Spinoza et la sécurité de l'Etat
« Nous avons montré, il est vrai, par ailleurs, que la raison est capable de mener un combat contre les sentiments et de les modérer considérablement. Toutefois, la voie indiquée par la raison nous est apparue très difficile. On n’ira donc pas caresser l’illusion qu’il serait possible d’amener la masse, ni les hommes engagés dans les affaires publiques, à vivre d’après la discipline exclusive de la raison. Sinon, l’on rêverait un poétique Age d’or, une fabuleuse histoire. Par conséquent, un Etat qui, pour assurer son salut, s’en remettrait à la bonne foi de quelque individu que ce soit et dont les affaires ne pourraient être convenablement gérées que par des administrateurs de bonne foi, reposerait sur une base bien précaire ! Veut-on qu’il soit stable ? Les rouages publics devront alors être agencés de la façon que voici : à supposer indifféremment que les hommes, chargés de les faire fonctionner, se laissent guider par la raison ou par les sentiments, la tentation de manquer de conscience ou d’agir mal ne doit pas pouvoir s’offrir à eux. Car, pour réaliser la sécurité de l’Etat, le motif dont sont inspirés les administrateurs n’importe pas, pourvu qu’ils administrent bien. Tandis que la liberté ou force intérieure constitue la valeur d’un particulier, un Etat ne connaît d’autre valeur que sa sécurité. »
SPINOZA
QUESTIONNEMENT INDICATIF
• Pourquoi, selon Spinoza, « un Etat qui, pour assurer son salut, s’en remettrait à la bonne foi de quelque individu ... et dont les affaires ne pourraient être convenablement gérées que par des administrateurs de bonne foi, reposerait sur une base bien précaire »? • Que signifie ici « bonne foi » ? • Que faut-il pour « réaliser la sécurité de l'Etat » ? — Que signifie « rouages publics »? — De quelle « façon » doivent « être agencés » ces rouages publics ? — S’ils sont agencés de cette façon importe-t-il que « les hommes » chargés de les faire fonctionner se laissent guider par la raison ou les sentiments ? • La valeur d’un particulier et la valeur d’un Etat sont-elles identiques ? • Que signifie « sécurité » ici ? • Est-ce la valeur des «administrateurs », des « particuliers» ou le « bon » « agencement des rouages publics » qui assurent — selon Spinoza — la valeur d’un Etat ? • En quoi ce texte peut-il présenter un intérêt philosophique ? • Que pensez-vous de la position et de l’argumentation de Spinoza ?