Schopenhauer: Idée (Idee)
Idée (Idee)
• « L’Idée est la seule objectité immédiate de la Volonté » (M, p. 227). Nous pouvons considérer les Idées « comme des actes isolés et simples en soi de la Volonté » (M, p. 204). En dépit de leur pluralité — elles se divisent en Forces, Espèces et Caractères intelligibles —, les Idées ne relèvent pas du Principe d’individuation (espace et temps). Leur statut métaphysique les oppose radicalement aux « concepts », ou « représentations de représentations », produits par la raison et dépendant, comme tels, du principe de raison suffisante.
•• À la triade kantienne des Idées de la Raison (l’Âme, le Monde et Dieu), déboutées de toute prétention cognitive dans la Critique de la raison pure (« Dialectique transcendantale »), Schopenhauer oppose sa propre triade « idéelle » (Force, Espèce, Caractère intelligible), investie, au contraire, d’un authentique statut métaphysique, comparable à celui que détiennent les Idées dans la philosophie du « divin Platon » (M, p. 5), dont Schopenhauer se réclame explicitement. Sa thèse consiste à réunir audacieusement l’idée platonicienne et la chose en soi kantienne : « La chose en soi de Kant et l’idée de Platon [...] sont non pas identiques, mais liées ensemble d’une très étroite parenté » (M, p. 221). À l’illusion phénoménale s’oppose donc la vérité de la Volonté et des Idées, qui en constituent les objectités dans les trois sphères de l’inorganique (Forces), de l’organique (Espèces) et de l’humain (Caractères intelligibles).
••• La théorie schopenhauerienne des Idées est doublement problématique. On peut d’abord s’interroger sur la faculté cognitive capable d’appréhender les Idées, puisqu’il ne s’agit ni de l’entendement, ni de la raison. Schopenhauer parle d’une « pure connaissance », d’une « contemplation », où le sujet individuel «s’anéantit» (M, p. 231). Mais on ignore le statut de cette mystérieuse instance contemplative. La solution est finalement esthétique : « Ce mode de connaissance, c’est l’art, c’est l’œuvre du génie. L’art reproduit les idées éternelles qu’il a conçues (aufgefasst) par le moyen de la contemplation pure » (M, p. 239). La nature de cette dernière n’en reste pas moins énigmatique. La seconde difficulté a trait à la diversité des Idées, puisque la Volonté, en elle-même, est « étrangère à la pluralité » (M, p. 175). Comment expliquer, dès lors, qu’elle se pluralise en objectités immédiates, puisque celles-ci demeurent indépendantes du Principe d’individuation, qui est à l’origine de la diversité phénoménale ? « On se demande naturellement pourquoi la Volonté passe ainsi de l’unité à la multiplicité ; pourquoi elle s’objective en phénomènes inorganiques, vitaux, psychologiques ». C’est là un mystère, dont on ne peut fournir l’explication dernière.
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