Databac

SOCRATE

SOCRATE Philosophe grec qui vivait au IVème siècle avant Jésus-Christ et dont la méthode consistait à amener son interlocuteur à découvrir la vérité par des questions pertinentes qui le plaçaient devant ses contradictions. Il fût accusé d’avoir une influence pernicieuse sur la jeunesse et d’impiété. Condamné à mort, il dut boire un breuvage à base de ciguë. De nos jours encore, des exécutions capitales sont réalisées en se servant du poison. Ainsi, dans certains états d’Amérique, on administre aux condamnés des injections mortelles de poison.

Socrate, fils de Sophronisque, sculpteur, et de Phénarète, accoucheuse, né à Athènes l'an 470 avant J.-C., exerce d'abord la profession de son père. Il s'adonne à la philosophie, grâce à Criton, riche Athénien qui lui fournit les moyens de s'instruire. Il apprend la rhétorique sous le sophiste Prodicus de Céos et la philosophie sous Anaxagore et sous Archelaüs, donne bientôt lui-même des leçons publiques sans rétribution aucune et va jusqu'à refuser les présents que ses amis et ses disciples lui offrent. Il épouse Xantippe, femme acariâtre et violente, pour s'exercer, dit-il, à la patience. Pendant la paix, il enseigne la morale, exhorte les jeunes Athéniens à s'éloigner des plaisirs, à aimer leurs parents et à observer les lois. Pendant la guerre, il se fait soldat et se conduit avec bravoure. Au siège de Potidée, il sauve Alcibiade en l'arrachant des mains de l'ennemi. À la bataille de Délium, il dégage Xénophon de la mêlée et le transporte en lieu sûr. Socrate donne, comme citoyen, de grands exemples de fermeté d'âme. Désigné par le sort pour faire partie du sénat qui doit juger des généraux athéniens accusés de n'avoir pas donné la sépulture aux morts après le combat des Arginuses, il refuse de s'associer à la condamnation inique qui est prononcée en cette circonstance. Les libertés de langage et l'ironie de Socrate lui valent de nombreux ennemis. Aristophane le tourne en ridicule dans ses Nuées le peintre Zophyre lui attribue les pensants les plus honteux ; enfin Mélitus l'accuse de corrompre la jeunesse d'Athènes, de mépriser les dieux et d'adorer des divinités nouvelles. Anyfus, homme influent du parti démocratique, soutient cette accusation avec d'autant plus d'ardeur» que Socrate est partisan zélé de l'aristocratie. Condamné à mort, ce sage boit sereinement la ciguë au milieu de ses disciples en pleurs et meurt en l'an 400 avant J.-C., à l'âge de 70 ans. Socrate combat à outrance les sophistes qui croient tout connaître, il ramène les -philosophes à l'étude de la morale pure et à la connaissance de l'homme, en répétant constamment sa maxime favorite: « Connais-toi toi-même ! » Il est tempérant, désintéressé et indulgent, il a l'amour du bien et du beau, l'horreur du vice qu'il considère comme une erreur, enseigne l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. Ses disciples Platon et Xénophon vénèrent la mémoire de celui que l'oracle de Delphes avait proclamé le plus sage des hommes.

Considéré comme le père de la philosophie occidentale, Socrate demeure un personnage énigmatique car il n’a laissé aucun écrit. Connu soit par ses détracteurs (Aristophane, Les Nuées) qui en font un être ridicule ou un dangereux sophiste, soit par ses disciples souvent enthousiastes (Xénophon, Platon, Aristote), il apparaît, dans la tradition, comme un exceptionnel éveilleur d'esprit. Platon, qui reçut son enseignement, exprime généralement sa doctrine par le truchement de Socrate, meneur de jeu de la plu- part de ses dialogues. Parmi ceux-ci, l'Apologie de Socrate, le Criton et le Phédon nous donnent des renseignements sur sa vie et sa mort. Notons qu'à la fin du Banquet, Alcibiade, opposant la laideur physique de Socrate à sa beauté morale, le compare à la statue d’un Silène grotesque qui cache un dieu. Né à Athènes d'un sculpteur et d'une i sage-femme, il pratique d'abord l'art de son i père et mène une existence simple auprès de Xanthippe, son insupportable épouse, jusqu'à un événement qui suscitera sa vocation philosophique : la Pythie, oracle de Delphes, ayant déclaré à un de ses amis qu'il était le plus sage des hommes, Socrate, d’abord incrédule, voulut éclairer le sens de ces paroles et commença une vie d'enquêtes auprès des Athéniens, pour découvrir en quoi résidait sa supériorité. « Tout ce que je sais, conclut-il, c'est que je ne sais rien, tan- dis que les autres croient savoir ce qu'ils ne savent pas. » Mais cette lucidité dérangeait le conformisme intellectuel de beaucoup, et si les interminables discussions de Socrate intéressaient passionnément les jeunes gens, elles vont bientôt inquiéter les nantis, qui l'accuseront d'impiété et de corruption de la jeunesse, il sera finalement condamné à mort au terme d’un procès où il déploiera en vain les arguments de sa défense (Apologie).

