Schopenhauer: Beau
Beau
• « Dire qu’une chose est belle, c’est exprimer qu’elle est l’objet de notre contemplation esthétique ; ce qui implique, premièrement, que la vue de cette chose nous rend objectifs, c’est-à-dire qu’en la contemplant nous avons conscience de nous-mêmes, non plus à titre d’individus, mais à titre de sujets connaissants purs, exempts de volonté ; secondairement, que nous reconnaissons dans l’objet non plus une chose particulière, mais une Idée ; ce qui ne peut arriver qu’à la condition de ne point nous soumettre, dans la considération de l’objet, au principe de raison » (M, p. 269). •• Le « goût » est, selon Kant, la faculté de juger un objet d’une façon désintéressée. « On appelle beau l’objet de cette satisfaction^ ». Il en va de même pour Schopenhauer : la contemplation esthétique et le plaisir qu’elle procure sont désintéressés (ohne Intéresse) (M, p. 253). Mais il délaisse les trois autres moments de l’analyse kantienne : l’universalité sans concept la finalité sans fin et la nécessité sans concept. L’expérience du Beau est, au contraire, objective, puisque le sujet qui le contemple, de même que l’artiste qui le produit, accède à une objectité de la Volonté. Ce qu’il voit, en effet, n’est pas un phénomène illusoire et transitoire, mais une Idée ; ce qui requiert une double libération : du côté de l’objet, qui se dépouille de son apparence phénoménale, et du côté du sujet, qui s’affranchit à la fois du principe de raison suffisante et des tourments de la Volonté, toutes ces opérations étant indissociables. ••• « Les choses sont plus ou moins belles, selon qu’elles facilitent et provoquent plus ou moins la contemplation purement objective » (M, p. 270). Mais la « beauté supérieure d’un objet provient de ce que l’idée qui nous parle par lui correspond à un haut degré d’objectité de la volonté » (M, p. 271), selon une hiérarchie qui va de la Force au Caractère intelligible, en passant par l’Espèce. « Voilà pourquoi la beauté humaine dépasse toute autre beauté, voilà aussi pourquoi la représentation de l’essence de l’homme est le but le plus élevé de l’art » (ibid.). La Beauté est potentiellement universelle : « Puisque, d’une part, toute chose donnée peut être considérée d’une manière purement objective, en dehors de toute relation ; puisque, d’autre part, la volonté se manifeste dans chaque chose à un degré quelconque de son objectité ; puisque, par suite, chaque chose est l’expression d’une Idée, il s’ensuit que toute chose est belle » (M, p. 270). Le système de Schopenhauer n’est donc pas seulement un « panthélisme » (Tout est Volonté), il est aussi un « pancalisme » (Tout est Beauté), qui préfigure celui de Baldwin : « La contemplation esthétique est l’organe de l’appréhension du réel sous sa forme complète, synthétique et, en certains sens abolument définis, absolue. À cette théorie nous avons donné [...] le nom de pancalisme ».
Liens utiles
- Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation, 181 B, livre IV, trad. A. Burd eau,© PUF, 2e éd. 2004
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