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Schopenhauer: Corps (Leib)

Corps (Leib)

• Il faut distinguer deux expériences du corps, dans la mesure où il nous « est donné de deux façons toutes différentes ; d’une part comme représentation dans la connaissance phénoménale, comme objet parmi d’autres objets et comme soumis à leurs lois ; et d’autre part, en même temps, comme ce principe immédiatement connu de chacun, que désigne le mot Volonté» (M, p. 141). On ne peut toutefois les dissocier, puisque l’une est l’expression de l’autre, le corps physique manifestant ce corps métaphysique qu’est ma volonté.

•• Le corps appartient au monde phénoménal ; mais il y est le lieu d’une expérience métaphysique, celle de ma volonté. Il est, de ce point de vue, une « objectité de la volonté» (M, p. 141). « On peut encore dire en un certain sens : la volonté est la connaissance a priori du corps ; le corps est la connaissance a posteriori de la volonté » (ibid.). Cette dualité du corps se trouve en quelque sorte condensée et, littéralement, « focalisée » dans la doctrine schopenhauerienne de la sexualité : les organes génitaux appartiennent évidemment au monde physique, mais ils sont aussi « le vrai foyer de la volonté, le pôle opposé au cerveau, qui représente l’intelligence, l’autre face du monde, le monde comme représentation » (M. p. 416).

••• Il convient de ne pas réintroduire subrepticement un lien de causalité entre ce corps métaphysique et son expression physique. « L’acte volontaire et l’action du corps ne sont pas deux phénomènes objectifs différents, reliés par la causalité ; ils ne sont pas entre eux dans le rapport de la cause à l'effet. Ils ne sont qu’un seul et même fait ; seulement ce fait nous est donné de deux façons différentes : d’un côté immédiatement, de l’autre comme représentation sensible » (M, p. 141). Cette relation causale ne vaut que dans la sphère phénoménale, celle des corps, inorganiques ou organiques, qui agissent les uns sur les autres, selon la loi du déterminisme. C’est pourquoi Schopenhauer critique Maine de Biran, qui s’imagine, à tort, « que l’acte volontaire comme cause est suivi d’un mouvement du corps comme effet» (M, p. 709). «Nous ne reconnaissons nullement l’action immédiate particulière de la volonté comme différente de l’action du corps, et nous ne voyons pas de lien causal entre l’une et l’autre ; toutes deux nous apparaissent comme une seule et même chose ; il est impossible de les séparer. Il n’y a entre elles aucune succession ; elles sont simultanées. C’est une seule et même chose perçue de deux façons différentes ; car ce qui nous est donné dans la perception intime (la conscience) comme un acte réel de la volonté, nous apparaît dans l’intuition externe, où le corps est objectivé, comme un acte de ce même corps » (M, p. 710).

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