♦ La philosophie de Socrate est d'abord, en un sens, une réponse à Anaxagore qui prétendait que l’homme n'est intelligent que parce qu'il a des mains, En réalité, la supériorité de l'être humain est à chercher dans son âme intelligente, qui gouverne le corps et participe du divin. D'où un certain nombre de prescriptions. Si l’homme possède en effet une âme d'origine divine (contrairement aux croyances établies, Socrate soutient que les dieux ne souffrent pas des passions humaines), on comprendra la nécessité de la mieux connaître et l'exigence du « Connais-toi toi- même », formule inscrite au fronton du temple de Delphes. D'autre part, la maîtrise du corps sera confortée par la croyance en l'immortalité de l'âme (cf. le Phédon de Platon). Ajoutons l'exemple de courage et de sérénité que nous donne Socrate lui-même avant de boire la ciguë : il se compare au cygne qui, au moment de mourir, chante, non de douleur, mais de joie et d'espérance.

♦ Mais la véritable dignité de l'âme procède de la science, qui est son patrimoine authentique. Une science qui ne porte pas, comme de nos jours, sur les phénomènes du monde extérieur : Socrate prend même position contre les théoriciens de la nature qui n’ont pas le sens de l'humain - et aussi, d'ailleurs, contre les sophistes qui ne possèdent pas, à l'inverse, le sens de la science. En combinant les principes acceptables de la physique et de la sophistique -la forme scientifique de la première et le souci des choses humaines de la seconde -il constitue la sagesse ou science morale qui est au centre de sa démarche. Renonçant à comprendre l'univers, l'esprit doit descendre en lui-même pour dégager les vérités qui sommeillent en lui à l'état de virtualités (théorie platonicienne de la réminiscence), et il sera ainsi capable de maîtriser le savoir sans soumission aux choses extérieures (comme le montreront Descartes et Kant). Rejetant ce qui émane des sens et des passions individuelles, la science portera sur la nature humaine dans ce qu’elle a d'universel, en un mot sur les concepts, dont Socrate est le véritable découvreur. Par induction, on parvient de la sorte à dégager des essences et à les exprimer par des définitions : ainsi Socrate - préparant la théorie platonicienne de l'idée - s’efforce-t-il de définir par exemple le courage (Lâchés) ou l'amitié (Lysis).

♦ Or, l'art de bien vivre qui donne accès au bonheur (selon la tradition antique, le bien, c’est le bonheur) dépend de la science de l'âme qui, déjouant l'habileté des sophistes, démasque l'aveuglement des hommes, trop souvent préoccupés de choses futiles (richesse, réputation, etc.) et se désintéressant de l'essentiel, c'est-à-dire de la vérité dont leur âme est porteuse. Cette science commence par un travail de purification (déjà proposé par les orphiques et les pythagoriciens) qui consiste à se dépouiller des opinions reçues ; elle met alors en évidence diverses qualités (tempérance, justice, etc.) qui se transformeront en vertus si l'on en use convenablement. En fait, la connaissance exacte du bien (qui est en même temps l'avantageux) déclenchant une tendance irrésistible à son accomplissement, conduit nécessairement à la vertu : « Nul n'est méchant volontairement », sinon par ignorance. La méthode utilisée exclut toute révélation extra-intellectuelle - le démon socratique est force de dissuasion, non de création - et obéit à la dialectique. À travers ses deux étapes, l'ironie et la maïeutique ou art d'accoucher les esprits, la dialectique permet à Socrate de dégager - dans un climat d'amitié - les points d'accord entre interlocuteurs, c'est-à-dire les vérités reconnues universellement selon l'exigence de la raison.

