SAND (GEORGE)
SAND (GEORGE)
Aurore Dupin, baronne Dudevant, naît le 1er juillet 1804 à Paris. Son père, officier de l'armée impériale, meurt accidentellement en 1808. La grand-mère paternelle, qui n'a pas accepté le mariage de son noble fils, descendant du maréchal de Saxe, avec Sophie, la fille d'un oiseleur des bords de Seine, qu'elle qualifie élégamment de « fille à soldats », accepte toutefois d'accueillir la veuve et son enfant dans son château de Nohant (Indre). Les deux femmes se disputent l'affection d'Aurore, jusqu'à ce que la grand-mère renvoie la mère à Paris contre le versement d'une rente mensuelle. Aurore, éduquée par un médecin-précepteur, affiche rapidement un caractère volontaire. Elle joue avec les petits paysans, participe aux moissons, parle le patois berrichon jusqu'à ce que sa grand-mère décide qu'il est temps d'en faire une dame en l'envoyant en pension dans une institution religieuse, à Paris. Aurore apprend l'anglais et le chant italien. Mais surtout, elle découvre Jean-Jacques Rousseau. Elle a 14 ans, et veut, plus tard, entrer dans les ordres par amour de l'humanité. Quand elle confie ce souhait à sa grand-mère, cette dernière, voltairienne, la ramène à Nohant. Revenue à la campagne, Aurore oublie sa crise mystique et s'habille en homme, afin de monter les chevaux à califourchon. Elle a 17 ans, fume et tire au pistolet et s'amourache d'un jeune homme certes aristocrate, mais pauvre et phtisique (comme le sera Chopin) ; étudiant en médecine, il lui donne des cours d'anatomie. La grand-mère meurt à Noël en 1821; Aurore retourne à Paris vivre auprès de sa mère. Elle s'entend mal avec elle et, pour lui échapper, épouse un jeune sous-lieutenant bâtard d'un hobereau de Gascogne, Casimir Dudevant, le 24 septembre 1822. Le couple s'installe à Nohant où Aurore accouche de Maurice. En 1828, elle donne le jour à Solange, sans doute la fille de son premier amour qu'elle a retrouvé, tandis que son époux légitime séduit la nourrice du bébé. En 1830, le couple, qui affiche des opinions libérales, accueille avec satisfaction la révolution de Juillet ; Aurore accueille aussi, dans une petite maison sur la route de Châteauroux, le fils du percepteur de La Châtre, Jules Sandeau. Scandale : il est mineur ! Aurore, qui est riche, obtient de son mari, qui est pauvre, une demi-séparation : elle vivra six mois à Paris seule et six mois à Nohant avec lui... Elle gagne la capitale avec Sandeau, qui rêve de gloire littéraire; mais c'est Aurore qui écrit ! Elle fait le nègre littéraire, tient chronique dans Le Figaro et Là Revue des Deux Mondes, courant les rédactions en habit d'homme et faisant tinter ses bottes ferrées. Avec Jules, elle publie Rose et Blanche, sous le pseudonyme de J. Sand. Pour Indiana, roman qu'elle écrit seule, elle transforme le J. en George (sans s, à l'anglaise). Indiana est un succès, Aurore Dupin est devenue George Sand, et Sandeau s'en va... George Sand cherche à séduire Mérimée, jusqu'à ce que Sainte-Beuve lui présente Musset. Il a 24 ans, elle en a 29. Coup de foudre, passion partagée... Ils partent en Italie, vont à Venise où Musset court les bordels jusqu'à tomber gravement malade (typhoïde, delirium tremens ?) ; George devient la maîtresse du médecin qui le soigne. Chacun revient à Paris, mais séparément... Ayant décidé de divorcer définitivement de son mari, George prend son avocat pour amant avant de passer en d'autres bras tout aussi républicains, car elle milite pour l'abolition de la royauté. En 1838, elle rencontre Chopin. Leur liaison — orageuse — va durer dix ans, pendant lesquels George fait du journalisme politique, voyage à Majorque, règne sur l'atelier de Delacroix (qui initie son fils Maurice à la peinture) et commence à se lasser d'éponger les dettes de sa fille Solange, qui a épousé le sculpteur Clésinger. La révolution de 1848 éclate : tous les ministres qui composent le gouvernement provisoire sont des amis de George Sand, qui joue les égéries de la République naissante, jusqu'à ce qu'elle soit menacée d'arrestation après que les modérés ont pris le pouvoir. Elle s'exile à Nohant et