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SARTRE (vie et oeuvre)

L'homme se définit par ses actions et son existence (existentialisme). Dans un monde sans Dieu et qui n'a aucun sens, il est seul et condamné à être libre. Mais il est donc pleinement responsable et il doit assumer ses actes par l'engagement politique.

VIE

«Pape» de l'existentialisme, maître à penser de l'après-guerre, Jean-Paul Sartre n'a cessé d'être passionnément actif dans son époque et de s'engager au nom de la liberté. Il est le modèle de «l'intellectuel engagé».

Le professeur

L 'intellectuel engagé

OEUVRES

Sartre est peut-être plus connu pour ses oeuvres romanesques et théâtrales que pour son oeuvre de philosophe. Cependant, toute sa production littéraire n'est qu'une illustration de ses thèses philosophiques.

La Transcendance de l'ego (1936-1937)
Le premier essai de Sartre est une analyse de la conscience, du «moi», inspirée de la phénoménologie husserlienne. Pour Sartre, le «moi» est libre et indépendant du monde dans lequel il s'inscrit.

L'Imaginaire (1940)
Cet ouvrage est une analyse de l'imaginaire de l'homme inspirée de la phénoménologie.

L'Être et le néant (1943)
C'est le texte philosophique fondamental de Sartre, la présentation la plus élaborée des thèses de l'existentialisme athée. Sartre y établit que l'homme naît libre et responsable, et qu'il se définit à chaque instant par ses actes. Il fait la distinction entre l'«être pour soi» (l'homme conscient de son existence et de sa liberté), l'«être en soi» (les animaux, la nature, les objets non conscients d'eux-mêmes) et l'«être pour autrui» (l'homme conscient qui se définit par rapport aux autres). Il appelle «mauvaise foi» l'attitude de celui qui se cache sa liberté, s'abrite derrière un quelconque déterminisme pour ne pas avoir à assumer ses actes.

L' existentialisme est un humanisme (1946)
Ce petit essai constitue une sorte de condensé des thèses présentées dans "L'Être et le néant". Sartre y répond aux critiques qu'adressent à l'existentialisme d'une part les intellectuels communistes, d'autre part les penseurs chrétiens.

Critique de la raison dialectique (1960)
Dans cet ouvrage, Sartre tente d'élaborer une méthode d'analyse de l'individu et de la société qui ferait la synthèse entre l'existentialisme et le marxisme.

Cahiers pour une morale (1983)
Cette oeuvre posthume et inachevée est constituée à partir de notes de préparation d'un ouvrage sur la morale dont Sartre ne vint jamais à bout. En effet, si l'existentialisme postule la primauté de la liberté humaine, alors il devient très difficile d'élaborer une morale, qui implique par définition des obligations.

EPOQUE

La voix de l'intelligentsia
Défenseur des libertés, théoricien et activiste, Sartre fut l'un des intellectuels les plus écoutés, en France, en Europe, et même aux États-Unis et dans le Tiers-Monde. Témoin actif de son temps, il fut de tous les combats politiques et idéologiques qui secouèrent le monde après la Seconde Guerre mondiale.

La «libération» partout
En 1950, la revue "Les Temps modernes" (dont il est le fondateur) révèle l'existence des camps de concentration soviétiques. En 1956, il condamne l'intervention soviétique en Hongrie. Ses prises de position en faveur de l'indépendance de l'Algérie (de 1956 à 1962) lui coûtent, à deux reprises, le plasticage de son appartement. En 1966, il fait partie du «tribunal Russell» sur les crimes de guerre américains au Viêt-Nam. En 1968, il prend position en faveur du mouvement étudiant. En 1970, il prend la direction du journal "La Cause du peuple", frappé d'interdiction, qu'il distribue dans la rue. En 1971, il fonde l'agence de presse «Libération» avec Maurice Clavel et prépare le lancement du quotidien du même nom.

APPORTS

Les hommes sont seuls et libres: Sartre a tiré toutes les conséquences de ce constat sur la condition humaine. En insistant sur la nécessité d'être engagé dans son époque, il a contribué à faire descendre les philosophes de leur tour d'ivoire.

La liberté du sujet. En partant de l'homme, Sartre a élaboré une éthique de la liberté radicale: il n'y a pas de Dieu, l'homme est seul et libre, il est par conséquent responsable de lui-même et des autres.