♦ Fondateur de la philosophie morale et premier théoricien de l'intellectualisme (ce qui lui vaudra l'hostilité de Nietzsche*), apôtre de la liberté de jugement et de la réflexion personnelle, Socrate a servi d'exemple à l'ensemble de la tradition philosophique.

« CONNAIS-TOI TOI-MÊME »

Inscription placée sur le fronton du temple de Delphes et devise attribuée à Socrate. Il ne s’agit pas d’une invitation à pratiquer l’introspection pour dégager les traits psychologiques d’un individu. C’est une incitation à mettre en évidence ce qui constitue la condition humaine : « C’est de l’âme qu’il faut avoir souci. » À l’opposé de la connaissance utilitaire chère aux sophistes visant la maîtrise des autres ou des techniques, le « Connais-toi » socratique est une recherche de l’universel dans le but d’atteindre une règle de sagesse.

SOCRATE, philosophe grec (Alôpekê, Attique, 470 - Athènes 399 av. J.-C.), fils d'un sculpteur et d'une sage-femme. Socrate n'a rien écrit; nous le connaissons surtout par les « dialogues » de Platon, écrits sous le coup de l'indignation, après la condamnation à mort de son maître (Apologie de Socrate, Criton), puis par Phédon, le Banquet et Théétète. On représente Socrate toujours discutant, vêtu d'un manteau grossier, parcourant les rues pieds nus, par tous les temps. D'un tempérament extrêmement robuste, à l'extérieur vulgaire, au nez camus, il ne ressemblait nullement aux sophistes richement habillés, qui attiraient les Athéniens, ni aux sages d'autrefois qui occupaient en général des fonctions importantes dans leur cité. Critique impitoyable des opinions humaines et de la tyrannie, guerrier courageux, excellent citoyen, il forme un type nouveau qui va devenir le modèle constant, dans l'avenir, d'une sagesse toute personnelle, qui ne doit rien aux circonstances. On rencontrait le philosophe partout où se portait la foule (assemblées du peuple, fêtes publiques, gymnase), se présentant comme « celui qui ne sait rien », interrogeant sans cesse les Athéniens, surtout les jeunes, pour détruire l'éducation acquise sans réflexion et stimuler la réflexion personnelle, prouvant par exemple au héros Lakhès qu'il ne sait pas ce qu'est le courage, aux hommes politiques qu'ils ne connaissent pas l'essence de la politique. Telle est l'ironie socratique (qui ne signifie nullement « moquerie » mais « interrogation » — du grec eirôneia). Son but était d'éveiller ou — comme il le disait — d'« accoucher » les âmes du savoir préformé qu'elles portent en elles : telle est la « maïeutique » socratique (du grec maieutikê, art de faire accoucher). Il fut finalement condamné à mort sous l'inculpation d'avoir « voulu corrompre la jeunesse et d'avoir honoré d'autres dieux que ceux de la cité ». De fait, Socrate avait ébranlé la tradition et préparé la conscience antique à un autre message, celui du christianisme. Il but la ciguë en conversant et mourut avec sérénité. Sa mort a contribué à en faire celui que Hegel appelle un « héros de l'humanité ». — De Socrate, il nous reste la figure d'un apôtre de la liberté (tant sociale qu'individuelle : de la liberté de « jugement ») et de l'amitié entre les hommes. La seule prière que nous lui connaissons était ainsi conçue : « Mon Dieu, donne-moi la pureté intérieure. » Le discours que Platon lui attribue dans son dialogue le Banquet, où Socrate fonde la connaissance dans l'amour et dans la participation avec la divinité, l'évocation fréquente des « mystères » religieux (des « mystères » d'Eleusis, de la voix de la pythie, etc.), son inclination pour le spiritualisme pythagoricien, sa sensibilité à la poésie laissent entrevoir, sous l'extérieur rude de l'homme et derrière le rationalisme moral, un fond certain de mysticisme.

