Schopenhauer: Musique
Musique
• La musique « n’est pas, comme les autres arts, une reproduction des Idées, mais une reproduction de la Volonté (Abbild des Willens selbst) au même titre que les Idées elles-mêmes » (M, p. 329). Il faut donc la considérer « comme la copie d’un modèle (Nachbild eines Vorbilds), qui lui-même ne peut jamais être représenté directement » (M, p. 328).
•• Alors que les autres arts, de l’architecture à la tragédie, en passant par la sculpture et la peinture, sont des copies des Idées, ou « objectités immédiates de la Volonté » (Forces, Espèces, Caractères intelligibles), et supposent donc la connaissance ou contemplation de celles-ci par le « Génie », capable de la communiquer ensuite par la production d’une œuvre, la musique bénéficie chez Schopenhauer d’un statut métaphysique encore plus éminent, sans précédent dans l’histoire de l’esthétique. « La musique, qui va au-delà des Idées, est complètement indépendante du monde phénoménal ; elle l’ignore absolument, et pourrait en quelque sorte continuer à exister, alors même que l’univers n’existerait plus » (M, p. 329). C’est pourquoi, dans la hiérarchie des arts, elle se situe à l’opposé de l’architecture, qui n’est, selon un mot attribué à Goethe, que « de la musique congelée » (gefrorene Musik), puisqu’elle ne reproduit que des forces inorganiques, pesanteur, résistance, etc. « Un abîme les sépare » et « il serait ridicule de vouloir rapprocher, pour le fond, le plus limité et le plus faible du plus large et du plus puissant de tous les arts » (M, p. 1196) On peut toutefois s’interroger sur les raisons qui ont conduit Schopenhauer à accorder à la musique un privilège métaphysique aussi exorbitant, alors qu’elle semble bien, plus que les arts plastiques, inféodée à la temporalité, la forme la plus tenace du principe de raison suffisante, source de l’illusion phénoménale.
••• S’il en fut l’inspirateur — essentiellement par son éthique de la pitié et sa métaphysique du renoncement —, Schopenhauer ne fut pas un admirateur de la musique de Wagner, telle, du moins, qu’il put la connaître à la fin de sa vie. Ses préférences allaient à Mozart et à Rossini... Quant à sa conception de la musique, elle ne doit évidemment rien à Wagner, âgé de six ans lors de la première édition du Monde, en 1819. Il convient enfin de signaler un curieux paradoxe : alors que la musique est investie d’une vocation métaphysique inouïe, Schopenhauer ne parle presque jamais des compositeurs, comme si le génie, en ce domaine, devait s’effacer devant l’œuvre de la Volonté. S’il mentionne un grand nombre d’écrivains (anciens ou modernes) et de peintres (surtout italiens, en particulier Raphaël), on ne trouve guère, pour représenter la musique, que les noms de Haydn (M, p. 337) et Beethoven (M, p. 1191).
Liens utiles
- La musique se résume-t-elle aux mathématiques ? Grand Oral Mathématiques
- Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation, 181 B, livre IV, trad. A. Burd eau,© PUF, 2e éd. 2004
- peut-on modifier la croissance des plantes grâce à la musique?
- Grand oral musique: Peut-on considérer la musique comme un simple divertissement ?
- Anglais sujet musique