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Schopenhauer: Philosophie

Philosophie (Philosophie)

• « La philosophie doit rester cosmologie et ne pas devenir théologie. Son thème doit se borner au monde ; la nature, l’essence intime de ce monde, exprimée sous tous les rapports, voilà le seul résultat qu’elle puisse honnêtement nous donner » (M, p. 1380). La philosophie est donc une théorie du Monde, fondée sur le dualisme de la Volonté métaphysique et de la Représentation phénoménale.

•• La philosophie n’est pas une théologie. « Un philosophe doit avant tout être un mécréant » (VN, p. 45) et « la philosophie n’est pas faite pour apporter de l’eau au moulin des curés » (Pfaffen) (VN, p. 48). D’où la violence des critiques que Schopenhauer adresse à Kant, dont il se réclame pourtant, mais qu’il accuse d’être resté un théologien déguisé, et aux philosophes postkantiens, les « trois sophistes », Fichte, Hegel et Schelling, dont le règne sera désigné un jour dans l’histoire de la philosophie sous le nom de « Période de la Déloyauté » (FM, p. 47). Leurs valets, les « professeurs de philosophie », stipendiés par le Pouvoir, sont de la même farine, stupides et corrompus. « Il ne sert à rien que Kant ait démontré, avec la pénétration et la profondeur les plus rares, que la raison théorique ne peut jamais s’élever à des objets en dehors de la possibilité de l’expérience. Ces messieurs ne se soucient nullement de pareille chose : mais ils enseignent sans hésiter, depuis cinquante ans, que la raison a des connaissances directes absolues, qu’elle est une faculté tout naturellement fondée sur la métaphysique, et que, hors de toute possibilité de l’expérience, elle reconnaît directement et saisit sûrement le suprasensible, le bon Dieu et tout le bataclan » (PP, p. 98) ; et Schopenhauer de railler ce « pauvre hère », soumis à la règle universitaire du primum vivere, et « disposé à déduire a priori tout ce qu’on lui demandera, y compris le diable et sa mère, et même, s’il le faut, à en avoir l’intuition intellectuelle » (V, p. 64).

••• La philosophie n’est pas davantage une épistémologie. La science, qui traite des représentations, est soumise au principe de raison suffisante (espace, temps, causalité), et ne peut donc accéder à la vérité ultime, c’est-à-dire la Volonté et ses objectités immédiates, les Idées. Les formules scientifiques ne concernent que la superficie phénoménale, et ne sont donc que les lois de l’illusion. C’est pourquoi Schopenhauer, qui dispose, par ailleurs, d’une culture scientifique appréciable — son information, dans son ouvrage de 1836, De la Volonté dans la nature, est impressionnante —, dénonce avec virulence les grands courants scientifiques de son temps, atomisme, matérialisme, évolutionnisme, etc., au nom de sa propre métaphysique. Dans sa dernière œuvre, Parerga et Paralipomena (1851), Schopenhauer semble adopter, parfois, une conception esthétique de la philosophie, qui pourrait expliquer, pour une part, le succès du livre et la célébrité de son auteur dans la seconde moitié du XIXe siècle. « Le philosophe ne doit jamais oublier qu’il pratique un art, et non une science » (PP, p. 120). « Sans doute, cette philosophie, en tant qu’art, sera très inopportune pour beaucoup de gens » (PP, p. 134). « Elle sera de l’art et, comme celui-ci, n’existera que pour quelques-uns. Pour la plupart des gens, en effet, ni Mozart, ni Raphaël, ni Shakespeare n’ont jamais existé : un abîme infranchissable les sépare à jamais de la foule, de même que l’approche des princes est impossible à la populace » (PP, p. 123). « Or tel il en sera de ma philosophie : ce sera une philosophie en tant qu’art. Chacun n’en comprendra exactement que ce qu’il mérite d’en comprendre » (PP, p. 134). Conception artistique et élitiste de l’exercice philosophique, qui paraît contredire l’injonction, pourtant contemporaine, selon laquelle « la philosophie doit être une connaissance communicable, par conséquent rationaliste » (PS, p. 140).

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