prend pour compagnon Alexandre Manceau, de treize ans son cadet, qui lui restera fidèle jusqu'à sa mort. Lors du coup d'État de Napoléon III, elle se sert de sa notoriété pour éviter la déportation à plusieurs de ses amis républicains. Ses romans et ses pièces ont du succès, Nohant devient un centre littéraire dont elle est « la bonne dame ». Son grand ami Flaubert vient lui rendre visite. Manceau, tuberculeux, meurt dans ses bras en 1865. Elle cultive l'art d'être grand-mère avec les filles de Solange, jusqu'à sa mort à Nohant, le 8 juin 1876, d'une occlusion intestinale, à l'âge de 72 ans : sentant la mort venir, elle a fait tourner son lit pour recevoir la lumière de l'aube. Dans l'abondante production qu'elle a laissée (plus de cent volumes), on distingue quatre périodes : —de 1831 à 1840, une époque romantique: Indiana (1831), Lélia (1834), Mauprat (1837). — de 1840 à 1844, une phase socialiste Le Compagnon du tour de France (1840), Consuelo (1842); — puis la série champêtre : François le Champi (1844), La Mare au diable (1846), La Petite Fadette (1849), Les Maîtres sonneurs (1852)... ; — une dernière période où elle revint aux formes écrites de ses débuts : Les Beaux Messieurs de Bois-Doré (1858), La Confession d'une jeune fille (1865)... Elle ne cesse d'écrire jusqu'à sa mort, laissant aussi une Histoire de ma vie (1855) et une vaste Correspondance.
SAND George (pseudonyme d’Armandine Lucie Aurore Dupin, baronne Dudevant). Écrivain français. Née à Paris le 1er juillet 1804, morte le 8 juin 1876 à Nohant (Indre). Fille d’un officier de l’armée impériale mort accidentellement en 1808, la petite Aurore, âgée de quatre ans, fut recueillie par sa grand-mère, Mme Dupin, fille naturelle du maréchal de Saxe et veuve d’un riche financier. La future romancière passa toute son enfance à la campagne, dans le domaine familial de Nohant : années riches de solitude et de rêverie, mais également de distractions passionnantes, au premier rang desquelles ces histoires racontées à la veillée dans les maisons paysannes, et dont l’écrivain devait tirer plus tard la matière d’une grande partie de son œuvre. A treize ans cependant, Aurore fut mise en pension dans un couvent parisien : ce furent d’abord plusieurs mois de désespoir et de révolte, suivis d’une crise juvénile de mysticisme et même de vagues aspirations à la vie religieuse cloîtrée. Revenue à Nohant en 1820, la jeune fille fut mariée deux ans plus tard (à dix-huit ans) à un baron Dudevant dont elle ne tarda pas à se séparer. En 1831, elle quitta Nohant, emmenant sa fille et son fils, et commença à mener à Paris une existence de bohème, scandalisant les bourgeois par la crânerie avec laquelle elle acceptait sa condition de « déclassée » par ses accoutrements masculins, par ses façons de fumer la pipe ou le cigare, et surtout par ses aventures sentimentales avec Jules Sandeau d’abord (qui lui donna son pseudonyme de Sand et l’aida à écrire son premier roman, Rose et Blanche), puis avec Alfred de Musset, qu’elle entraîna en 1834 en Italie et dont elle se sépara à Venise à cause du médecin Pagello — célèbre amour romantique que George Sand raconta à sa manière dans Elle et lui (1859), ce qui lui valut une réplique du frère du poète, Paul de Musset, lequel publia la même année Lui et elle . Dès 1832, la baronne Dudevant, devenue George Sand, s’était fait connaître par son roman Indiana qu’allaient suivre Valentine (1832), Lélia (1833), Jacques (1834), Mauprat (1836); ces œuvres reflètent la vie passionnée qui était alors celle de l’auteur; elles ressemblent à des confessions, tout en lyrisme, souvent proches du poème en prose, et elles célèbrent intarissablement la passion sensuelle et idéaliste à la fois, mais toujours éperdue et excessive, l’amour en lutte avec les préjugés et la société. Car l’amour, pour George Sand, est synonyme de la vie : ce n’est pas seulement le bonheur, c’est un droit supérieur de la personne humaine, c’est une sorte de devoir et même un culte divin — si bien que tout devient permis, et légitime, et sacré à la passion pourvu qu’elle soit sincère. Doctrine bien