Socrate, philosophe et sage (Alôpekê, près d’Athènes, v. 470-Athènes 399 av. J.-C.). Son père, Sophronisque, était statuaire, et sa mère, Phainaretê, sage-femme. Élève de son père, il apprit d’abord la sculpture et on lui attribuait un groupe de Kharites (Grâces) vêtues, placé sur l’Acropole. Criton, qui resta son ami et son disciple fidèle jusqu’à sa mort, l’aida à se libérer de sa profession après la mort de son père et à étudier auprès des sophistes et des philosophes. On ne sait quand, ayant découvert sa propre voie, il commença à parcourir Athènes, allant dans les gymnases, sur les places publiques, dans les boutiques des artisans, s’entretenant avec chacun de son métier, de ses idées, de tout ce qui pouvait concerner autrui et lui-même, comme pour parvenir à une plus complète connaissance de l’humain. Jamais il n’ouvrit d’école, car il réservait son activité au vaste champ de la cité entière et s’il passa sa vie à se mêler à la vie publique, il ne prit guère de part à la vie politique. En 432-430, il participa au siège de Potidée et sauva Alcibiade, blessé ; dès cette époque, il avait déjà commencé sa nouvelle vie en quête des autres et de lui-même. Il servit encore comme hoplite en 424 à Délion et en 423 à Amphipolis. Par sa dialectique, il conduisait ses adversaires à se contredire et, par ses discours, il exhortait les jeunes gens à se tourner vers le bien en éveillant en eux la conscience morale. Il était célèbre pour l’austérité de ses mœurs, allant nu-pieds et portant le même manteau par tous les temps, mais, au lieu d’affecter une sévérité qui aurait rebuté ses auditeurs, il s’exprimait avec une bonhomie et une sorte d’humour qui lui ralliaient les suffrages de la jeunesse tout en lui aliénant les conservateurs et les pédants, dont il dévoilait la pauvreté intellectuelle. En 406, il fut nommé bouleute ; étant prytane lorsqu’on jugea les généraux après la bataille des îles Arginuses, il fut le seul à s’opposer à leur condamnation. Sous le gouvernement des Trente —► conseil, il refusa d’obéir à Critias et à Chariclès, qui voulaient l’envoyer arrêter leur ennemi Léon à Salamine. Adversaire de toute tyrannie, qu’elle vînt de l'aristocratie ou du peuple, il avait des ennemis et des amis dans tous les partis. Cependant, alors que la tyrannie des Trente l’épargna, ce fut lorsque la démocratie fut réinstallée à Athènes qu’il se vit accusé par Lycon, par Mélétos et par le démagogue Anytos d'impiété et de corruption de la jeunesse. Socrate n’ayant pas voulu fuir, il comparut devant l’héliée, et, bien que Lysias lui eût préparé un brillant plaidoyer, il se défendit par un discours plein de noblesse et de fierté, dont Platon nous a conservé la substance. À la honte des juges et de la démocratie athénienne, il fut condamné à mort.


Socrate (v. 470-399 av. J.-C.) ; philosophe athénien.

Figure emblématique de la philosophie grecque, il est témoin de l’apogée d’Athènes, sous Périclès, et victime des tensions civiques que crée la guerre du Péloponnèse à partir de 415. Né dans un milieu d’artisan, d’un père tailleur de pierre et d’une mère sage-femme, c’est, selon la tradition, un autodidacte, formé à la philosophie sur le tard, lors de ces rencontres internationales que constituent les fêtes de Delphes ou de l’isthme. Il commence à enseigner à Athènes vers 435 : enseignement uniquement oral, le long des rues, qu’interrompt à plusieurs reprises sa participation aux campagnes militaires de 433-432, 424, 422. Il sert comme fantassin (hoplite). Il se marie également tardivement, une première fois avec Xanthippe, qui lui donne un fils vers 420, une seconde fois (bigamie ? concubinage ?) avec une noble désargentée, Myrto, mère de deux autres fils. Dès 423, il devient un homme public, caricaturé par Aristophane. Il intervient peu dans les luttes qui opposent oligarques et démocrates entre 411 et 403, mais refuse quand même, comme prytane, de voter une résolution illégale en 406 ou d’effectuer des arrestations arbitraires au nom des Trente en 404. Parmi ses élèves, il compte les personnages les plus compromis de cette époque troublée, Alcibiade et Critias, et on lui fait porter la responsabilité de leurs sacrilèges et de leurs actions subversives. Dans la foulée des procès politiques qui marquent la restauration démocratique de 403, il est jugé et condamné à mort en 399, sur la double accusation de corruption de la jeunesse et d’impiété. Ses détracteurs l’assimilent aux sophistes (des conférenciers itinérants vénaux et incrédules), alors que son enseignement est gratuit et voué au bien public. On le confond avec les savants dangereusement novateurs, alors qu’il ne s’intéresse qu’à l’homme et à la connaissance de soi-même, suivant les préceptes delphiques ; sa méthode est celle de l'« accouchement » (maïeutique). Quoique respectueux des rites officiels, il est l’un des premiers à intérioriser le divin, ce qui est mal compris. Mais S. a aussi d’ardents défenseurs, au premier rang desquels Platon et Xénophon. Tous les philosophes du IVe siècle se réclament de lui : Phédon à Elis, Aristippe à Cyrène, Antisthène à Athènes, fondateur du cynisme, Platon à Athènes, fondateur de l’Académie. Platon s’identifie complètement à lui, au point de publier presque toute son oeuvre en l’attribuant à S., sous forme de Dialogues qui le mettent en scène. Mais S. lui-même n’a rien écrit.

