Sparte (ou Lacédémone)
Sparte (ou Lacédémone). Capitale antique de la Laconie, Etat fondé par les Doriens (voir doriens et héraclides) dans lé sud-est du Péloponnèse. Lacédémone était le nom usuel désignant à la fois la ville et l'État, tandis que Sparte n'était utilisé que pour la ville et par la suite dans un contexte poétique ou patriotique. La ville dominait la rive occidentale de l'Eurotas, regroupant quelques villages sans édifice notable, et resta dépourvue de fortifications jusqu'à la fin du IVe siècle av. J.-C.
1. Des débuts au VIe siècle av. J.-C. C'est vraisemblablement au cours du Xe siècle av. J.-C. que quatre villages doriens, regroupés autour de l'acropole, s'unirent pour former une entité politique. La fusion des deux familles de rois héréditaires, les Agiades et les Eurypontides, affirmant toutes deux descendre d'Héraclès et gouvernant conjointement, révèle qu'un compromis avait été trouvé quant au pouvoir souverain. Vers 700 av. J.-C., l'ensemble du territoire s'étendant sur la côte orientale de la Laconie fut incorporé à l'État Spartiate, et les populations locales, prédoriennes et doriennes, furent soumises aux citoyens de plein droit (les homoioi, «égaux» ou «pairs», auxquels est réservé le nom de « Spartiates ») : les périèques (« ceux qui habitent autour ») recevant un statut d'indépendance limitée et les hilotes , attachés aux terres des Spartiates qu'ils cultivaient, un statut de serfs. La création de ces classes fut la première étape d'une politique qui allait distinguer Sparte de tous les autres États grecs.
Au VIIIe siècle, Sparte entreprit une première guerre contre les Messéniens (probablement entre 735 et 715; voir aristodémos). La majeure partie de cet État voisin fut annexée et les populations reçurent un statut analogue à celui des hilotes de Laconie. La révolte de la Messénie au viie siècle av. J.-C., apparemment après plutôt qu'avant l'importante défaite infligée à Sparte par Argos à Hysiai en 669 av. J.-C. (voir pheidon), entraîna la seconde guerre de Messénie qui dura plusieurs années, les habitants, menés par le héros messénien Aristomène, ayant opposé une résistance farouche. La réforme des institutions traditionnellement associée au nom de Ly
curgue trouve probablement son origine dans les tensions de cette époque. Le système politique qui en résulta était une oligarchie rigide reposant sur le pouvoir des magistrats (éphores) et sur le conseil des anciens (gérousie). Les rois étaient à la fois les représentants religieux de la cité et les chefs des armées en campagne, mais ils étaient accompagnés et surveillés par deux éphores, et ils perdirent progressivement leur pouvoir. La gerousia, composée des deux rois et de vingt-huit membres de plus de soixante ans, élus à vie, représentait le pouvoir juridique suprême. L'assemblée ou apella regroupant tous les citoyens de plus de trente ans (les homoioi) n'était qu'un corps consultatif sans pouvoir réel : elle ratifiait cependant les déclarations de guerre (en votant par acclamation). Avant le Ve siècle, elle comptait de huit mille à neuf mille hommes, ce qui était considérable pour une oligarchie, mais peu comparé à une démocratie comme Athènes, et si l'on considère les immenses possessions territoriales de Sparte et l'importance de la population servile, sept fois plus élevée que celle des hommes libres. Les hilotes dégageaient les Spartiates de la culture des terres, leur permettant de se consacrer à l'entraînement militaire, mais ils représentaient en même temps une source constante de tension et de danger. Les institutions sociomilitaires restèrent cependant inchangées durant des siècles, en dehors de quelques réformes constitutionnelles, et ce grâce à la stabilité inhérente au système Spartiate et en dépit de la menace continuelle de soulèvement à l'intérieur des frontières.
2. Au début du VIIe siècle, Sparte n'était pas encore l'État fermé et despotique qu'elle devint par la suite. Elle entretenait des relations normales avec le reste de la Grèce ; l'art et l'artisanat y étaient extrêmement développés et la ville était célèbre pour le chant lyrique. Toutefois, le seul poème lyrique composé durant la seconde guerre de Messénie fut l'élégie martiale de Tyrtée ; par la suite l'art poétique sembla disparaître.
