Salammbô de Gustave FLAUBERT, 1862
Flaubert a entrepris Salammbô pour vivre dans un sujet splendide et loin du monde moderne : Ce que j'entreprends est insensé et n'aura aucun succès dans le public. N'importe! Il faut écrire pour soi, avant tout. C'est la seule chance de faire beau (Lettre, 11 juillet 1858). Une énorme documentation, un voyage en Afrique, cinq ans de travail ont produit cette épopée étrange et cruelle dont le cadre est Carthage, la rivale de Rome. Au lendemain de la première guerre punique (IIIe siècle av. J.-C.), les mercenaires au service de Carthage, faute d'avoir reçu leur solde, se révoltent et, sous la conduite du Libyen Mâtho, mettent la cité en danger. Mâtho, qui pénètre dans Carthage attiré par la beauté de Salammbô, la fille d'Hamilcar, dérobe le voile sacré de la déesse Tanit auquel est lié, croit-on, le sort de la cité. Carthage éprouve effectivement de graves revers. Salammbô, qui est prêtresse de Tanit, se rend au camp de Mâtho et obtient de celui-ci la restitution du voile. Carthage reprend le dessus et se venge impitoyablement. Les mercenaires sont massacrés jusqu'au dernier. Le supplice de Mâtho est réservé pour fêter la victoire : Salammbô meurt d'émotion à ce spectacle dont on lui fait l'honneur. Flaubert s'est livré à une fastueuse reconstitution du monde carthaginois. Mais cet ouvrage fait, disait-il, pour les gens ivres d'antiquités est sombre ; la peinture complaisante et raffinée de tant de massacres, de traîtrises et de supplices est d'un pessimisme qu'il avoue : Il ne ressort de ce livre qu'un immense dédain pour l'humanité (il faut très peu la chérir pour l'avoir écrit) (Lettre, 24 août 1861).