Bibliographie : C. Mossé, Le Procès de Socrate, 1989.

SOCRATE (Alôpekê, 470-Athènes, 399 av. J.-C.). Célèbre philosophe athénien, il s'est donné pour devoir de rechercher la vérité et de faire l'éducation morale de ses concitoyens. Dans les rues, les gymnases, les banquets, il discute et par d'habiles interrogations amène son interlocuteur à réfléchir par lui-même, sans préjugé. C'est la maïeutique ou « art d'accoucher les esprits ». Son enseignement lui attira beaucoup d'ennemis. Accusé de corrompre la jeunesse et d'impiété envers les dieux, il fut condamné par le tribunal de l'Héliée. Refusant par respect des lois de s'évader, il but un poison, la cigüe, tout en conversant, et mourut avec un calme exemplaire. Socrate n'a rien écrit. On le connaît grâce aux oeuvres de ses disciples Platon et Xénophon.




Philosophe grec

(470-399 avant J.-C.). • Bien qu’il n’ait rien écrit, Socrate incarne à lui seul l’idéal du philosophe. Ne poursuivant d’autre tâche que l’éducation morale de ses concitoyens, luttant - par le dialogue - contre les séductions rhétoriques des sophistes, Socrate fait quelques émules (dont Platon, qui le suivra pendant huit années et qui retranscrira ses plus belles joutes), mais se met à dos les notables d’Athènes, qui le font condamner à mort en 399. • Socrate, il est vrai, gêne. En feignant lui-même de ne rien savoir (ironie), il met au jour l’ignorance de ses adversaires, qui croient savoir alors qu’ils se font l’écho de l’opinion. À cette apparence de savoir, Socrate cherche à substituer un savoir authentique, par l’« accouchement des esprits » (maïeutique). • S’il prend pour devise le « Connais-toi toi-même » inscrit au fronton du temple de Delphes, c’est dans le souci d’exhorter les hommes à cultiver ce qu’il y a de plus élevé en eux - et donc à se rendre meilleurs. Ironie, maïeutique, opinion, rhétorique, savoir, sophistes.



Socrate (469-399 av. J.-C.)