romantique et qu’illustre parfaitement l’histoire tumultueuse du grand cœur de George, si rapide à aller de Sandeau à Musset, de Pagello à Michel de Bourges, de Pierre Leroux à Chopin... C’est en compagnie du grand musicien polonais qu’elle partit en 1837 faire un séjour d’hiver aux îles Baléares; mais à partir de cette époque, sa vie privée s’assagit. Son ménage avec Chopin durera presque dix ans. Et c’est à la politique que George commence à demander un renouveau d’émotions. Vers 1836, par l’intermédiaire de Michel de Bourges, elle s’était liée avec des démocrates et des utopistes sociaux tels que Barbés et Arago et elle s’était mise à considérer le prêtre défroqué Lamennais comme un prophète et le chef de la nouvelle religion de l'Humanité dont elle allait se faire bientôt une des prêtresses. Fille spirituel de Rousseau, influencée aussi bien par Le Contrat social que par La Nouvelle Héloïse , elle entreprit dans des livres comme Le Compagnon du tour de France (1840), de dresser de pathétiques actes d’accusation de la société, rendue responsable de tous les maux humains, et que l’amour seul, selon George Sand, est capable de transfigurer en nivelant les hiérarchies, en abattant les cloisons entre classes et en rétablissant la fraternité universelle. Exaltation de l’homme du peuple — dans Horace (1841) et Le Meunier d’Angibault (1845) — religiosité panthéiste et ésotérique — dans Consuelo (1842) — tels sont les deux traits complémentaires de son œuvre au cours de cette période. George Sand se trouvait donc parfaitement préparée en 1848 pour saluer avec enthousiasme « sa » révolution : dès la chute de Louis-Philippe elle entreprit des démarches pour lancer un journal, écrivit des Lettres au Peuple, et rédigea même les bulletins officiels de Ledru-Rollin, ministre de l’intérieur. Mais, épouvantée par l’insurrection de juin, elle se hâta de « donner sa démission politique » et se réfugia à Nohant. En 1849, dans la préface de La Petite Fadette , elle annonça qu’elle se désintéresserait désormais des événements et qu’elle voulait « se distraire l’imagination en se reportant vers un idéal de calme, d’innocence et de rêverie ». Mais cet idéal n’emplissait-il point dès 1846 une œuvre comme La Mare au diable , tout autant que la fameuse série des romans champêtres : François le Champi (1848), Les Maîtres sonneurs (1853), etc., dans lesquels les personnages paysans sont malheureusement idéalisés à l’extrême et, en somme, assez artificiels, mais qui renferment cependant de fort belles évocations du pays berrichon. Sous le Second Empire, la scandaleuse romantique allait devenir « la bonne dame de Nohant », châtelaine généreuse et amie hospitalière d’écrivains comme Sainte-Beuve, Michelet, Théophile Gautier. Elle conseillait, dirigeait les meilleurs représentants de la nouvelle génération, Fromentin, About, Dumas fils, Flaubert. Elle cultivait son jardin, amusait ses petits-enfants avec son théâtre de marionnettes, se mêlait à la vie de ses laboureurs, apprenait à lire à leurs enfants, présidait les fêtes villageoises, répandait les aumônes — toutefois sans cesser d’écrire ! En 1854, elle fit paraître une fort longue (et fort complaisante) autobiographie intitulée Histoire de ma vie . De 1850 à sa mort, en 1876, c’est presque chaque année qu’elle livra à ses éditeurs ou à la Revue des Deux Mondes , dont elle était une des plus fidèles collaboratrices, quelque roman ou pièce de théâtre, œuvres moins connues que celles des premières périodes, mais où il reste à sauver de belles pages, particulièrement dans Les Beaux Messieurs de Bois-Doré (1858), dans Jean de la Roche (1860), dans Le Marquis de Villemer (1861), dans Mademoiselle de la Quintinie (1862) où, sous le mépris du catholicisme, transparaît une amère inquiétude religieuse. Puis vint la guerre de 1870 qui désespéra George Sand, la Commune qui la rangea définitivement dans « le parti de l’ordre » et lui fit attacher plus de prix encore à son « enracinement » paysan : mais l’écrivain ne faisait plus que se survivre à lui-même. L’auteur de Lelia serait incompréhensible sans Rousseau, dont