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Schopenhauer: Monde (Welt)

[caption id="attachment_1429" align="alignleft" width="220"]Schopenhauer Schopenhauer[/caption]

Monde (Welt)

• Le monde est à la fois « ma représentation » (M, p. 25) et « ma volonté » (M, p. 27), ou, plus exactement, la Volonté, puisque celle-ci s’étend à tous les phénomènes, organiques ou non. Le monde, en tant que représentation, est soumis au principe de raison suffisante (espace, temps et causalité), et donc régi par un déterminisme rigoureux, qui n'est pourtant qu’une illusion phénoménale, par opposition à la réalité métaphysique de ce même monde, c’est-à-dire la Volonté, inconditionnée, une, indestructible et libre.

•• Cette doctrine du « monde comme volonté et représentation » se présente donc, dans la tradition kantienne, comme un idéalisme transcendantal (théorie de la représentation phénoménale), assorti d’un réalisme empirique (théorie de la Volonté métaphysique). Ce dualisme est cependant déséquilibré, dans la mesure où la représentation ne détient qu’une existence superficielle et illusoire, tandis que la Volonté est la réalité essentielle et universelle des êtres. C’est pourquoi E. von Hartmann a fort pertinemment nommé cette doctrine un « panthélisme », puisque tout y est Volonté. Schopenhauer, pour sa part, définit son système comme un « macranthropisme », c’est-à-dire l’extension à l’ensemble du monde de la dualité anthropologique, représentation et volonté : « On avait, depuis les temps les plus reculés, proclamé l’homme un microcosme. J’ai renversé la proposition et montré dans le monde un macranthrope (Makranthropos), puisque volonté et représentation épuisent l’essence de l’un comme de l’autre » (M, p. 1417).

••• Ce panthélisme ne doit pas être confondu avec le panthéisme, celui de Spinoza en particulier. « Si j’ai de commun avec les panthéistes cet en kaï pan (un et tout), je ne partage pas leur pan theos (tout est Dieu) » (M, p. 1417). La distinction spinoziste de la natura naturans et de la natura naturata peut être conservée, à condition de la comprendre dans le cadre d’une métaphysique de la Volonté. Cette dualité « implique simplement l’idée que, derrière les phénomènes si passagers et si rapidement variables de la natura naturata, doit se cacher une force impérissable et infatigable, grâce à laquelle ceux-là se renouvellent sans cesse, tandis qu’elle-même n’est pas atteinte par la destruction. De même que la natura naturata est l’objet de la physique, la natura naturans est l’objet de la métaphysique » (FHP, p. 139). Cette critique ontologique se double d’un reproche éthique : le panthéisme de Spinoza se caractérise en effet par un « amoralisme » révoltant. « Sans doute, par endroits, Spinoza essaie de la [morale] sauver par des sophismes ; mais presque toujours il y renonce franchement, et, avec une hardiesse qui provoque l’étonnement et l’indignation, il déclare purement conventionnelle, par suite nulle en soi, toute distinction entre le juste et l’injuste, et, plus généralement, entre le bien et le mal » (M, p. 1355) ; ce qui n’empêche pas cette doctrine de participer du « plat optimisme » judaïque. C’est pourquoi Schopenhauer peut déclarer, en conclusion de son principal ouvrage, que sa philosophie « est au spinozisme ce que le Nouveau Testament est à l'Ancien » (M, p. 1419).

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