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Schopenhauer: Tat twam asi (Dieses bist du)

Tat twam asi (Dieses bist du)

• Formule védique, souvent citée par Schopenhauer (M, p. 283, 447, 471, etc.) et qu’il traduit par « Dieses bist du » (ceci, c’est toi), « Dieses Lebende bist du » (ce vivant, c’est toi). Burdeau et Roos, traducteurs du Monde, la rendent par « tu es ceci » ; Dietrich, traducteur des Parerga, par « c’est toi-même ». Cette « sublime parole » (Mahavakya) résume la métaphysique et l’éthique de Schopenhauer, c’est-à-dire l’unité essentielle de la Volonté sous le voile illusoire de la diversité phénoménale.

•• « Cette vérité toute théorique, dont tout mon écrit n’est que le développement, à savoir que la volonté, la réalité en soi cachée sous chaque phénomène, considérée en elle-même, est indépendante des formes phénoménales, et par là de la multiplicité [...], je ne vois pas d’expression meilleure à en donner, au point de vue pratique, que la formule du Véda : Tat twam asi » (M, p. 471). D’où la compassion de Schopenhauer envers les animaux. Si la Volonté est une, les maltraiter, c’est attenter à l’essence éternelle qui réside au cœur de tout être vivant et, par conséquent, attenter à soi-même. « Miséricorde ! Ce n’est pas miséricorde, mais justice qui est due à l’animal, et cette justice on la lui refuse le plus souvent en Europe, cette partie du monde si infectée par l’esprit de la Bible, que l’émission de cette simple vérité : « l’animal est dans son essence le même que l’homme », semble un paradoxe choquant » (R, p. 89). D’où, aussi, l’identité du bourreau et de sa victime : « La volonté étant ce qui existe en soi dans tout phénomène, la souffrance, celle qu’on inflige et celle qu’on endure, la malice et le mal, sont attachés à un seul et même être ; c’est en vain que, dans le phénomène en qui l’un et l’autre se manifestent, ils apparaissent comme appartenant à des individus distincts, et même séparés par de grands intervalles d’espace et de temps. Celui qui sait voit que la distinction entre l’individu qui fait le mal et celui qui le souffre est une simple apparence [...] Le bourreau et la victime ne font qu’un. Celui-là se trompe en croyant qu’il n’a pas sa part de la torture ; et celle-ci, en croyant qu’elle n’a pas sa part de la cruauté » (M, p. 446).

••• Cette citation récurrente de la « sublime parole » pose le problème des rapports de la doctrine schopenhauerienne avec l’hindouisme, et de l’influence que ce dernier a effectivement exercée sur elle. Après la publication de sa thèse, en 1813, Schopenhauer à lu les cinquante Oupanichads, traduites en latin par Anquetil-Duperron : Oupnekhat, id est secretum legendum (deux volumes, 1801-1802). Cette traduction lui avait été recommandée par l’orientaliste amateur F. Maier, rencontré à Weimar, dans l’entourage de Goethe, en 1813. Depuis lors, il n’a cessé de reconnaître sa dette : « Dans le développement de ma propre philosophie, les écrits de Kant, tout autant que les livres sacrés des Hindous et que Platon, ont été, après le spectacle vivant de la nature, mes plus précieux inspirateurs » (M, p. 521). Dans sa Préface de 1819, il demande à son lecteur de connaître les « ouvrages principaux de Kant » (M, p. 4), mais il sera encore mieux préparé s’il a, de surcroît, « fréquenté l’école du divin Platon » et « reçu le bienfait de la connaissance des Védas » (ibid.). Le bouddhisme, en revanche, n’a joué aucun rôle dans l’élaboration de la doctrine de Schopenhauer, même s’il se félicite de « constater un accord si profond » entre sa propre pensée et « une religion qui, sur terre, a la majorité pour elle, puisqu’elle compte plus d’adeptes qu’aucune autre. Cet accord m’est d’autant plus agréable que ma pensée philosophique a assurément (gewiss) été libre de toute influence bouddhiste » (M, p. 861-862).

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