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Schelling: Amour

Amour

• Terme à entendre non pas dans son acception courante en un sens passionnel, comme ressortissant à la sphère affective, mais en un sens métaphysique.

•• « Le secret de l’amour, c’est qu’il lie ceux qui pourraient être chacun pour soi, et cependant ne le sont pas et ne peuvent être l’un sans l’autre », disent les Recherches de 1809 (O. M., 189). L’amour, mot féminin en allemand (die Liebe, il faudrait dire "une amour", comme dans le français de Descartes), est pensé ici à partir de son secret ou de son mystère (Geheimnis), c’est-à-dire de son essence la plus intime. Le terme déborde la sphère strictement anthropologique, son acception schellingienne est moins ontique qu’ontologique. La création du monde n’est possible que pour autant que l’égoïsme divin est surmonté en amour. La loi de l’amour régit ainsi aussi bien le rapport de l’existence au fond obscur (Grund) que, analogiquement, celui de la lumière à la pesanteur, ou le rapport, en Dieu, entre ce qui est Lui et ce qui n’est pas proprement Lui-Même.

••• Avec cette formule des Recherches de 1809, Schelling se cite lui-même en renvoyant à « une formule déjà utilisée ». C’est en effet l’aphorisme 163 des Aphorismes pour introduire à la philosophie de la nature qui déclarait en 1805 : « Tel est le mystère de l’amour éternel que ce qui pourrait être absolument pour soi, ne considère pas comme une proie de l’être pour soi, mais n’est tel que dans et avec les autres. Si chacun n’était pas un tout, mais seulement partie du tout, il n’y aurait pas d’amour ; et s’il y a amour, c’est parce que chacun est tout, mais n’est pas ni ne peut être sans l’autre. » (O. M., 52-3). L’amour éternel n’est pas la passion humaine homonyme. Il relève d’une philosophie de l’identité, et désigne ce qui concilie (ou réconcilie) l’apparemment inconciliable, à savoir la liaison ou union et l’opposition ou désunion des opposés. Le « secret de l’amour » est donc ici un autre nom pour le lien qui unit en séparant et sépare tout en unissant, qui lie et relie en déliant, et délie tout en liant et reliant. L’amour dit ainsi l’unité de l’unité et de l’opposition, la liaison de la liaison et de la non-liaison. Le lien (dont toute la philosophie de Schelling aura été en un sens l’orchestration) est lui-même un autre nom de la copule qui, en tout jugement, relie le sujet au prédicat. L’expression « ne considère pas comme une proie » (dans l’allemand de Luther : fur keinen Raub achtet) vient de saint Paul, Philippiens II, 6. Ce passage, auquel Schelling revient souvent, fera l’objet d’un commentaire plus développé dans la Philosophie de la Révélation. L’allusion suffit à montrer la provenance paulinienne de ce que l’on pourrait appeler, chez Schelling, une métaphysique de l’amour, dans sa dimension cosmique.

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