Le garçon recevait à sa naissance une portion de terre inaliénable si, jugé sain et bien formé, il n'était ni rejeté ni exposé par les anciens de sa phratrie. L'adulte vivait dans son village et non sur ses terres; il pouvait, semble-t-il, posséder des terres privées en plus de la terre de l'État reçue à la naissance. Certains Spartiates étaient certainement plus riches que d'autres, mais tous se voyaient interdire les affaires et le commerce, du ressort des pé-rièques, tout comme la culture des terres revenait aux hilotes. À partir de sept ans, l'enfant Spartiate recevait une éducation militaire, ce qui valut à Sparte d'avoir la meilleure armée de Grèce et d'instituer progressivement une vie dont l'austérité devint proverbiale. Enlevé à sa famille et enrôlé dans un corps de jeunes garçons du même âge, dirigé par un aîné, il passait quatorze ans dans ce groupe, recevant une éducation fondée sur la ténacité, l'endurance et la discipline militaire. Les filles étaient également soumises à un entraînement physique. La musique et la danse faisaient partie des activités en raison de leurs applications militaires. La lecture et l'écriture, en revanche, n'étaient enseignées que de façon rudimentaire. À la fin de son éducation, le jeune Spartiate était incorporé au groupe des eirênès (jeunes gens de vingt ans révolus) et vivait dans des quartiers communautaires jusqu'à trente ans. Il pouvait, pendant cette période, adhérer à la cryptie (police secrète). Il devenait citoyen à part entière à l'âge de trente ans et obtenait alors le droit de voter à l'assemblée, de se marier et d'être admis, si ce n'était déjà fait, à un «repas collectif» (syssition), où il devait dîner jusqu'à l'âge de soixante ans (c'était sans doute là qu'on servait le célèbre ordinaire Spartiate de brouet noir et de vin très dilué). Une société reposant sur ce type d'organisation ne favorisait guère les arts.
Le nombre des citoyens Spartiates diminua de façon régulière et sensible. On a beaucoup débattu des raisons de ce déclin, qui serait moins dû aux pertes lors des guerres qu'à la concentration de la propriété en un nombre limité de mains, en dehors des lots inaliénables, à l'absence de sang nouveau et enfin à une baisse de la natalité imputable au fait que les terres distribuées étaient insuffisantes pour faire vivre une famille. Aristote estimait leur nombre à moins de mille à l'époque de la bataille de Leuctres (371 av. J.-C.) et Plutarque évaluait le nombre des familles Spartiates subsistant vers 250 av. J.-C. à sept cents.
3. Politique d'alliances aux VIe et Ve siècles. Sparte mena tout d'abord une politique de conquêtes et d'expansion, affermissant sa prédominance au sein du Péloponnèse et affaiblissant sa principale rivale, Argos. Puis, vers le milieu du vie siècle, elle abandonna cette politique et commença, probablement sous l'influence de l'éphore Chi-lon, à consolider ses positions. Elle instaura une politique d'alliances qui aboutit à la constitution de la ligue du Péloponnèse (comprenant Corinthe et Mégare, mais ni Argos ni l'Achaïe). Chaque ville gardait son indépendance, ne payant aucun tribut, mais devait en cas de guerre fournir un contingent de troupes qui étaient dirigées par Sparte. Les déclarations de guerre devaient recevoir l'approbation de la majorité des États membres de la ligue et de l'apella Spartiate. Sparte était alors à son apogée. Ce n'est qu'en 499, lorsqu'elle refusa assistance aux Ioniens soulevés contre les Perses , qu'apparut l'étroitesse de sa politique, centrée sur les problèmes intérieurs. Mais, lorsque le roi de Perse Xerxès marcha contre la Grèce, Sparte prit comme Athènes le parti de la résistance et démontra la bravoure de ses soldats aux batailles des Thermopyles et de Platée. La défaite définitive des Perses à Mycale mit un terme à cette coopération, et la prédominance de Sparte dans les affaires grecques tendit à s'estomper. La trahison de Pausanias, la politique hostile à Sparte de l'Athénien Thémistocle et l'accroissement de la puissance athénienne qui s'ensuivit jouèrent un rôle décisif dans ce repli. Sparte eut également à affronter une tentative de coalition des États du Péloponnèse, un tremblement de terre qui détruisit la ville en 464 et la troisième guerre de Messénie (464-460), déclenchée par la révolte des hilotes. Elle surmonta également le premier conflit dû à l'impérialisme d'Athènes (460-446). Mais en 431, la crainte de l'expansion athénienne d'une part et les incitations de ses alliés de l'autre la poussèrent à déclarer de nouveau la guerre à Athènes qui prétendait arbitrer les affaires de la Grèce.
4. Hégémonie et déclin au IVe siècle. Sa victoire sur Athènes en 404 lui assura l'hégémonie de la Grèce, mais la diminution du nombre de ses citoyens, la rigidité de ses institutions ainsi que les ambitions personnelles de ses chefs (voir lysandre et agésilas) ne lui permirent pas de conserver longtemps ce rôle. Son arrogante politique de conquêtes entraîna l'hostilité de ses voisins, le soulèvement de Thèbes et sa propre chute.
