Spinoza: En quoi consiste la liberté ?
L'homme est un mode de la nature. Il n'est pas "un empire dans un empire". Il ne peut pas se séparer de la nature pour vivre dans une réalité distincte. La liberté humaine, au premier degré, est pour Spinoza une illusion, car l'être humain se croit libre par le fait qu'il est conscient de ses actions, et non des facteurs qui le déterminent à agir.
Problématique
L'homme se croit libre parce qu'il est conscient de ses désirs. Mais la vraie liberté humaine repose sur la connaissance des lois de la nature. Spinoza critique la conception cartésienne de la liberté. La liberté, pour lui, n'est pas le fruit d'une expérience immédiate de soi qui me fait semblable à Dieu. L'authentique liberté suppose, non une affirmation de sa volonté, mais une connaissance des causes qui nous conduisent à agir.
Enjeux
Si la liberté existe, elle ne pourra se trouver qu'au terme d'une connaissance adéquate de la réalité. Il faudra que l'homme parvienne à dépasser un certain nombre d'obstacles qui sont le fait de son rapport passionnel au monde. La condition d'existence de la liberté réside dans la possibilité de dépasser les passions.
En quoi consiste la liberté ?
J'appelle libre, quant à moi, une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature ; contrainte celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir d'une façon déterminée. Dieu, par exemple, existe librement bien que nécessairement parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature. De même aussi, Dieu se connaît lui-même et connaît toutes choses librement, parce qu'il suit de la seule nécessité de sa nature que Dieu connaisse toutes choses. Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité. Mais descendons aux choses créées qui sont toutes déterminées par des causes extérieures à exister et à agir d'une certaine façon déterminée. Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple : une pierre, par exemple, reçoit d'une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de mouvement, et, l'impulsion de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. Cette persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure. Et ce qui est vrai de la pierre, il faut l'entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d'une certaine manière déterminée. Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, pense et sache qu'elle fait l'effort, autant qu'elle le peut, pour se mouvoir. Cette pierre assurément, puisqu'elle a conscience de son effort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elle sera très libre et qu'elle ne persévère dans son mouvement que parce qu'elle le veut. Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent.
- chose : par définition, une chose est une réalité inerte, qui ne peut échapper à ses limites. Il ne s'agit pas de définir la liberté par rapport au sujet humain, mais par rapport à la nature. Sera alors considérée comme libre la chose qui aura en elle la cause de son action, et contrainte la chose qui sera déterminée à agir par une cause extérieure.
- libre nécessité : cette expression est paradoxale, car au premier abord ce qui est déterminé par une cause ne peut être considéré comme libre. Mais pour Spinoza, si la nature est déterminée à produire tel ou tel effet, la cause de sa détermination est en elle-même et, de ce fait, elle est libre.
Liens utiles
- Spinoza : liberté et démocratie
- Montesquieu: la liberté politique ne consiste point à faire ce que l'on veut
- SPINOZA, Traité théologico-politique: le pouvoir La liberté. La raison et l'irrationnel. Le droit.
- Spinoza (1632-1677): PUISSANCE DE LA RAISON ET LIBERTÉ
- La liberté consiste-t-elle à accepter la nécessité ?