. Philosophe grec, né en Attique dans le dème d'Alôpekê, près d'Athènes. Son père, Sophronisque, était sculpteur ou tailleur de pierres, et sa mère, Phénarété, était sage-femme. Socrate lui-même exerça le métier de sculpteur. À un âge assez avancé, il épousa Xanthippe, qui avait la réputation d'avoir mauvais caractère, et il en eut trois fils, encore très jeunes au moment de sa mort. Au cours de la guerre du Péloponnèse il combattit comme hoplite au siège de Potidée (432-430), à Amphipolis, puis lors de la retraite de Délion (424) ; il se distingua par son courage et par sa résistance physique. Il évitait en général de se mêler aux affaires publiques, mais lorsqu'il y prenait part son comportement s'accordait avec ses principes. Il était prytane en 406 lorsque les huit stratèges athéniens passèrent en jugement devant l'assemblée du peuple après la bataille des Argi-nuses ; il fut le seul à s'élever contre le caractère illégal d'une condamnation collective, suscitant ainsi dans le peuple une très vive hostilité. Un peu plus tard, sous les Trente Tyrans, il refusa de prendre part à l'arrestation d'un innocent que les Trente avaient condamné à mort, mettant ainsi en danger sa propre vie. Il préférait s'en tenir à sa propre conviction, sans égards pour la volonté du peuple ni pour celle des oligarques. Son mode de vie lui valut beaucoup d'ennemis; en 399, il dut répondre devant le tribunal d'une accusation portée par Anytos (un politicien du parti démocratique), Mélétos et Lycon, qui l'accusaient de ne pas croire aux dieux auxquels croyait la cité, d'introduire de nouveaux dieux et de corrompre la jeunesse, Le châtiment demandé était la mort. Il existe deux versions du discours que Socrate prononça devant le tribunal pour sa défense : l'Apologie (du grec apologia, défense) écrite par Platon; et (d'une forme moins authentique) l'Apologie de Xénophon; aucune des deux ne permet de déterminer clairement la véritable portée de l'accusation. Celle-ci s'appuyait sans doute sur les rapports bien connus que Socrate entretenait avec plusieurs des Trente Tyrans qui avaient renversé le régime démocratique, notamment Alcibiade et Critias. On ne lui reprochait pas seulement les opinions politiques de ses protégés; plus gravement, on avait l'impression que son enseignement sapait les fondements de la morale et de la religion traditionnelles, qui, pensait-on, avaient autrefois fait la grandeur d'Athènes : Alcibiade était soupçonné de sacrilège et Critias était athée. Les accusateurs de Socrate ne s'attendaient sans doute pas du tout à ce que la sentence de mort, qu'ils avaient proposée, fût exécutée : en effet, il était tout à fait possible à l'accusé, conformément à l'usage, de partir volontairement en exil avant le verdict; ou encore il aurait pu proposer comme châtiment l'exil, qui aurait vraisemblablement été préféré. Les juges, après avoir ou non voté la culpabilité (et dans ce cas ils votèrent coupable à une faible majorité), choisissaient entre la peine demandée par l'accusation et celle que proposait l'accusé ; or, comme il était absolument sûr de n'avoir jamais fait de tort à la cité, Socrate avait demandé, en guise de châtiment, d'être nourri au Prytanée aux frais de l'État pour le reste de sa vie (contre-proposition que les juges ne pouvaient évidemment accepter : c'était un privilège accordé aux grands bienfaiteurs de l'État), ou encore de faire payer à ses amis une amende à sa place. Il n'est donc pas vraiment surprenant que, au décompte des voix, des juges qui l'avaient déclaré non coupable aient finalement voté la mort. L'exécution fut différée pour un mois, dit Xénophon, tant que n'était pas revenu le navire de l'État parti à Délos pour une ambassade religieuse (voir délos). Socrate demeura en prison, recevant la visite de ses amis : leurs conversations sont le sujet du Criton et du Phédon de Platon. Ce dernier dialogue fait un récit émouvant de la mort de Socrate, du courage souriant avec lequel il but la coupe de ciguë (c'est par ce poison qu'à Athènes on exécutait les condamnés à mort). Socrate n'écrivit rien. Pour connaître sa pensée, et aussi pour comprendre son choix obstiné de la vie philosophique, nous dépendons des descriptions extrêmement divergentes que proposent Aristophane, Xénophon et surtout Platon. Socrate produisit un effet si profond sur ses contemporains et, par l'intermédiaire de Platon, sur la philosophie qui suivra, qu'on a pris l'habitude d'appeler présocratiques tous les philosophes antérieurs à lui. Xénophon exprime la profonde révérence qu'il éprouvait pour l'homme, mais ne comprend pas ses préoccupations philosophiques. Le portrait malicieux et satirique que propose Aristophane dans Les Nuées reflète les préjugés anti-intellectuels de son auditoire : il peint un Socrate qui ne diffère en rien des autres intellectuels du temps, les sophistes. Notons que dans l'Apologie de Platon, Socrate, parmi les raisons de son impopularité, mentionne l'influence «des poètes comiques», et que le Banquet de Platon s'efforce de montrer que dans la vie réelle Socrate et Aristophane