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Schopenhauer: Principe de raison suffisante

Principe de raison suffisante

• Emprunté à la tradition leibnizienne, le principe de raison suffisante prend, chez Schopenhauer, une signification et une fonction nouvelles, d’inspiration kantienne. Il est « la forme de tout objet, le mode universel de son apparition phénoménale » (M, p. 38), le principe constitutif de toute représentation. Composé de trois instances, l’espace, le temps et la causalité, il est la version unifiée et simplifiée du « transcendantal » kantien.

•• Dans sa thèse de jeunesse, De la quadruple racine du principe de raison suffisante (1813), Schopenhauer se réfère aux définitions traditionnelles. Celle de Wolff — « Rien n’est sans raison qui fait que cela soit plutôt que cela ne soit pas. » (QR, p. 145) —, qu’il adopte provisoirement, « comme étant la plus générale » ; puis celle de Leibniz : « En vertu du principe de la raison suffisante, nous considérons qu’aucun fait ne saurait se trouver vrai ou existant, aucune énonciation véritable, sans qu’il y ait une raison suffisante pourquoi il en soit ainsi et non pas autrement ». (QR, p. 159). Mais ces références seront bientôt délaissées au profit d’une détermination transcendantale du principe, souverain dans la sphère phénoménale, que l’activité du sujet soit perceptive, pratique, ou scientifique. « Deux choses », toutefois, échappent à sa juridiction : lui-même et la chose en soi (M, p. 119-120). Il convient donc de le débouter de toute prétention métaphysique. Son extension à ce domaine est, par principe, abusive ; c’est même « l’antique erreur de la métaphysique » (M, p. 62), qui consiste, en particulier, dans l’usage illégitime de la catégorie de causalité hors de la sphère phénoménale, où elle doit être cantonnée. Voilà pourquoi le sujet doit s’affranchir du principe de raison suffisante — ce qui ne va pas sans difficultés, surtout en ce qui concerne le temps, « forme dernière et la plus résistante du principe » (PP, p. 125) —, s’il veut, par une expérience métaphysique, accéder à la chose en soi, c’est-à-dire sa volonté et, par extension, la Volonté, commune à tous les êtres, animés ou non.

••• S’il se compose de trois instances (espace, temps et causalité, celle-ci résultant des deux autres), le principe de raison suffisante s’exerce selon quatre modalités, que Schopenhauer, reprenant la terminologie latine de Wolff, dénomme : ratio fiendi (principe du devenir, nécessité physique), ratio cognoscendi (principe du connaître, nécessité logique), ratio essendi (principe de l’être, nécessité mathématique), ratio agendi (principe de l’agir, nécessité pratique). Ces quatre « raisons », ou « racines » du Principe, quelque peu scolastiques, ont surtout pour intérêt de fonder une classification des sciences (QR, p. 291 et M, p. 813), dont la philosophie se trouve évidemment exclue, puisqu’elle est, pour l’essentiel, une métaphysique, affranchie du principe de raison suffisante.

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