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Schopenhauer: Judaïsme

Judaïsme

• Le judaïsme est la religion du peuple juif, telle qu’elle s’exprime, à l’origine et pour l’essentiel, dans l'Ancien Testament. Schopenhauer l’élève à la dignité d’une véritable catégorie philosophique, qui réunit trois déterminations fondamentales : le réalisme, le monothéisme et l’optimisme, auxquelles il oppose l’idéalisme, l’athéisme et le pessimisme, piliers de sa propre doctrine.

•• Le judaïsme est l’un des adversaires privilégiés de Schopenhauer. Paradoxalement, cette hostilité philosophique est une façon de rendre hommage à une religion qui ne s’est pas limitée à ce « petit peuple isolé, têtu, gouverné sacerdotalement, c’est-à-dire par la folie » (M, p. 298). Elle a, en effet, influencé, contaminé toute la pensée occidentale, comme en témoigne, par exemple, la morale de Kant, dont l’impératif catégorique n’est qu’un succédané du « Tu dois » mosaïque. Cette contagion, Schopenhauer la décèle partout : « Je suis parfois effrayé, quand, au sortir de mes études orientales, prenant en main les écrits des plus belles intelligences des XVIe et XVIIe siècles, je constate comment elles sont partout paralysées et de toute part enrayées par l’idée fondamentale judaïque » (R, p. 38-39). Il convient pourtant de souligner que cette aversion est d’abord, et pour l’essentiel, philosophique. Schopenhauer impute au judaïsme trois péchés majeurs : 1 - le réalisme, auquel il oppose son idéalisme transcendantal, hérité de Kant ; 2 - le monothéisme, auquel il oppose son athéisme, puisque l’instance métaphysique de sa doctrine n’est pas Dieu, mais la Volonté ; 3 — le « plat optimisme » (M, p. 325), auquel il oppose son pessimisme résolu ; et accessoirement, l’hostilité au monde animal : « Espérons que nous sommes au temps où la conception juive de la nature, du moins en ce qui concerne les animaux, touche à sa fin en Europe » (R, p. 94). Il ne faut donc pas s’étonner si le seul texte qui trouve grâce à ses yeux est le récit de la Chute, « il est même le seul qui me réconcilie avec l'Ancien Testament » (M, p. 1343). « Car, abstraction faite du péché originel, véritable hors d'œuvre (en français dans le texte) dans l'Ancien Testament, l’esprit de l’Ancien Testament est diamétralement opposé à celui du Nouveau : celui-là optimiste, celui-ci pessimiste » (M, p. 1391). Dès le début de la Genèse, en effet, le judaïsme manifeste son optimisme dans la satisfaction béate de son Dieu créateur : ce « panta kala lian » — cité par Schopenhauer dans la traduction grecque des Septante, « alles war sehr gut », « tout cela était très bien » (M, p. 1390 et 1394) — n’est qu’une supercherie, démentie à tout instant par la souffrance universelle.

••• Il convient de distinguer cet anti-judaïsme philosophique de l’antisémitisme affligeant, auquel Schopenhauer s’abandonne parfois, surtout dans ses derniers ouvrages, où il dénonce, en termes odieux, le « foetor judaicus », la puanteur juive (FM, p. 156 et 165), qui empeste tout l’Occident. Cet antisémitisme doit cependant être tempéré. Schopenhauer convient que « les défauts connus des Juifs, inhérents à leur caractère national, sont peut-être surtout imputables à la longue et injuste oppression qu’ils ont subie» (EDP, p. 110-11). «Qu’ils jouissent des mêmes droits civils que les autres, l’équité le réclame » (ibid.). Mais il ne faut pas leur accorder les droits politiques, parce qu’ils « sont et restent un peuple étranger » (EDP, p. 112). On ne peut en revanche taxer de racisme systématique un auteur qui soutient, par exemple, que le noir est « la véritable couleur naturelle et particulière de la race humaine ». « L’Adam de notre race doit en conséquence être conçu comme noir, et il est risible de voir représenter ce premier homme blanc, couleur produite par la décoloration. Jéhovah l’ayant créé à sa propre image, les artistes doivent représenter également celui-ci comme noir (PS, p. 101 et 103).

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