L'engagement. En affirmant que l'homme se définit par ses actions et en rejoignant les analyses du marxisme, la philosophie de Sartre aboutit à la nécessité d'un engagement politique. Sartre apparaît ainsi comme l'un des modèles de l'«intellectuel engagé». Le maître à penser. Sartre est considéré comme l'un des derniers «maîtres à penser», c'est-à-dire un intellectuel qui semblait avoir réponse à toutes les questions et vers lequel les intellectuels du monde entier se tournaient comme vers un guide.

Postérité-actualité. La philosophie de Sartre, par son aspect révolutionnaire, a eu une grande influence sur plusieurs générations jusque dans les années 1960. Après cette date, toutefois, elle a été quelque peu supplantée par le structuralisme, qui minimise l'importance de l'homme et de sa liberté. Malgré tout, on peut dire que l'éthique de l'engagement est incontournable à notre époque, et qu'aujourd'hui, les organisations de défense des droits de l'homme dans le monde entier sont en quelque sorte les continuateurs de la démarche sartrienne. Par son influence et son engagement dans les débats du XXe siècle, Sartre apparaît d'ores et déjà comme l'un des philosophes majeurs de notre temps.

CITATION A RETENIR

« L’homme, cette passion inutile. »

Sartre appartient au mouvement phénoménologique en ce sens qu'il considère qu’il n’y a rien derrière le phénomène, que l’existant, l’étant, se réduit à l’ensemble des apparitions qui le manifeste. Rien ne sépare la conscience de la réalité à la manière d’un écran : il n’y a pas d’existant intérieur ni d’existant extérieur. Il convient donc de rejeter aussi le dualisme de l'apparence et de l’essence : l'apparence ne cache pas l’essence, elle la révèle. Primauté du phénomène qui interdit toute approche déductive : « Les existants [= les choses, les objets, etc.] apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire. » Ainsi, l’existence précède-t-elle radicalement l'essence qui n'est plus que la loi de la série de leur manifestation. Toutefois, la critique des anciens dualismes n’empêche pas Sartre de placer au point de départ de ses analyses une opposition fondamentale entre la conscience et la réalité ; la conscience est pour-soi, la chose est en-soi. Le pour-soi, la conscience, la réalité humaine n'est pas une chose, c’est une non-chose, un non-être : il n'est jamais égal à lui-même, littéralement, il n’est pas (au sens où les choses, l’en-soi, sont dans leur opacité), il existe, il est sortie hors de soi. La conscience est un vide, un trou dans l’être, une décompression d’être. Elle est ce pouvoir de néantiser, de mettre à distance le monde. Produit du néant, elle est essentiellement libre. Seule la conscience, le pour-soi, peut paradoxalement être fondement : « Le fondement vient au monde par le pour-soi. » Le fondement, Sartre l’appelle « l’acte ontologique » qui est « cet acte perpétuel par quoi l’en soi se dégrade en présence à soi ». La liberté se manifeste donc dans cette puissance néantisante de la conscience, elle est vécue dans l’expérience radicale de l’angoisse. On est angoissé devant l'infini de sa propre liberté. L'angoisse se distingue de la peur qui est toujours peur de quelque chose; l'angoisse, elle est d'abord une peur de soi et de sa liberté, je ne possède pas cette liberté comme une propriété de mon être : « elle n’est pas une qualité surajoutée ou une propriété de ma nature ; elle est très exactement l'étoffe de mon être », dit Sartre dans "L'Être et le Néant". L'homme, condamné par sa nature à être libre, devient dès lors responsable du monde , il « porte le poids du monde tout entier sur ses épaules ». Cette contrainte angoissante, l’homme tente de s’y soustraire : la mauvaise foi est l’une des réponses à l’angoisse de la liberté. Dans la mauvaise foi, on feint pour soi-même que l’on n’est pas libre, car on ne peut assurer sa liberté. Être de mauvaise foi, c’est en fin de compte se vivre sur le mode d’être de la chose. L’exemple célèbre du « garçon de café » dont la conduite «nous semble un jeu», parce qu’en fait il joue à être garçon de café, montre bien comment je dépasse toujours mon rôle.

Reste à se demander comment concevoir les rapports entre ces libertés absolues que sont chaque conscience. Comment penser autrui et sa liberté dans être-ensemble avec moi ?

Il est impossible, dit Sartre dans "L’Être et le Néant", d’échapper au conflit : « L’essence des rapports entre conscience n’est pas le Mitsein [l’être-ensemble], c est le conflit. » Le regard que l’on porte les uns sur les autres est un défi perpétuel à la liberté de chacun : le regard est essentiellement agressif. Autrui est d’abord pour moi l'être pour qui je suis objet, il est une menace pour ma liberté. Toute rencontre est heurt, affrontement de libertés.

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