SOCIALISME ET COMMUNISME
SOCIALISME ET COMMUNISME
Les termes de « socialisme » et de « communisme » sont liés de deux façons différentes. Dans le discours des dirigeants communistes du xxe siècle (Nikita Khrouchtchev par exemple), le socialisme est présenté comme une première phase de mise en place de la société nouvelle où s’appliquerait la règle : « À chacun selon son travail », devant être suivie d’une seconde phase proprement communiste où le principe serait : « À chacun selon ses besoins ». L’effondrement du communisme européen, le développement du « capitalisme sous dictature » du Parti communiste en Chine ont ôté toute pertinence effective à cette distinction, même si l’idéal d’une société communiste - où la propriété privée des moyens de production a été abolie, où la division du travail, l’aliénation par l’argent et par la religion ont été dépassées, etc. - conserve une valeur d’utopie critique et mobilisatrice pour quelques groupes se réclamant de Karl Marx (1818-1883) ou de l’anarcho-communisme.
La question du parti unique.
La signification principale de l’opposition socialisme/communisme est liée à l’histoire des mouvements révolutionnaires se réclamant de Marx au xxe siècle. Le communisme pouvant se définir par la valorisation de l’entreprise conduite par Lénine et les bolcheviks, le socialisme par le refus d’admettre la dictature du parti unique, le recours à la coercition de masse contre les ennemis du peuple et la valeur exemplaire du communisme soviétique. À l’intérieur de ces deux mouvements, on peut souligner de grandes différences : le communisme du Parti communiste italien (PCI), dans les années 1970, impliqué dans les combinaisons parlementaires, et celui, génocidaire, du leader cambodgien Pol Pot ont peu à voir entre eux. Même le socialisme du Français Lionel Jospin (1937-) devenu Premier ministre en 1997, qui accepte pleinement l’économie de marché et les grandes tendances de la mondialisation, diffère de celui de Léon Blum qui, pendant la brève période du Front populaire, avait donné priorité à la satisfaction de revendications sociales.
La coupure socialisme/communisme ne peut pourtant pas être considérée comme une contradiction secondaire. Elle est d’abord voulue par les communistes russes au début des années 1920. Pour eux, les socialistes français ou allemands comme leurs homologues russes, les mencheviks, ont trahi en se ralliant à la politique de défense nationale : leur rejet de la dictature du prolétariat s’inscrit dans cette même peur d’une lutte des classes menée radicalement, c’est-à-dire jusqu’à la guerre civile s’il le faut.
La IIIe Internationale et la rupture.
Sous l’impulsion de Lénine, des communistes de différents pays se regroupent, en 1919, pour former la IIIe Internationale, l’Internationale communiste (ou Komintern). Les communistes sont incités à créer des organisations spécifiques. C’est ainsi, en France, que le congrès de Tours, en décembre 1920, conduit à la naissance d’un Parti communiste acceptant le cadre proposé par les vingt et une conditions d’adhésion à la IIIe Internationale, et notamment la nécessité d’un parti centralisé dans une période de guerre civile universelle. L’un des dirigeants de la IIIe Internationale, Grigori Zinoviev, avait publiquement regretté, lors de la préparation de ce congrès, qu’il n’existât pas de poudre insecticide pour se débarrasser de la vermine sociale-démocrate. À ce moment, les socialistes sont en effet considérés par les communistes comme des contre-révolutionnaires pas meilleurs que d’autres, les fascistes italiens par exemple. Quant aux socialistes, ils voient dans les communistes des frères égarés dans la violence et la dictature. Il faudra attendre le milieu des années 1930 pour que l’attitude des communistes change : devant la menace nazie, Staline n’exclut plus un rapprochement avec les démocraties occidentales. La politique des fronts populaires, en Espagne et en France notamment, où les communistes soutiennent des gouvernements socialistes, trouve là sa racine. La signature du pacte germano-soviétique, en 1939, rouvre la déchirure. Enfin, l’unanimisme que provoque l’attaque de l’URSS par l’Allemagne nazie en juin 1941 disparaît avec la Guerre froide. Les partis socialistes sont alors favorables au Pacte nord-atlantique, comme ils seront des artisans actifs du Marché commun et de l’Union européenne, tandis que les communistes font de la défense de l’URSS une nécessité première, mettant en avant les intérêts nationaux qui seraient aussi ceux de la classe ouvrière. Les partis communistes pratiquent le culte de Staline, tandis que certains partis socialistes, comme celui de la République fédérale d’Allemagne (RFA), renoncent officiellement au marxisme en tant que référence doctrinale.
L’opposition communiste/socialiste, très forte en Europe, n’a cependant pas une portée universelle : les conflits politiques sont d’un tout autre ordre aux États-Unis ou dans l’Union indienne, par exemple. Et en tout état de cause, à partir des années 1980-1990, les partis communistes doivent quitter le pouvoir en Europe centrale et orientale sans que leur succèdent de puissants partis socialistes. Les socialistes gouvernent cependant dans de nombreux pays, développés ou non, mais leur unité (ils sont regroupés au sein d’une Internationale socialiste sans grande cohésion) est faible.
De nouveaux courants critiques.
L’opposition entre socialisme et communisme ne peut masquer certaines ressemblances : défense de la laïcité, rejet affirmé du racisme et du sexisme, mais aussi privilège accordé au militantisme professionnel, subordination des syndicats au parti, méfiance à l’égard des mouvements sociaux échappant au contrôle du parti, respect de l’autorité. Dans les années 1960 apparaissent des courants refusant tout à la fois le communisme de type européen qui mélange mode d’organisation léniniste et primat de l’électoralisme, et le socialisme qui s’est montré peu énergique dans la lutte contre le colonialisme et rassemble d’abord des professionnels de la politique. Se réclamant parfois du communisme des conseils ou de certaines formes de l’anarchisme, ces mouvements - en France, en Allemagne et en Italie notamment - prendront des formes diverses, mais sans savoir ou vouloir se transformer en acteurs politiques permanents, sinon, dans certains cas, en des mouvements écologistes. La figure de Daniel Cohn-Bendit aura été emblématique de ce type de trajectoire conduisant du gauchisme à l’écologie politique et coopérant avec les socialistes et les communistes.
À la fin du xxe siècle, le communisme apparaît en tout état de cause comme nettement plus dévalorisé que le socialisme, en raison de la forme totalitaire qu’il a revêtu en URSS ou en Chine, mais le socialisme rencontre des difficultés à organiser et représenter les espérances et les protestations de groupes démunis ou désorientés, en Europe particulièrement.
Quoi qu’il en soit, l’idée d’une société où la production économique ne serait plus dépendante du marché semble relever d’une utopie qui a perdu sa pertinence. Le projet communiste, tel qu’il avait été formulé au xixe siècle par Marx, a été comme vidé de sa force mobilisatrice : ce qui était dénoncé dans le capitalisme relevait pour une large part des caractères mêmes de toute société industrielle, alors que certains très graves dangers (symbolisés par l’accident nucléaire de Tchernobyl) n’avaient pas été anticipés et que certains effets redoutés (paupérisation absolue du prolétariat industriel) avaient été mal appréhendés.
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