Schopenhauer: Raison (Vernunft)
Raison (Vernunft)
• La raison est la faculté des concepts, objet de la logique, ou « examen des représentations secondaires ou abstraites » (PS, p. 150). « L’essence de cette faculté ne consiste nullement dans la recherche de l’inconditionné » (M, p. 607), ses concepts ne sont que « des représentations de représentations » (M, p. 70-71), « des représentations tirées de représentations » (QR, p. 235), qui « servent seulement à classer, à fixer et à combiner les connaissances immédiates de l’entendement, sans jamais produire aucune connaissance proprement dite » (M, p. 47).
•• Le pouvoir de la raison se trouve donc réduit à l’exploitation des « données immédiates » de l’entendement, qui la féconde, et sans lequel elle resterait stérile. Ignorant le véritable mécanisme de la fécondation, c’est-à-dire la fonction génétique de l’ovule, Schopenhauer n’accorde à la raison qu’un rôle passif dans sa propre conception. « Il y a quelque chose de féminin dans la nature de la raison ; elle ne donne que lorsqu’elle a reçu. Par elle-même, elle ne contient que les formes vides de son activité » (M, p. 83). « Elle ne possède que des formes : comme la femme, elle ne peut que recevoir, elle ne peut créer. Ce n’est pas un hasard si, dans les langues latines comme dans les germaniques, la raison est du genre féminin et l’entendement du genre masculin » (QR, p. 252).
••• L’opposition de Schopenhauer à Kant est radicale. La Critique de la raison pure se fonde, en effet, sur la distinction des concepts de l’entendement et des Idées de la raison. Certes, les prétentions théoriques de celles-ci sont déboutées dans la Dialectique transcendantale (paralogismes de la psychologie rationnelle, antinomies de la cosmologie rationnelle, fausses preuves de la théologie rationnelle), mais Kant, du moins, considère la raison comme la faculté de l’inconditionné. La « Logique » de Schopenhauer est beaucoup plus modeste : les concepts de la raison ne sont que des outils un peu plus élaborés, qui, il est vrai, distinguent l’homme de l’animal, puisque ce dernier possède aussi l’entendement, mais est « privé de la raison » (M, p. 49). Il en va de même dans le domaine pratique. Alors que, pour Kant, la moralité est un «factum rationis », un fait de la raison, qui permettra, d’ailleurs, de redonner aux Idées de la Liberté, de l’Ame et de Dieu un statut positif, sous la forme de postulats de la raison pratique, Schopenhauer se livre à une critique virulente de toute cette doctrine, pour mieux asseoir sa propre thèse, qui fait de la pitié le fondement de la morale.
Liens utiles
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