SCHOPENHAUER (Arthur)
SCHOPENHAUER (Arthur). Né à Dantzig, Schopenhauer (1788-1860), se trouva d’abord orienté vers le métier de commerçant que pratiquait son père. À la mort de celui-ci, en 1805, Schopenhauer entreprit des études universitaires. Il essaya d’enseigner comme assistant auprès de Hegel, à Berlin, mais n’eut aucun succès et dut cesser ses cours au bout d’un semestre. Jusqu'à sa mort, il a mené, à Francfort, la vie confortable d'un célibataire aisé. Ses deux ouvrages capitaux sont sa thèse, De la quadruple racine du principe de raison suffisante (1814), et le Monde comme volonté et comme représentation (1819). Schopenhauer part de Kant et admet que nous ne connaissons qu’un ensemble de phénomènes ou de représentations. L’entendement constitue des objets réels en liant les représentations par des rapports universels et nécessaires. Le sujet de la représentation ne peut jamais devenir objet de représentation. Dire « moi » revient à dire : « Il y a des objets que je connais .» Le corps et la volonté sont les deux faces d’une même réalité : le corps est le phénomène de la volonté qui est la chose en soi, ou, plus exactement, la forme la plus approchée de la chose en soi. L'expérience interne de notre volonté est la clé de l’énigme du monde. Volonté, c'est-à-dire toute espèce de désir, de tendance, de passion, de besoin. La pluralité des êtres est une illusion. Le monde est sans raison, c'est-à-dire absurde. La volonté est une tendance aveugle, sans but et sans fin. Chez l’homme, elle se manifeste par le vouloir-vivre. Ce vouloir-vivre est absurde, parce qu'il est antérieur à la raison. La souffrance tient à l'essence de la vie. La volonté oscille entre le besoin et l'ennui. Comme disait le poète espagnol Calderón, « le plus grand crime de l'homme, c'est d'être né ». Le suicide n'est pas une solution, parce qu'il est une affirmation intense du vouloir-vivre, et non sa négation. Ce qu'il faut, c'est renoncer au vouloir-vivre. On le peut dans la contemplation artistique ou intellectuelle et l'abandon de toute préoccupation individuelle. Le sage ne fait plus de distinction entre soi et autrui, et il fait sienne la souffrance du monde entier. Il a donc « une pitié sans bornes pour tous les êtres vivants ». Mais la forme ultime de la sagesse consiste à cesser de vouloir quoi que ce soit, à s'établir dans une totale indifférence à l'égard de toutes choses et dans une chasteté parfaite. Selon Schopenhauer, un tel renoncement, commun aux saints de toutes les religions, trouve sa perfection dans la sagesse orientale. L'ascétisme chrétien est ordonné au bonheur de l'individu. Mais, chez les Hindous, dans le bouddhisme et le brahmanisme, au-delà des mythes, l'ascétisme n'a pas d'autre but que l'extinction du vouloir-vivre et la dissolution de l'individu. Il aboutit, non pas au néant, mais à l'anéantissement des illusions et à l'affirmation de l'être véritable dont nous ne pouvons rien dire.
[caption id="attachment_1429" align="alignleft" width="220"] Schopenhauer[/caption]
Philosophe allemand né à Dantzig. Il passe une partie de sa jeunesse à voyager en Europe, notamment en France et en Angleterre. Sa formation philosophique doit beaucoup à Platon, à Kant et au livre sacré de l'Inde, les Upanishad. De 1820 à 1831, il enseigne à l'université de Berlin, puis il se retire définitivement à Francfort où il poursuit l'élaboration de son œuvre.
