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SOUFFRANCE

SOUFFRANCE, n.f. (lat. suffere «supporter», «subir»). La souffrance est un phénomène spécifiquement humain. C'est l'état d'une personne qui est affectée par une douleur. La double dimension de l'être humain fait que l'homme connaît des souffrances physiques et des souffrances morales. Les occasions de souffrance sont nombreuses. À toutes celles causées par les maladies et les difformités, il faut ajouter les calamités naturelles, les épidémies, les catastrophes, les guerres et toutes les épreuves personnelles, la mort de ceux que nous aimons, les échecs, les injustices, la solitude, les persécutions, le remords de la conscience. La souffrance dans le monde pose un important problème philosophique. Elle met en cause la puissance, la bonté ou la justice de Dieu. Elle a inspiré le pessimisme des religions orientales, pour qui l'existence est un mal et la sagesse consiste à renoncer à toute volonté personnelle. Si l'on prononce sur l'existence un jugement positif, il faut dire que l'homme souffre en raison d'un bien auquel il ne participe pas, dont il est dépossédé ou dont il est privé. Alors, pourquoi ? Si Dieu est tout-puissant et tout bon, il faut dire que l’homme est responsable du malheur qui lui arrive. C'est souvent vrai, mais que dira-t-on du malheur innocent, sur lequel Camus a posé des questions ardentes ? On parle aussi parfois avec légèreté des bons effets de la souffrance ; il est vrai qu'elle corrige, qu'elle stimule, qu'elle renouvelle l'énergie spirituelle, qu'elle donne de l'expérience, qu'elle attendrit, qu'elle convertit. Mais elle peut aussi détruire, anéantir ou révolter. La vérité est que la souffrance est une donnée de fait, à laquelle personne n'échappe. La réponse stoïcienne, s'élever à l'apathie par la connaissance de la nécessité des événements, est peu humaine. La réponse chrétienne, bien pensée, apporte, à la fois, lumière et espérance : c'est globalement, et non individuellement, qu'à l'origine des souffrances du monde se trouvent des fautes dont la responsabilité revient à l'homme. Ces fautes, l'amour de Dieu les a réparées par les souffrances du Christ. C'est la dignité de l'homme d'être associé à cette souffrance réparatrice et d'atténuer autant que possible les souffrances humaines par sa charité active. Mais surtout, le temps présent s'ouvre sur une perspective de plénitude : la béatitude lui succédera.

Souffrance

1 Peinture de la souffrance : cf. Malheur, Destin.

a) Passions et souffrance : cf. Passions, 1 et 4. L’amour est par excellence la passion qui fait souffrir (cf. Amour, 1 ; Jalousie) : Béroul, Tristan et Iseut; Chrétien de Troyes, Yvain ou le Chevalier au lion; Racine, Andromaque, Phèdre; Guilleragues, Lettres portugaises; Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves; Prévost, Manon Lescaut; Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse; Constant, Adolphe; Hugo, Ruy Blas; Musset, La Confession d’un enfant du siècle, Poésies nouvelles; Balzac, Eugénie Grandet, Le Lys dans la vallée; Flaubert, Madame Bovary, L’Éducation sentimentale; Fromentin, Dominique; Goncourt, Germinie Lacerteux; Apollinaire, Alcools; Claudel, Partage de midi; Proust, À la recherche du temps perdu. Si l’idée de culpabilité s’attache à la passion, on passe à l’idée de punition (cf. ci-dessous, 2, a). b) Société et souffrance : cf. Misère, Justice, 3 ; Égalité, 4. Les parias de la société. Le poète : Vigny, Chatterton (cf. Poète maudit). L’inventeur : Balzac, Illusions perdues (Les Souffrances de l’inventeur). Le soldat : Vigny, Servitude et grandeur militaires. L’enfant, la femme, le peuple, Touvrier : Sue, Les Mystères de Paris; Hugo, Les Misérables; Zola, L’Assommoir, Germinal. c) Guerre et souffrance : cf. Guerre, 2; surtout Zola, La Débâcle; Barbusse, Le Feu; Romains, Les Hommes de bonne volonté (Verdun).

2 Signification de la souffrance : cf. Mal, Providence, Absurde.

a) Châtiment et réhabilitation par la souffrance (idée chrétienne) : Angoisse, Faute, Sacrifice, Rachat. Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse; Balzac, Le Lys dans la vallée; Nerval, Aurélia; Hugo, Notre-Dame de Paris, Les Contemplations, Les Misérables, La Légende des Siècles; Baudelaire, Les Fleurs du Mal (Bénédiction), Petits poèmes en prose; Péguy, Ève; Claudel, L’Otage, L’Annonce faite à Marie, Le Soulier de satin; Bernanos, Journal d’un curé de campagne, Nouvelle histoire de Mouchette; Mauriac, La Fin de la nuit, Le Nœud de vipères. b) Révolte contre la souffrance : Voltaire, Candide; Vigny, Les Destinées; Martin du Gard, Les Thibault; Malraux, La Condition humaine; Camus, Caligula, La Peste.

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