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Schopenhauer: Téléologie (Teleologie)

Téléologie (Teleologie)

• La téléologie, ou doctrine de la finalité est « l’hypothèse de l’appropriation de tout organe à une fin » et constitue, à ce titre, « un guide des plus sûrs dans l’étude de toute la nature organique » (M, p. 1052). Elle désigne ce sentiment obscur que nous avons de l’unité métaphysique de tous les êtres et peut donc être définie comme le « phénomène de cette unité ».

•• Schopenhauer affronte ici un problème analogue à celui qu’avait rencontré Kant dans sa Critique de la faculté de juger. D’un côté, la représentation phénoménale est entièrement régie par le principe de raison suffisante ; mais, d’un autre côté, nous sentons qu’elle participe d’une autre causalité, non plus efficiente, mais finale. Alors que Kant avait résolu la difficulté en doublant le jugement déterminant (objectif) d’un jugement réfléchissant (simplement subjectif), s’appliquant aux deux domaines du Beau (« Critique du jugement esthétique ») et de la Vie (« Critique du jugement téléologique »), Schopenhauer délaisse cette terminologie et accorde au sens téléologique une valeur proprement métaphysique. La finalité est comme l’expression de l’unité de la Volonté dans la diversité phénoménale, ou, plus exactement, l’impression que nous en ressentons dans nos représentations. « L’unité de l’idée se trouve rétablie jusque dans le phénomène [...] au moyen de la liaison nécessaire de toutes les parties et de toutes les fonctions » (M, p. 207). Il s’agit là d’un paradoxe épistémologique, puisque c’est l’entendement lui-même, pouvoir de la causalité, qui se voit contraint d’accorder aussi aux phénomènes une autre connexion, finale celle-là, dont il est, en dernière instance et indirectement responsable, puisque la finalité suppose la diversité phénoménale. « C’est seulement l’intellect qui, saisissant comme objet, au moyen de ses formes propres, espace, temps et causalité, l’acte de la volonté métaphysique et indivisible en soi, manifestée dans le phénomène d’un organisme animal, crée la multiplicité et la diversité des parties et des fonctions, pour s’étonner ensuite du concours régulier et de la concordance parfaite qui résulte de leur unité primitive : il ne fait donc, en un certain sens, qu’admirer son œuvre propre » (M, p. 1051-1052).

••• « Alors naît en nous le pressentiment que ces deux causes, en dépit de leur origine différente, pourraient bien se rattacher, par la racine, dans l’essence des choses en soi. Mais il n’est donné que rarement d’atteindre à cette double connaissance : dans la nature organisée, parce que la cause efficiente est souvent ignorée de nous ; dans la nature inorganique, parce que la cause finale y demeure problématique » (M, p. 1058). Schopenhauer donne pourtant quelques exemples de cette « double connaissance » : « Le pou du nègre est noir. Cause finale : sa sécurité. Cause efficiente : il se nourrit du tissu de Malpighi, noir chez le nègre » (M, p. 1058). « La cause finale du duvet qui entoure les parties génitales, chez les deux sexes, et du Mons Veneris, chez la femme, est d’empêcher chez les individus très maigres, pendant le coït, le contact des os du pubis, qui pourrait exciter la répugnance ; quant à la cause efficiente, il faut la chercher dans le fait que, partout où une muqueuse passe dans l’épiderme, on voit des poils pousser dans le voisinage ; une autre cause efficiente est encore que la tête et les parties génitales sont en quelque sorte des pôles opposés de l’individu, qu’ils présentent ainsi l’un avec l’autre des rapports et des analogies de diverses sortes, entre autres aussi cette particularité d’être velus » (M, p. 1059). On mesure, une fois de plus, les limites de la téléologie, dont les « preuves » paraissent toujours quelque peu ridicules. Du moins Schopenhauer, comme Kant, récuse-t-il l’argument physico-théologique, qui voit dans la finalité du monde une preuve de l’existence de Dieu. Cette finalité a, sans doute, une valeur métaphysique, puisqu’elle atteste phénoménalement l’unité de la Volonté, mais elle ne saurait démontrer l’existence d’un Être transcendant. Une autre forme de finalité apparaît dans le domaine sexuel, puisque la « fin véritable » de l’amour n’est pas, comme ils se l’imaginent, le bonheur des amants, mais « l’enfant à procréer qui doit reproduire le type de l’espèce aussi pur et exact que possible » (M, p. 1294).

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