étaient bons amis. Le Socrate de Platon est lui aussi dans une certaine mesure une invention de ce dernier, mais on peut reconnaître en lui certains traits qui ont réellement appar tenu à Socrate : son souci de distinguer la connaissance véritable des opinions, qui ne font que rencontrer parfois la vérité ; sa recherche de définitions (qu'est-ce que le courage? qu'est-ce que la justice ?), sans lesquelles aucune connaissance véritable n'est possible, si l'on croit que le courage et la justice sont des choses qui existent; la méthode d'enquête très spécifique, par questions et réponses (voir elenchos), qu'il utilise pour établir ces définitions ; la question de savoir si la «vertu», aretê, l'excellence du caractère, peut s'enseigner, comme le soutenaient les sophistes; le sentiment que la vertu est liée à la connaissance du Bien, et que celui qui possède cette connaissance ne saurait mal agir (« nul ne fait le mal en le sachant»). Toute cette recherche intellectuelle avait un but pratique, Socrate insiste sur le bonheur en ce monde que procure une vie droitement menée : « la vie sans examen n'est pas digne d'être vécue ». Sans aucun doute, ce genre de mise en question a rendu Socrate très impopulaire parmi ses concitoyens, sauf auprès des jeunes gens heureux de voir leurs aînés ainsi couverts de ridicule. Socrate se comparait au taon : il ne cessait de piquer les gens pour les sortir de leurs certitudes. Alcibiade, lui, le comparait à la raie, dont la piqûre provoque une sorte d'engourdissement. À la différence des gens qu'il interrogeait, lui-même professait une complète ignorance : s'il posait des questions, disait-il, c'est parce qu'il ne connaissait pas les réponses. Lorsque son ami Chéréphon, ayant demandé à l'oracle de Delphes s'il existait un homme plus sage que Socrate, revint porter la réponse qu'il n'en existait pas, Socrate en conclut que sa sagesse consistait à savoir qu'il ne savait rien, alors que les autres croyaient savoir quelque chose. Certains pensent que cette affirmation d'ignorance n'était qu'une pose, et en font un exemple de ce qu'on appelle l'« ironie socratique». Dans un passage célèbre du Théêtète de Platon, Socrate se compare à une sage-femme : il n'est pas un professeur, il ne peut pas donner naissance à la sagesse, mais il peut aider les autres à découvrir et à enfanter la vérité qui est en eux. Platon et Xénophon signalent tous les deux un aspect moins rationnel de Socrate, son daimonion, ou «signe divin », que souvent il appelle simplement « le signe habituel ». Dans l'Apologie, Platon fait dire à Socrate que ce signe est une sorte de voix intérieure qui depuis l'enfance, sans jamais lui ordonner d'agir, le détourne de telle ou telle action; voilà sans doute pourquoi, dit-il, on l'accuse d'introduire de nouveaux dieux dans la cité. C'est ce signe divin qui l'a empêché de prendre part à la vie politique. Selon lui, le signe lui était envoyé par les dieux, en qui il croyait sans la moindre hésitation, à la différence de la plupart des sophistes. D'autres traits le distinguent des sophistes contemporains; ainsi il n'enseignait pas, en ce sens qu'il ne dispensait pas de savoir en forme, et jamais il ne faisait payer les jeunes gens qui l'entouraient ; loin d'être sceptique ou relativiste en matière morale, il croyait que la vertu existe, qu'elle est connaissable, et que la vie heureuse n'a pas grand-chose à voir avec le succès matériel. Cependant son habitude de mettre en question les opinions adoptées sans examen avait sur ses auditeurs un effet destructeur qui n'épargnait pas la morale. Socrate était célèbre pour sa laideur physique : il avait le nez camus, les yeux proéminents, de grosses lèvres, un gros ventre ; il avait une façon bien particulière de regarder les gens, par-dessous ou de côté, tête baissée. Ce pendant cette laideur n'enlevait rien à sa personnalité charismatique. Dans le Banquet de Platon, Alcibiade oppose son apparence extérieure à son excellence intérieure (voir aussi silène). Une bonne part de l'influence exercée par Socrate sur la postérité a pour origine l'intégrité de son caractère, le souvenir laissé par son éloquence inspirée, sa brillante intelligence, et la cohérence de ses doctrines avec sa vie et sa mort, plutôt que ces doctrines elles-mêmes. Les écoles philosophiques fondées par les disciples de Socrate — Platon, Antisthène le Cynique, Euclide de Mégare, Aristippe, prédécesseur d'Épicure — étaient aussi différentes que possible, ce qui montre à quel point ses doctrines positives étaient peu nombreuses et mal fixées.



SOCRATE, athénien, modèle du sage, père de la grande philosophie grecque, maître de Platon (470-399 av. J.-C.); Il vécut pauvrement, interrogeant sans cesse ses concitoyens sur les sujets essentiels de l’existence (Maïeutique). Il participa aux campagnes militaires nécessaires à la défense de sa Cité. Il résista aux «Trente Tyrans», puis fut condamné à boire la ciguë par le régime démocratique qui leur succéda. Il n'a rien écrit. Il a vécu pour la justice et la vérité, jusqu’à leur sacrifier sa vie.

Liens utiles