SOUVENIR
SOUVENIR, v. pron. et n.m. (lat. subvenire «venir en-dessous», «venir en aide», «se présenter»). ♦ 1° Verbe pronominal. Évoquer spontanément ou volontairement des savoirs acquis, des faits ou des événements de notre vie passée. ♦ 2° Substantif, a) Le contenu de la mémoire ; b) Un objet qui stimulera la mémoire. Bergson a distingué, dans Matière et Mémoire, la mémoire-habitude, mécanisme monté en nous par la répétition, et la mémoire-souvenir, mémoire véritable, propriété de l'esprit qui dure. La mémoire-souvenir est une évocation de notre histoire passée, avec toute la richesse de son contenu représentatif et affectif, et sa situation dans le temps et le lieu.
SOUVENIR
Désigne à la fois l’acte par lequel un élément du passé revient (volontairement ou non) à la conscience d’un sujet et le « contenu » de cet acte.
souvenir, fait qui revient à l’esprit. Le souvenir n’existe pas par lui-même ; c’est une manifestation de l’esprit qui reconstruit le passé en le revivant à partir du présent. Cette reconstruction spontanée est possible grâce aux cadres sociaux de la mémoire (M. Halbwachs). Cependant, malgré tous les repères dont nous disposons, le souvenir évoqué n’est jamais fidèle ; il est toujours une interprétation, une schématisation de la réalité. Certains souvenirs, apparemment insignifiants, peuvent masquer des expériences infantiles importantes. S. Freud leur a donné le nom de « souvenirs-écrans ».
Souvenir
Les souvenirs sont des éléments de la vie intérieure, un aliment pour la sensibilité qui les préfère souvent au présent et cherche à les fixer pour nier la fuite du temps. Rousseau, Les Confessions, Les Rêveries du promeneur solitaire; Lamartine, Méditations poétiques; Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe ; Musset, Poésies nouvelles (Souvenir) ; Nerval, Sylvie; Hugo, Les Feuilles d’automne, Les Contemplations; Baudelaire, Les Fleurs du Mal; Fromentin, Dominique; Verlaine, Poèmes saturniens; Apollinaire, Alcools; Aragon, Le Roman inachevé. Il semble aisé, pour certains, de les retrouver et de les fixer : Colette, La Maison de Claudine, Sido; Pagnol, La Gloire de mon père. Pour d’autres, leur recherche est aléatoire : Proust, À la recherche du temps perdu;, Sarraute, Enfance; Modiano, Rue des Boutiques obscures. Gide oppose au culte des souvenirs la saveur de l'instant présent : « Le plus beau souvenir ne m’apparaît que comme une épave du bonheur» (Les Nourritures terrestres).
SOUVENIR D'ENFANCE (PREMIER). Les plus anciens souvenirs d’enfance remontent dans la majorité des cas à l’âge de 2 à 5 ans. D’autres sont encore plus reculés. Par contre, des sujets prétendent ne pas avoir de souvenir avant l’âge de 7 à 8 ans. Adler attribue aux plus anciens souvenirs une importance particulière. Pour que le sujet ait retenu précisément tel événement parmi les innombrables impressions qui meublaient sa vie à l’époque où se situe le souvenir, il faut lui attacher une importance particulière et une double signification. a) Le souvenir retenu évoque une époque où s’élabore le style de vie du sujet et témoigne d’une ébauche d’un dynamisme psychique caractéristique de la personnalité ; b) avec sa représentation visuelle, la note affective qui la sous-tend et la direction qu’il indique, le souvenir est révélateur d’un fragment du style de vie. Chaque sujet a ses souvenirs spécifiques. Mais il est possible de découvrir des types de souvenirs qui dans leur plasticité sont particulièrement parlants : naissance d’un cadet, maladies ou accidents, séparation d’avec la mère, entrée au jardin d’enfants. SOUVENIR-ECRAN. Souvenir infantile en apparence insignifiant qui s’impose au sujet par sa netteté. Des expériences infantiles ou des fantasmes inconscients se trouvent souvent déplacés dans des souvenirs-écrans ; il importe de mettre en relation ces derniers avec les contenus psychiques refoulés. « Les souvenirs-écrans, dit Freud, contiennent non seulement quelques éléments essentiels de la vie infantile, mais véritablement tout l’essentiel. Il ne faut que savoir l’expliciter à l’aide de l’analyse. Ils représentent les années oubliées de l’enfance aussi justement que le contenu manifeste des rêves en représente les pensées. »
SOUVENIR (n m.) 1. — Tout ce qui, des expériences passées, revient à la conscience et est reconnu comme tel. 2. — Syn. mémoire au sens 1. 3. — Pour Bergson, tout état ancien de la conscience qui est censé se conserver et pouvoir reparaître. 4. — Tout objet qui rappelle un événement passé à une personne.
Liens utiles
- Analyse "Strophes pour se souvenir" Aragon
- Du « souvenir immortel » d'un baiser au présent de l'écriture marqué par la douleur (« je ne puis plus vivre dans l'état où je suis »): la plainte d'un être divisé - Julie ou La Nouvelle Héloïse. Commentaire
- En quel sens percevoir est-ce se souvenir ?
- Que pensez-vous de cette évocation par le poète Auguste Dorchain des héroïnes de Racine? Regardez-les marcher : de leur blancheur vêtues, Elles passent avec des gestes de statues; Elles gardent, ainsi qu'un souvenir du ciel, Jusque dans la douleur le rythme essentiel, Et meurent en chantant, comme de divins cygnes, Sans altérer la paix et la splendeur des lignes...
- « Je n'ai pas de souvenir d'enfance », dit Georges Perec dans son autobiographie. Pourquoi, selon vous, le souvenir d'enfance constitue-t-il le coeur de toute écriture autobiographique ? Développez vos réflexions en vous appuyant sur les textes du corpus (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, W ou Souvenir d'enfance de Perec, et La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de Delerm).