A la fin de la guerre du Péloponnèse, Sparte avait conclu une alliance avec le satrape perse Tissapherne et, plus tard, avec celui de Phrygie, Pharnabaze. Mais la fin de la guerre mit un terme à cette politique. A la mort de Darius II Nothos, en 404, Sparte intervint dans les luttes de succession, prêtant main forte à Cyrus le Jeune qui tentait de renverser son frère Artaxerxès II, monté sur le trône (voir anabase). L'appel à l'aide des cités ioniennes contre Tissapheme et l'espoir d'un butin facile poussa Sparte à entrer en guerre contre la Perse (400-390). La guerre fut menée avec succès par Agésilas en 396-395; mais Lysandre fut tué en Béotie en 395, et Agésilas fut rappelé à Sparte pour faire face aux difficultés en Grèce même où une ligue regroupant Thèbes, Corinthe, Argos et Athènes s'était constituée contre Sparte. Malgré la victoire d'Agésilas à Coronée, en Béotie, en 394, la guerre de Corinthe se poursuivit jusqu'en 386, date à laquelle le roi de Perse Artaxerxès imposa une paix connue sous le nom de paix du Roi (ou paix d'Antalcidas). Ce fut un triomphe pour Sparte. La paix stipulait que les cités ioniennes, y compris Clazomènes et Chypre, se retrouvaient sous la domination perse, mais aussi que les autres cités devaient rester indépendantes, ce qui brisait les tentatives de restauration de l'hégémonie athénienne et laissait Sparte libre de démanteler les alliances qui lui étaient hostiles dans le Péloponnèse, tout en conservant sa propre ligue du Péloponnèse, considérée comme une association volontaire non assujettie à la clause d'autonomie. En 382, elle intervint pour stopper l'expansion de la Ligue chalcidienne (regroupant Olynthe et d'autres villes de Chalcidique) et l'obligea à signer la paix en 379. Pendant ce temps, le commandant de l'armée Spartiate marchant sur la Béotie avait accepté, poussé par la faction pro-spartiate, de s'emparer de Thèbes et avait occupé la Cadmée, citadelle de la ville (382). Pour cet acte d'agression non prémédité, les Spartiates infligèrent une amende à leur général, mais n'évacuèrent nullement la garnison qui campait dans la citadelle.
Au cours de l'hiver 379-378, un groupe d'exilés thébains conduits par le jeune Pélopidas expulsèrent les Spartiates de la citadelle de Thèbes. Athènes, qui avait envoyé des renforts pour cette attaque et craignait des représailles (Sparte fit un raid sur Le Pirée), entreprit de constituer des alliances qui débouchèrent sur la création de la Seconde Ligue athénienne (379-378). Plusieurs invasions de la Béotie par les Spartiates entre 378 et 375 se soldèrent par des échecs. Renouvelée à ce moment, la paix de 386 fut rompue par Sparte en 373. En 371, la paix entre Athènes, Sparte et Thèbes semblait pouvoir être restaurée, lorsque Sparte exigea que fut garantie l'indépendance des cités de Béotie vis-à-vis de Thèbes. Épaminondas refusa d'accepter ces conditions et Sparte reprit la guerre, mais fut vaincue à Leuctres (371). Ce fut la fin de l'hégémonie de Sparte sur la Grèce. Sparte fut envahie à plusieurs reprises par Épaminondas, à la tête des armées thébaines, qui lui porta un coup fatal en libérant la Messénie (370-369); celle-ci recouvrait son indépendance après trois siècles de soumission à Sparte. La formation de la Ligue arcadienne, suscitée par Thèbes (voir mégalopo-lis) après le désastre de Leuctres, affaiblit également l'influence de Sparte. L'invasion thébaine de 362, qui prit fin par la bataille de Mantinée, fut à la fois une victoire et un échec pour
Thèbes, puisque Épaminondas y trouva la mort. La paix fut signée la même année. Les succès de Thèbes au cours de cette période sont dus non seulement au génie d'Épaminondas, mais aussi à la diminution du nombre des citoyens Spartiates (voir ci-dessus).
