Science et sensation (Platon)
[caption id="attachment_1155" align="alignleft" width="199"] Platon[/caption]
Dans ce passage du Théétète, l'entretien porte sur la nature de la science. Alors que Théétète vient de défendre sa position - "la science n'est pas autre chose que la sensation" - Socrate lui répond que cette affirmation est semblable à celle de Protagoras, célèbre sophiste, pour qui "l'homme est la mesure de toute chose".
Problématique
Le point de départ de Théétète : la science n'est rien d'autre que la sensation. Autrement dit, à chacun sa vérité, chacun a le droit de penser que le vent est chaud ou froid. Socrate le suit alors sur cette logique, pour aboutir à un résultat absurde : s'il en est ainsi, on ne peut rien dire du tout de quoi que ce soit, puisqu'une chose peut être à la fois grande et petite, légère et lourde. Ce passage constitue donc une réfutation de l'empirisme et du relativisme. Pour connaître, il faut dépasser et la sensation et l'opinion subjective, il faut parvenir à l'objectivité de la vérité.
Enjeux
Les caractéristiques retenues par Socrate (le chaud, le lourd) sont précisément des valeurs relatives à l'observateur. Mais ce n'est pas un argument contre la thèse de Socrate, puisque le vrai problème, celui qui sera posé et résolu par la physique moderne, consistera à s'émanciper de ces caractères relatifs pour penser la notion de chaleur ou de masse, donnant ainsi raison à Socrate : il n'y a pas de contraire de la chaleur comme il n'y a pas de corps légers, mais seulement des corps de moindre masse.
Science et sensation
N'arrive-t-il pas quelquefois qu'exposés au même vent, l'un de nous a froid, et l'autre, non ; celui-ci légèrement, celui-là violemment ? En ce cas, que dirons-nous qu'est le vent pris en lui-même, froid ou non froid ? Ou bien en croirons-nous Protagoras et dirons-nous qu'il est froid pour celui qui a froid, et qu'il n'est pas froid pour celui qui n'a pas froid ? [Mais dans ce cas] il n'y a rien qu'on puisse dénommer ou qualifier de quelque manière avec justesse. Si tu désignes une chose comme grande, elle apparaîtra aussi petite, et légère, si tu l'appelles lourde, et ainsi du reste [...].
Garnier, 1967, trad. Chambry.
Théétète. Dialogue de Platon sur la connaissance et son fondement; d'après le nom d'un mathématicien athénien (v. 414-396 av. J.-C.), ami et élève de Platon. Dans la scène d'introduction, Théétète est ramené chez lui, après avoir été mortellement blessé au cours de la guerre entre Athènes et Corinthe (369), où il s'est comporté avec la plus grande bravoure. Une conversation entre Théétète et Socrate, peu avant la mort de celui-ci en 399, est alors évoquée ; cette conversation ayant été mise par écrit (sous forme de dialogue), un esclave est appelé pour lire le manuscrit. Différentes définitions de la connaissance sont envisagées, telles que « la connaissance est la perception sensible», mais aucune n'est retenue. La question est laissée en suspens et reconsidérée dans le Sophiste. C'est dans ce dialogue que Socrate affirme que sa méthode est une «technique de sage-femme», amenant les gens à découvrir la vérité au fond d'eux-mêmes.