elle a dit qu’il s’était « emparé de sa jeunesse par la beauté de sa langue et la puissance de sa logique ». Le thème unique de George Sand, son idée-force : l’amour sincère considéré comme principe unique et suffisant de la vie privée, de la morale, de la politique, n’est-ce pas en effet, mais dépouillé de toutes les nuances délicates que lui avait données la sensibilité raffinée de Jean-Jacques, l’évangile de Saint-Preux et de Julie ? Dans son œuvre et plus encore dans sa vie, George Sand a été la personnification extrême des débordements du cœur romantique : elle n’a pas seulement évoqué, elle a été elle-même la passion souveraine, dressée contre toutes les institutions et toutes les disciplines intérieures. Elle n’avait rien pourtant d’une « intellectuelle », ne construisit nulle philosophie originale et ne cessa de subir l’influence des nombreux et divers personnages que successivement elle aima et délaissa. La générosité de son tempérament faisait d’elle un écrivain solide et abondant. Sa facilité régulière, physique en quelque sorte, détermine son style dont le défaut principal est de manquer de mordant, de surprises. Mais George Sand savait charpenter un roman. Elle fut surtout la première femme à nourrir toute sa production littéraire de son expérience féminine, annonçant ainsi une George Eliot et une Colette. Elle est probablement le moins lu aujourd’hui des grands écrivains romantiques et reste un personnage plutôt qu’une œuvre. La puissance de son imagination peut cependant emporter encore les lecteurs de Consuelo et elle demeure une très vivante épistolière et mémorialiste — v. Lettres d'un voyageur (1834) et Correspondance (6 vol., 1882-1894).
♦ « L’insulte à la rectitude de la vie ne saurait aller plus loin... » Chateaubriand. ♦ « Le plus grand poète de prose que possèdent les Français. » Heinrich Heine, 1854. Ce style coulant, cher au bourgeois... » Baudelaire. ♦ « Il fallait la connaître comme je l’ai connue pour savoir tout ce qu’il y avait de féminin dans le cœur de ce grand homme, l’immensité de tendresse qui se trouvait dans ce génie... Elle restera une des illustrations de la France et une gloire unique. » Gustave Flaubert. « Je trouve beaucoup plus vraie George Sand que Balzac... La plus grande artiste de ce temps-ci et le talent le plus vrai... Ses livres ont les promesses de l’immortalité. » Ernest Renan. ♦ « Une eau limpide courant sur un lit fangeux. » Louis Veuillot. ♦ « L ’une des plus sublimes et des plus belles représentantes de la femme, une femme presque unique par la vigueur de son esprit et de son talent, un nom devenu désormais historique... Vers 1845... nous attendions d’elle quelque chose de beaucoup plus grand encore, une parole non entendue jusque-là et même je ne sais quoi de décisif et de définitif. » Dostoïevsky. La vache bretonne de la littérature. » Jules Renard. ♦ « Tout compte fait, son cœur valait mieux que sa vie, qui valait mieux que sa philosophie. » Charles Maurras. ♦ « J’attends toujours de voir, aux vitrines des libraires, les cinq volumes de Consuelo enfin dans leur gloire. Alors, j’en suis assuré, même les plus aigres feront justice à une grande âme. » Alain.
SAND, Aurore Dupin, baronne Dudevant, dite George (Paris, 1804-Nohant, 1876). Femme de lettres française. Auteur d'une oeuvre romanesque considérable, George Sand connut de son vivant un grand succès. Mariée en 1822 au baron Dudevant dont elle eut deux enfants, elle se sépara de lui en 1830, s'installa à Paris et mena une existence qu'elle souhaita indépendante et libre. Liée à l'écrivain Jules Sandeau qui lui donna son pseudonyme. George Sand vécut jusqu'en 1848 une vie mouvementée, marquée par ses liaisons avec Musset, Liszt et Chopin Elle fut l'auteur de romans plutôt sentimentaux jusqu'en 1837 (Indiana, 1832; Mauprat, 1837) puis inspirés par un socialisme humanitaire et les idées de Jean-Jacques Rousseau (Le Compagnon du tour de France, 1840 ; Consuelo, 1842-1843). Devenue la « bonne dame de Nohant », elle publia des romans champêtres (La Mare au diable, 1846 ; François le Champi, 1847-1848 ; La Petite Fadette, 1849).