5. Sparte après l'ascension de la Macédoine. Sparte ne fut pas conquise par Philippe II de Macédoine quand celui-ci se rendit maître du Péloponnèse après la bataille de Chéronée en 338, mais son territoire et sa puissance furent encore amoindris et elle ne joua plus un rôle de premier plan en Grèce. L'un des faits marquants de son histoire tardive (en dehors de la défense courageuse de la cité lors de l'attaque de Pyrrhus en 272, au cours de laquelle les femmes jouèrent un rôle prépondérant) fut la révolution sociale tentée par le roi Agis IV (242 av. J.-C.) et mise en oeuvre par Cléomène III (227). À cette époque, la concentration des biens entre quelques mains et la réduction du nombre de citoyens avaient déstabilisé et affaibli la cité. Le problème de l'endettement des particuliers avait resurgi, les institutions collectives comme les syssities étaient tombées en décadence et l'ancien système d'assignation de lots de terre était totalement désorganisé. Agis IV proposa l'abolition des dettes et un nouveau partage des terres Spartiates pour constituer un corps de 4 500 nouveaux citoyens, regroupant les derniers Spartiates, des périèques et certains étrangers. Cette tentative fut mise en échec par un éphore conservateur (l'oncle d'Agis) et Agis exécuté après un jugement sommaire en 241. Ce projet, légèrement modifié et complété, fut mis en application par Cléomène III qui, après avoir vaincu la Ligue achéenne en 227, laissa son armée de citoyens sur place et revint à Sparte par surprise. Il entra dans la ville, fit massacrer les éphores et s'empara du pouvoir. Il appliqua alors ses réformes et remit en vigueur ce qu'il estimait être les institutions de Lycurgue. Après d'autres succès militaires, Cléomène fut vaincu en 222 par Antigone Doson, roi de Macédoine, allié des Achéens. Il abandonna alors la lutte et partit en exil. Sparte fut conquise, incorporée à la Ligue hellénique et reçut un gouverneur macédonien. Les luttes incessantes de Sparte contre la Ligue achéenne (en 188, Sparte fut conquise par Philopoemen, général et chef de la Ligue achéenne) furent en partie responsables de la conquête romaine de la Grèce en 146 av. J.-C.
6. Les caractéristiques de Sparte. Sparte se distinguait des autres États grecs, non seulement par la spécificité de sa constitution et le rôle éminent accordé à l'entraînement militaire, mais aussi par certaines coutumes. L'usage des pièces de monnaie, par exemple, ne fût introduit qu'à partir du IIIe siècle av. J.-C., des broches de fer, obeloi, ayant servi auparavant pour les échanges (voir monnaie) ; les femmes jouissaient à certains égards d'un statut de quasi-égalité avec les hommes. Elles bénéficiaient de plus d'indépendance et d'autorité que les Athéniennes et jouaient un rôle dans la sauvegarde du bien public. La réputation de concision des Spartiates est à l'origine du terme «laconique» (de Laconie); lorsque Philippe de Macédoine leur écrivit : « Si j'envahis la Laconie, vous serez chassés », ils répondirent : « Si ».
SPARTE. Célèbre cité dorienne de la Grèce antique située au sud du Péloponnèse dans la plaine de Laconie traversée par le fleuve Eurotas. Puissante cité oligarchique, elle fut la grande rivale d'Athènes. Habitée à l'époque mycénienne par les Achéens, elle est dans Homère le royaume de Ménélas submergé par les Doriens. Sparte fut formée vers le milieu du IXe siècle av. J.-C. de la réunion de quatre villages doriens. Elle conquit, au cours de guerres sanglantes, la riche Messénie, réduisant sa population en esclavage. Elle devint alors la plus vaste des cités grecques (environ 4 100 km2) et contrôla presque tout le Péloponnèse. Mais pour conserver sa puissance, la cité se ferma, indifférente à la vie artistique et intellectuelle, et se transforma en une immense caserne. Un législateur, Lycurgue, lui aurait donné ses institutions. La population était divisée en trois classes : les Egaux, petite minorité de citoyens voués à la vie militaire, les Périèques et les Hilotes. La cité était oligarchique car le pouvoir était détenu par un petit nombre. Deux rois héréditaires, chefs religieux et chefs de guerre, étaient à la tête de l'État. Mais c'étaient les Éphores et la Gérousia qui gouvernaient, l'assemblée du peuple ou Apella ne jouant presque aucun rôle. Sparte était à la fin du VIe siècle av. J.-C. la cité la plus puissante de Grèce. Après avoir participé aux guerres Médiques, elle s'éleva contre l'impérialisme d'Athènes qu'elle affronta victorieusement au cours de la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.). Alliée aux Perses après la paix d'Antalcidas vers 386 av. J.-C., elle retrouva son hégémonie en Grèce avant d'être éclipsée par Thèbes (Leuctres, 371 av J.-C.). La cité ne participa pas à la résistance grecque contre les Macédoniens de Philippe II. Soumise à Rome, puis dévastée par les invasions barbares, ses habitants l'abandonnèrent au Moyen Âge. Il ne reste aujourd'hui rien de Sparte, même pas une ruine. Voir Péloponnésienne (Ligue).
