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SARTRE : LA HONTE, RECONNAISSANCE DE SOI COMME OBJET

SARTRE : LA HONTE, RECONNAISSANCE DE SOI COMME OBJET

Autrui, comme moi, est un sujet. Laphilosophie classique depuis Descartes explicite cette idée en cherchant à découvrir l'essence commune des sujets, l'essence de la subjectivité. Mais un sujet libre, explique Sartre, ne peut prendre pleinement conscience de soi que sous le regard d'autrui. L'expérience de la honte est une des formes de cette rencontre, sans laquelle je ne saisirais pas toutes les structures de mon être.

« [...] La honte dans sa structure première est honte devant quelqu’un. Je viens de faire un geste maladroit ou vulgaire : ce geste colle à moi, je ne le juge ni ne le blâme, je le vis simplement [...]. Mais voici tout à coup que je lève la tête : quelqu’un était là et m’a vu. Je réalise tout à coup toute la vulgarité de mon geste et j’ai honte. [...] J’ai honte de moi tel que j’apparais à autrui. Et, par l’apparition même d’autrui, je suis mis en demeure de porter un jugement sur moi-même comme sur un objet, car c'est comme objet que j’apparais à autrui. Mais pourtant cet objet apparu à autrui, ce n’est pas une vaine image dans l'esprit d’un autre. Cette image en effet serait entièrement imputable à autrui et ne saurait me “toucher”. Je pourrais ressentir de l'agacement, de la colère en face d’elle comme devant un mauvais portait de moi, qui me prête une laideur ou une bassesse d’expression que je n’ai pas ; mais je ne saurais être atteint jusqu'aux moelles : la honte est, par nature, reconnaissance. Je reconnais que je suis comme autrui me voit. »

SartreL'Etre et le Néant, 3e partie, 1,1.

ordre des idées

1) Conditions d'apparition de la honte. —Pas de honte sans autrui. Le sujet, seul, est le simple auteur de ses actes (alors, “ma conscience colle à ses actes, elle est mes actes”). — Sous le regard d'autrui, la honte peut surgir (par exemple si je m'aperçois qu'on me regarde au moment où j'épie quelqu'un). 2) Signification de la honte : je reconnais que je suis cet objet qu'autrui regarde et juge. — Je me juge comme un objet ; je découvre que je ne suis pas que sujet mais aussi une certaine nature, tel être, ce moi qui fait ceci. — Ce jugement sur moi est déterminé par autrui (“autrui est d'abord pour moi l'être pour qui je suis objet”) ; dans la honte, la conscience reconnaît qu'elle est en effet cet objet que voit autrui (“Si l'on me regarde, j'ai conscience d'être objet. Mais cette conscience ne peut se produire que dans et par l'existence de l'autre”).

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