♦ En premier lieu, « le monde est ma représentation », mais représentation illusoire, car il est perçu à travers le « voile de Maya », ce tissu de phénomènes soumis aux formes a priori de l'espace et du temps, comme l'affirmait Kant. Substituant aux catégories kantiennes le « principe de raison » sous ses quatre aspects (causalité, lois logiques, lois mathématiques et motivations) Schopenhauer se distingue surtout de Kant lorsqu'il prétend que nous pouvons atteindre la chose en soi ; cette réalité nouménale, il va la découvrir grâce à une expérience intime, celle que nous révèle notre organisme qui nous permet de vivre ce qu'est la tendance, le désir, la volonté, en un mot, le « vouloir-vivre » qui sera élevé à la dignité de principe métaphysique. Ce vouloir-vivre, placé à l'origine de toutes les formes d'existence et conçu comme l'essence de l'univers, constitue la « clef de l’énigme du monde ». Ainsi le monde n'est pas seulement « représenté » dans l'apparence, il existe aussi comme « volonté ». La volonté - qui fait que chaque être tend « à persévérer dans son être » selon l'expression de Spinoza - est une puissance aveugle qui travaille sans but et sans repos, d’où l'absurdité fondamentale du monde. Le désir qui est l'expression consciente du vouloir-vivre, est vécu comme manque et engendre la souffrance qui seule est positive - tandis que le plaisir, né de la satisfaction d'un besoin, se réduit à une simple transition entre deux souffrances (le manque et la satiété). L'égoïsme de chaque individu en lequel s’opère le vouloir-vivre conduit d'ailleurs à la guerre. Mais en fait l’intelligence réalise un artifice quand elle sépare ou individualise le vouloir-vivre et quand elle le situe dans une illusoire succession temporelle, puisque le temps n'est pas une chose en soi, contrairement à ce que pensent Hegel* et les philosophes de l'Histoire. Le vouloir-vivre se déploie dans une sorte d'éternel présent, ainsi que le suggère notamment l'immutabilité des espèces vivantes. A cet égard, l'amour des sexes est, chez l'être humain, une duperie quand il prétend faire intervenir des motivations « objectives » (rôle attribué à la beauté dans le choix du partenaire) alors qu'il obéit secrètement au vouloir-vivre qui, par-delà les individus, tend à la reproduction de l'espèce avant tout.
♦ Le salut pour l'homme consiste à s'affranchir du vouloir-vivre et donc de la douleur qui en est l'expression. La solution peut être trouvée dans l'art, qui transforme en spectacle l'objet du désir ; la contemplation esthétique désintéressée arrête « la roue du temps » (la musique surtout) et nous arrache à la douleur. Mais la libération est fugitive car elle ne supprime pas le vouloir-vivre. En faisant tomber la barrière de l'individualité et de l'égoïsme, la morale, celle de la pitié - « principe réel de toute justice spontanée et de toute vraie charité » -opérera plus sûrement l'affranchissement à l'égard du vouloir-vivre dont la négation trouvera son achèvement dans la résignation et l'ascétisme, selon la conception bouddhique du salut qui préconise la fusion dans le néant, dans le Nirvâna. C'est cette négation finale de l'individu qui vaudra à Schopenhauer - d'abord lu avec admiration -les sarcasmes violents de Nietzsche.
Œuvres principales : La Quadruple Racine du principe de raison suffisante (1813) ; Le Monde comme volonté et comme représentation (1818) ; Les Deux Problèmes fondamentaux de l’éthique (1841) ; Parerga et Paralipomena (1851).
SCHOPENHAUER (Arthur), philosophe allemand (Dantzig 1788 - Franc-fort-sur-le-Main 1860). Il prétend ne se rattacher à aucune école (sinon de loin à la philosophie hindoue), et il s'oppose expressément à l'école postkantienne (Fichte, Hegel). En fait, sa philosophie de la « volonté » comme fondement de la « représentation » est un démarquage de la philosophie de Fichte. C'est en 1813 qu'il soutient sa thèse à léna sur la Quadruple Racine du principe de raison suffisante, en 1818 qu'il publie son principal ouvrage, le Monde comme volonté et comme représentation. Il enseigne à Berlin de 1820 à 1831, date où il quitte l'enseignement et s'oppose à tout ce qui est universitaire. Sa théorie de la représentation, inspirée de Kant, se fonde, selon lui, sur une conception du vouloir-vivre inspirée des philosophes de l'Inde. Son pessimisme, qui unit les notions de souffrance et de vie, l'amène à prêcher l'ascétisme. Sa morale, fondée sur la pitié, est une critique, parfois profonde, de la morale formelle de Kant (Essai sur le libre arbitre, 1839). Son style très riche, plein de métaphores, recouvre en fait une doctrine qui, dans la philosophie de l'idéalisme allemand (Kant, Fichte, Schelling, Hegel), comporte peu d'éléments originaux.
Liens utiles
- Arthur SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation, 181 B, livre IV, trad. A. Burd eau,© PUF, 2e éd. 2004
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